Intervention de Brigitte Devesa

Réunion du 23 février 2022 à 21h30
Garantie à l'emploi pour les chômeurs de longue durée — Discussion générale

Photo de Brigitte DevesaBrigitte Devesa :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez-moi de saluer la clarté du rapport de M. Jean-Luc Fichet, et de remercier le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain d’avoir inscrit à notre ordre du jour cette proposition de loi visant à créer une garantie d’emploi pour les chômeurs de longue durée, dans les activités utiles à la reconstruction écologique et au développement du lien social.

Le texte a certes le mérite de proposer un projet de société, de s’engager pour la lutte contre le chômage, d’y apporter des réponses et de rappeler à cet hémicycle que le chômage de masse sur plusieurs générations mine la société de l’intérieur et qu’à force de s’inscrire dans le paysage français, il a fini par rendre l’élite du pays apathique, découragée, voire, pis, a conduit à ce que l’on s’y habitue et que l’on se réjouisse d’un taux à 8 %.

Le plan de lutte contre le chômage de longue durée est décliné de manière exhaustive dans la proposition de loi. Il est détaillé financièrement, avec une précision et un sens de l’équilibre qui font de cette proposition de loi un texte aux allures de projet de loi, voire de programme présidentiel. D’ailleurs, la commission des finances aurait pu être sollicitée pour l’examiner.

Vouloir garantir un emploi aux chômeurs de longue durée est une intention louable. Comment s’y opposer ? On le peut d’autant moins que le droit à l’emploi serait – je dis « serait », car nombre de juristes estiment qu’il y a eu, à la Libération, une confusion entre les termes « droit à l’emploi » et « droit au travail » – un principe constitutionnel.

Une autre intention louable est d’aller chercher la main-d’œuvre là où elle fait défaut. Nous savons que les besoins sont nombreux.

D’après l’Insee, la moitié des agriculteurs en activité partiront à la retraite d’ici à 2030. Dans le secteur des transports routiers, entre 40 000 et 50 000 emplois sont non pourvus. Les besoins pourraient atteindre 100 000 postes dans les cinq années à venir.

Les armateurs nous alertent sur le manque d’officiers et de marins. Sur ce point, le dispositif proposé ne semble pas apporter de véritable solution.

Selon un rapport de la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), on comptait en 2020, parmi les trente métiers les plus en tension dans le marché du travail, les ingénieurs du bâtiment et des travaux publics, mais aussi les charpentiers, les couvreurs, les plombiers, les métalliers ou encore les chaudronniers. La présente proposition de loi y pourvoira-t-elle ? Le métier de couvreur sera-t-il considéré comme une activité utile à la reconstruction écologique si l’entreprise n’est pas qualifiée ou ne se spécialise pas, par exemple, dans le recouvrage du toit à la chaux ?

Par conséquent, voici la principale opposition à cette proposition de loi.

Vous élaborez un plan financier complexe, par l’instauration notamment d’un nouvel impôt dit de solidarité sociale et climatique sur le capital. Pourquoi pas ? Vous accélérez des expérimentations sur le terrain, modifiant la nature et le rythme de celles-ci.

Mais vous alourdissez aussi le budget de l’État de 7 milliards d’euros par la diminution de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et l’abaissement de la contribution économique territoriale (CET) pour financer une orientation vers les activités utiles à la reconstruction écologique et au développement du lien social. C’est une orientation, certes, louable, mais arbitraire ; certains diront idéologique !

C’est ce que rappelle M. Jean-Luc Fichet dans son rapport, lorsqu’il estime que certaines entreprises pourraient être exclues de la liste des entreprises socialement et écologiquement responsables, alors qu’elles opèrent dans des secteurs tout de même stratégiques – vous en conviendrez – pour l’économie française ou qu’elles sont créatrices d’emplois ou de forte valeur ajoutée.

Par cette proposition de loi, vous avez voulu introduire une hiérarchie des activités, entre secteurs essentiels et non essentiels, hissant ainsi la protection de l’environnement et les métiers du lien social devant toute autre activité.

Un flou demeure d’ailleurs sur la définition de ce que vous appelez « activités utiles à la reconstruction écologique et au développement du lien social ». Je me demande si l’activité des cafetiers et restaurateurs en fait partie. Dans la négative, les restaurateurs devront, comme à Narbonne – souvenez-vous ! –, prendre leurs propres initiatives et augmenter par exemple les salaires de 30 % pour attirer la main-d’œuvre, la préserver et faire face aux pénuries.

Une telle hiérarchisation et contestable. Pourquoi ne pas proposer une proposition de loi garantissant un emploi aux chômeurs de longue durée pour des activités utiles à la culture, à l’éducation, au développement du sens civique et citoyen ?

Quoi qu’il en soit, une autre question se pose : comment peut-on présenter un texte visant à orienter vers les métiers de demain comme la reconstruction écologique sans évoquer une seule fois la question de la formation ?

Vous avez préféré recourir à la création d’un nouvel impôt qui, comme votre proposition de loi, doit être acceptable parce qu’il contient dans son intitulé une référence à la solidarité sociale et au climat.

Il est vrai que les expérimentations ou les dispositifs existants comme l’insertion par l’activité économique ou les contrats aidés peuvent être améliorés ou faire l’objet de réflexions.

Vous me permettrez néanmoins de ne pas entrer plus avant dans le détail des mesures financières de cette proposition de loi quand le groupe Union Centriste, que je représente aujourd’hui, n’en partage pas la philosophie générale.

Aussi notre groupe ne votera-t-il pas ce texte.

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