Intervention de Guy Benarroche

Réunion du 24 février 2022 à 14h30
Choix du nom issu de la filiation — Discussion générale

Photo de Guy BenarrocheGuy Benarroche :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, même si cela n’a pas de rapport avec le sujet évoqué, je pense qu’il est difficile d’intervenir aujourd’hui devant le Sénat sans faire référence à l’agression insoutenable et dramatique dont l’Ukraine a été victime ce matin de la part de Vladimir Poutine ni sans condamner fermement cette agression. Même si ce n’est pas le moment de le faire, je vois mal comment nous pourrions y échapper. Au nom de mon groupe, je me permets donc d’exprimer une condamnation sans réserve et de souligner la nécessité, pour la France et pour l’Europe, d’agir vite et fermement à l’égard de Vladimir Poutine.

S’agissant de la proposition de loi que nous examinons en nouvelle lecture, je tiens moi aussi à remercier Mme la rapporteure pour le travail qu’elle a réalisé.

Comme l’a dit ma collègue Mélanie Vogel, ce texte s’inscrit dans la lignée des combats féministes contre l’invisibilisation des femmes.

Que nous ont appris ces combats ? Les dominations ne s’estompent pas d’elles-mêmes, il faut les contraindre à disparaître. Ce texte était une occasion de rendre la loi un peu moins sexiste, un peu plus juste, et de l’adapter aux évolutions de notre société.

Un nom est bien plus qu’une convention sociale, c’est le symbole de notre individualité. Contraindre les femmes à y renoncer, c’est les invisibiliser.

Les témoignages recueillis par le collectif Porte mon nom sont poignants. Que ce soit en raison d’une histoire douloureuse ou d’un nom difficile à porter, pour porter le même nom que ses frères et sœurs ou pour toute autre raison, changer de nom devrait être une formalité, une chose simple.

Or que trouve la majorité sénatoriale à faire dans ces conditions ?

Elle refuse l’ouverture de la substitution du nom d’usage dans le cadre de la filiation. Elle refuse la possibilité, pour le parent qui ne l’avait pas transmis, d’adjoindre unilatéralement son nom à celui de son enfant, alors même que le procédé est encadré par un passage devant le juge en cas de différend.

Elle refuse le changement de nom par formulaire dans les mairies, conservant la procédure incertaine, longue et opaque du décret ministériel.

Elle refuse même de discuter une nouvelle fois de ce texte en déposant une motion tendant à opposer la question préalable, sous prétexte que l’Assemblée nationale ne reprend pas les propositions et les positions que je qualifierai de conservatrices défendues dans ce domaine par le Sénat.

Dès la première lecture, nous avions fait état de nos inquiétudes face à ces positions et à leur justification.

Décentraliser la procédure désorganisera les services des mairies, c’est une charge qu’il est déraisonnable de faire porter aux communes, dites-vous.

Néanmoins, je vous rappellerai qu’il existe 34 965 communes en France. En 2020, quelque 4 293 personnes ont demandé à changer de nom. En admettant qu’il y ait une multiplication par six, par douze ou par vingt-quatre des demandes, cela aboutirait en moyenne à une demande par an et par commune. Nous sommes loin d’une submersion des mairies sous les demandes !

Les services de l’État doivent s’adapter à cette modification et à cette simplification administrative. Nous sommes convaincus qu’ils y parviendront.

Un grave problème est celui des mères célibataires qui doivent prouver que leur enfant est bien le leur lorsqu’il faut l’inscrire au judo ou lui faire prendre l’avion. Or, selon nos collègues de la majorité, il n’est pas besoin de loi. Surtout pas ! Il suffit de décider par décret d’inscrire le nom de la mère sur les cartes d’identité.

Cette proposition revient à évacuer d’un revers de la main le problème de fond. Nous parlons de construire un système égalitaire et libre. Or que propose-t-on à ces femmes qui sont invisibilisées ? On leur propose un encart sur la carte d’identité de leur enfant. C’est insuffisant.

La version de l’Assemblée nationale permet toujours de changer son nom, simplement. En conséquence, nous voterons pour ce texte et contre la motion tendant à opposer la question préalable déposée par Mme la rapporteure.

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