Intervention de Éric Dupond-Moretti

Réunion du 24 février 2022 à 14h30
Choix du nom issu de la filiation — Discussion en nouvelle lecture d'une proposition de loi

Éric Dupond-Moretti :

Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, nous nous retrouvons aujourd’hui dans des circonstances un peu particulières.

Votre commission des lois vous propose d’adopter une motion tendant à opposer la question préalable sur la proposition de loi relative au choix du nom issu de la filiation. Je le regrette très amèrement.

Je le regrette d’abord pour toutes ces Françaises et tous ces Français qui placent leurs espoirs dans ce texte ; pour ces milliers de nos concitoyens qui vivent au quotidien la difficulté, voire la souffrance, de porter et même de supporter leur nom. Il ne tenait qu’à nous, Gouvernement et Parlement, Assemblée nationale et Sénat, d’alléger ces difficultés, d’apaiser ces souffrances, par une réforme équilibrée et de bon sens.

Je le regrette pour ces mères – de fait, c’est le plus souvent des mères qu’il s’agit – qui doivent justifier que leur enfant est bien le leur et présenter à tout bout de champ leur livret de famille. Je le regrette pour ceux qui ont hérité d’un nom qu’ils traînent comme un boulet. Je le regrette aussi pour le travail législatif, qui se trouve arrêté par ce qu’il faut bien appeler un front de conservatisme, malgré une recherche sincère de consensus avec M. Buffet, président de la commission des lois, et Mme Mercier, rapporteure.

Nous avons aussi pu compter sur le soutien d’un certain nombre de groupes de l’opposition, que je tiens à saluer. À gauche comme à droite, des efforts ont été faits pour trouver un compromis.

Après l’échec de la commission mixte paritaire (CMP), l’Assemblée nationale a rétabli en nouvelle lecture ce qui faisait l’ossature de la proposition de loi. Le rapporteur, M. Vignal, et la commission des lois ont également répondu aux inquiétudes du Sénat, mais cela n’a pas suffi.

Vos collègues députés ont fait le choix judicieux d’introduire un délai de réflexion pour le changement de nom dans le cadre de la procédure simplifiée, en prévoyant que le choix de nom soit confirmé devant l’officier d’état civil après un délai d’un mois au minimum. C’est là, assurément, une garantie que la volonté du demandeur est mûrement réfléchie et assumée.

Malgré cela, non contente d’avoir détricoté purement et simplement ce texte en première lecture, la majorité sénatoriale refuse le débat.

Je ne puis m’empêcher de penser que refuser de débattre, c’est refuser de voir que la société évolue. Or la loi civile doit évidemment s’adapter à l’évolution de la société.

À ceux-là qui s’arc-boutent dans le refus de voir la loi accompagner les évolutions de la société, je dis et je répète : vous faites fausse route ! Aux autres, qui attendent cette réforme, je dis qu’ils peuvent compter sur ma détermination et sur celle de l’Assemblée nationale pour faire aboutir le présent texte.

N’en déplaise à certains esprits chagrins, j’approuve totalement cette réforme, tout simplement par ce qu’elle répond à des attentes fortes de simplification. J’y insiste : elle va faciliter la vie des mères et, au-delà, améliorer la vie de nombre de nos concitoyennes et de nos concitoyens qui supportent leur nom.

Oui, mesdames, messieurs les sénateurs, cette réforme est juste.

Je dois le confesser – j’ai d’ailleurs déjà eu l’occasion de le dire à un certain nombre d’entre vous –, j’ai une affection toute particulière pour le Sénat. Il offre sur chaque texte de loi un second regard absolument indispensable. Le plus souvent, il nous permet ainsi, à tous, de mieux atteindre l’intérêt général, qui doit être en tout temps notre horizon indépassable.

Ces vingt derniers mois, j’ai beaucoup apprécié – et le mot est faible ! – de travailler avec vous, sénatrices et sénateurs de tous bords. Je pense en particulier aux membres de votre commission, cher François-Noël Buffet. Disons les choses très clairement : si j’avais eu le moindre doute quant à l’utilité du bicamérisme dans notre République, ces deux années passées à vos côtés l’auraient dissipé à coup sûr.

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