Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, quinze jours seulement après l’examen en première lecture, nous nous retrouvons, prêts à apposer notre signature commune en bas de ce texte, bientôt promulgué : c’est peu dire que le Sénat et l’Assemblée nationale ont développé des approches identiques pour offrir la meilleure protection possible à nos enfants et à nos adolescents devant leurs écrans.
Il y a urgence : selon un rapport de 2017 de Santé publique France, les enfants passent en moyenne quatre heures et onze minutes par jour devant les écrans, bien plus que le temps recommandé par les spécialistes du sujet. Ils peuvent donc voir beaucoup de choses !
L’objet de cette proposition de loi est précisément d’empêcher les enfants d’accéder à des contenus « susceptibles de porter atteinte à leur intégrité morale ou physique ».
Les sites pornographiques sont évidemment les premiers visés. Je pense également à l’ultraviolence, ainsi qu’au harcèlement sur les réseaux sociaux et les messageries. La toile multiplie les contenus et interactions directement accessibles aux plus jeunes.
Il ne s’agit pas ici de mettre fin à certains contenus haineux ; cela sera l’objet de défis à venir. À cet égard, les travaux de la députée Laetitia Avia doivent nous inspirer.
La présente proposition de loi peut s’assimiler à une clé transmise aux parents pour interdire, s’ils le souhaitent, certains accès à leurs enfants. Sur ce point, elle apporte des réponses salutaires.
Les modalités d’approche conviennent tant à nos collègues députés qu’au Sénat, dont les apports ont d’ailleurs été nombreux et bénéfiques. J’en profite pour saluer les travaux transpartisans de notre rapporteure, élaborés dans des temps particulièrement contraints.
Comme vous le savez, ce texte impose que soit proposée l’activation d’un contrôle parental lors de la mise en service des terminaux permettant d’accéder à internet. Tous les outils sont ciblés : les téléphones, les tablettes, les ordinateurs, les télévisions connectées, les consoles, mais aussi les appareils d’occasions reconditionnés – une belle avancée obtenue par le groupe majoritaire à l’Assemblée nationale. Tous les systèmes d’exploitation sont également concernés – Mac OS, iOS, Android, Windows ou Linux.
Les fournisseurs de systèmes d’exploitation sont responsabilisés. Concrètement, un magasin n’aura pas le droit de distribuer un appareil sans proposer cette solution au démarrage. Toutefois, notre rapporteure a apporté une précision utile : les dispositions de cette proposition de loi ne s’appliqueront pas aux ordinateurs vendus sans système d’exploitation. Cela va dans le bon sens, car de nombreuses personnes craignaient que cette loi ne précipite la fin du marché des ordinateurs vendus « nus », sans système d’exploitation, qui sont appréciés des « libristes ».
Il est impossible d’évoquer la régulation du numérique sans évoquer le droit communautaire. Nous devons nous assurer que ce texte est bien compatible avec la législation européenne. Or une telle notification, effectuée après son dépôt à l’Assemblée nationale, pouvait paraître prématurée. Nous saluons donc l’insertion de l’article additionnel visant à notifier de nouveau la proposition de loi à la Commission européenne, gage essentiel de sécurité juridique.
Nous entendons le choix de ne pas retenir l’activation par défaut du contrôle parental, qui aurait restreint par principe l’accès à internet. Quel signal aurions-nous adressé au regard de nos libertés ? La question reste ouverte.
Pour conclure, notre groupe salue l’atterrissage en douceur de cette proposition de loi utile et gage de sécurité pour les parents. Toutefois, comme l’a très bien indiqué Bruno Studer, ce texte « ne remplacera jamais le rôle des parents dans le dialogue et la compréhension à l’égard de leurs enfants. »