Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les divergences de points de vue entre l’Assemblée nationale et le Sénat sur ce texte ont conduit à l’échec de la commission mixte paritaire.
Certaines de ces divergences paraissant insolubles, les sénateurs de la majorité sénatoriale et Mme la rapporteure ont décidé d’adopter en commission une motion tendant à opposer au texte la question préalable, motion qui a été redéposée pour la présente séance par la commission des lois.
Nous voterons contre cette motion, car nous partageons un certain nombre de points de vue défendus par nos collègues députés. De plus, nous étions favorables au texte initial et comptions sur la commission mixte paritaire pour qu’un accord favorable aux dispositifs initiaux soit trouvé.
Si nous déplorons l’absence d’étude d’impact sur ce texte, nous pensons cependant que les 40 000 personnes qui ont signé la pétition à l’origine de ce texte ont de vraies revendications à faire valoir et que, pour accéder à la possibilité de changer de nom, un véritable parcours du combattant s’impose aujourd’hui à des personnes qui souffrent bien souvent au quotidien.
Un nom, ce n’est effectivement pas rien, comme beaucoup l’ont rappelé au cours de la navette parlementaire. Je vous ferai grâce ici de mon histoire personnelle – ce n’est pas le lieu de la raconter.
Un nom nous caractérise en tant que personne, mais également en tant que membre d’une famille, d’une généalogie, d’une histoire. On peut en être fier. Il en va ainsi, heureusement, le plus souvent. Cependant, on peut aussi en rougir, en avoir honte ou encore l’attacher à une souffrance plus profonde encore, à un traumatisme qui se réveille chaque fois qu’on l’entend, qu’on le prononce ou encore qu’on nous demande de l’épeler. Le nom de famille peut être une ombre quotidienne dans le tableau de certaines vies.
Mes chers collègues, il est déjà possible de changer de nom dans le cadre de la filiation. Toutefois, ce n’est pas certain, car cette possibilité s’accompagne d’une procédure de justification susceptible d’aboutir à un refus.
Il est à nos yeux logique d’en faire un choix personnel indiscutable en simplifiant cette procédure.
Pour ce qui est des mineurs, nous considérons que l’intérêt de l’enfant est parfaitement pris en compte dans la mesure où le texte vise simplement à donner au parent qui le souhaite, et qui rencontre des difficultés au quotidien pour prouver qu’il est bien le parent de son enfant, la possibilité d’ajouter son nom au nom d’usage de l’enfant. Si l’autre parent est absent ou s’il refuse de signer le formulaire de demande, aucun combat judiciaire ne devrait être nécessaire.
L’argument selon lequel une délégation de la compétence à la mairie emporterait une charge supplémentaire ne tient pas non plus, à notre sens. Que la décision relève ou non du garde des sceaux, c’est à l’officier d’état civil qu’il revient de porter les changements sur les actes d’état civil dont disposent les mairies.
Il paraît curieux, par ailleurs, de renvoyer le ministère de la justice à ses propres difficultés, que l’on sait grandes en matière d’outils numériques, et de lui demander de s’améliorer en conséquence.
Enfin, sur le fond, on sait que les souffrances à l’origine d’une telle démarche s’inscrivent souvent dans un cadre d’inégalités entre les femmes et les hommes. Les femmes, mères, tributaires d’une histoire millénaire, donnent la vie à des enfants auxquels elles ne transmettraient pas leur nom et donc leur histoire familiale et une part d’elles-mêmes, au profit d’hommes, pères, qui, pour nombre d’entre eux, restent, parfois à leur corps défendant, ancrés dans des archétypes patriarcaux. Cette forme d’invisibilisation des femmes devrait désormais être révolue.
C’est aussi le sens de cette proposition de loi de liberté, dont le caractère progressiste semble évident. Nous avons bon espoir qu’elle sera reprise dans sa version initiale, tout à l’heure, en lecture définitive, à l’Assemblée nationale.