Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, au cours des cinq dernières années, les agriculteurs gardois, dans leur immense majorité, ont connu au moins trois sinistres. Malheureusement, je sais que beaucoup de mes collègues tirent exactement le même bilan dans leurs départements respectifs.
Ce constat partagé en appelle un autre : face au changement climatique, notre gestion des risques en agriculture n’est plus à la hauteur !
Notre fonctionnement actuel fondé sur une articulation peu lisible entre le régime des calamités agricoles – dont sont exclues certaines cultures – et l’assurance privée ne permet pas, ne permet plus de sécuriser les agriculteurs français.
Aujourd’hui, seulement 18 % de la surface agricole nationale est couverte par une assurance multirisque climatique. Ce simple chiffre illustre l’ampleur du problème auquel nous sommes confrontés.
Les agriculteurs sont des acteurs économiques. Ce sont eux qui nourrissent les Français. Face à un risque de plus en plus présent, nos jeunes agriculteurs ne sont pas encouragés à ouvrir ou à reprendre une exploitation. Tel est le danger !
Alors que 55 % des agriculteurs français ont plus de 50 ans et que notre excédent commercial agricole a tendance à diminuer depuis une quinzaine d’années, la question qui nous est posée est bien celle de notre souveraineté alimentaire.
Monsieur le ministre, une réforme du système de l’assurance agricole était nécessaire et même urgente. Celle-ci est demandée, avec constance, depuis plusieurs années, par les sénateurs socialistes.
Comme nous l’avons exprimé en première lecture, ce projet de loi comprend certaines dispositions qui vont dans le bon sens, mais nous serons vigilants quant à son application concrète.
La création d’un pool d’assureurs permettra de mutualiser le risque et contribuera, de cette manière, à l’équilibre financier du futur système.
L’application maximale du règlement Omnibus avec une franchise abaissée à 20 % et une subvention rehaussée à 70 % est un préalable important pour renforcer l’attractivité des contrats d’assurance.
Monsieur le ministre, lors de nos derniers échanges, en réponse à un amendement de notre groupe, vous vous êtes engagés ici même à avancer sur la moyenne olympique. Il s’agit d’adapter ce référentiel, qui ne correspond plus à la réalité à laquelle sont confrontés nos agriculteurs. C’est là un sujet majeur pour la réussite de cette réforme ; il va de soi que nous serons attentifs aux suites qui seront apportées au traitement de cette question.
Enfin, l’architecture à trois étages doit nous conduire vers un système universel. C’est le cœur de la réforme et c’est un point fondamental pour les sénateurs.
Malheureusement, le législateur n’a pas de visibilité sur l’offre assurantielle qui sera proposée aux agriculteurs. À nos yeux, il est indispensable que celle-ci soit véritablement attractive pour chaque filière. Aucun agriculteur ne doit être laissé de côté. Monsieur le ministre, avec ce projet de loi, vous avez choisi de confier cette responsabilité au prochain exécutif : nous pouvons le regretter…
L’universalité de ce nouveau système dépendra néanmoins de la part de solidarité nationale qui accompagnera le dispositif. C’est dans ce cadre que le travail mené par le Sénat aura permis de renforcer considérablement le texte. Je remercie d’ailleurs notre collègue Laurent Duplomb de nous y avoir pleinement associés.
En inscrivant un budget annuel de 600 millions d’euros et en définissant les seuils d’intervention de l’État à 50 % pour les cultures dites « assurables » et à 30 % pour les autres, nous avons donné du corps à ce qui est désormais un projet de loi d’orientation.
Monsieur le ministre, votre projet de loi sort renforcé du travail parlementaire. Les chiffres sont souvent le nerf de la guerre. Or les chiffres qui ont été inscrits dans le texte issu de la commission mixte paritaire sont de nature à sécuriser les agriculteurs français à l’égard d’une réforme qui dépendra en grande partie de la confiance qu’elle sera en mesure d’inspirer au monde agricole.
Cette confiance doit s’installer dans la durée et se travailler dès à présent. À ce titre, je me permets d’ouvrir une parenthèse pour rappeler qu’il est urgent de répondre efficacement aux attentes suscitées par le plan Gel de 2021. À ce jour, les agriculteurs que j’ai rencontrés sont encore dans le flou.
Enfin, pour en revenir au texte, les améliorations qui ont été apportées permettront de renforcer le poids de l’engagement budgétaire de l’État en faveur de la résilience de notre agriculture, en prévision des prochains projets de loi de finances.
Il s’agit, en quelque sorte, monsieur le ministre, d’un service que nous vous avons rendu à vous et à votre ministère. Il est aujourd’hui indispensable de faire entendre, y compris au ministère des finances, que nos agriculteurs ont besoin de la solidarité nationale.
En ce sens, le travail mené par le Sénat dans le cadre du double examen des lois et de la navette parlementaire aura toute son utilité. Les sénateurs socialistes voteront donc ce texte.