Intervention de Daniel Gremillet

Commission des affaires économiques — Réunion du 23 février 2022 à 9h30
Volet « énergie » du paquet « ajustement à l'objectif 55 » — Présentation des travaux

Photo de Daniel GremilletDaniel Gremillet, rapporteur :

Madame la Présidente, chers collègues, nous avons en effet travaillé avec ma collègue Dominique Estrosi Sassone sur ce sujet, à la fois complexe et important pour notre pays, dans le concert de la politique européenne.

Le paquet «?Ajustement à l'objectif 55?» vise à réduire de 55 % les émissions de gaz à effet de serre (GES) d'ici 2030. Pour ce faire, il fixe notamment pour objectif une baisse de 39 % de la consommation d'énergie primaire et une hausse de 40 % de la production d'énergies renouvelables.

Dans le cadre de nos travaux préalables, nous avons organisé six auditions, au cours desquelles nous avons entendu des instances nationales comme européennes, des représentants des électriciens comme des gaziers. De plus, nous avons reçu une trentaine de contributions qui nous ont permis de recueillir l'ensemble des points de vue des professionnels, des collectivités territoriales, des gestionnaires ainsi que des associations.

Au terme de nos travaux, je retiens plusieurs enseignements généraux car le paquet présente plusieurs difficultés de méthode.

C'est une juxtaposition de textes, très larges et très denses, dont l'évaluation doit être renforcée. En effet, ce paquet intervient dans un contexte de grave crise des prix des énergies, qui impose de bien mesurer son impact sur les ménages, les entreprises et les collectivités territoriales.

De plus, il faut veiller à davantage de stabilité, de lisibilité et de cohérence dans les textes. Je rappelle que ce paquet, trois ans après la loi « Énergie-Climat », de 2019, et six mois après la loi « Climat-Résilience », de 2021, nous oblige à revoir toute la transposition du droit européen en matière d'énergie et de bâtiment à laquelle ma collègue Dominique Estrosi Sassone et moi-même avions contribué.

La neutralité technologique doit être garantie entre toutes les énergies décarbonées, renouvelables comme nucléaires. Il en va de même de la compétence des États membres, tant dans la définition du mix énergétique que dans la lutte contre la précarité énergétique. Je rappelle que l'article 194 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) fait de la définition de ce mix une compétence souveraine des États membres.

Enfin, il faut veiller à limiter le coût des textes pour les consommateurs d'énergie, particuliers comme professionnels. Cela suppose de ne pas fixer d'objectifs mal calibrés ou non financés, car la transition énergétique a un coût qui doit être pris en charge, dans un souci de solidarité et de compétitivité, par l'Union européenne et ses États membres. Ainsi, toute nouvelle contrainte normative appelle de nouveaux moyens budgétaires. Si la fiscalité énergétique doit être verdie, elle n'a pas à être pour autant alourdie.

J'en viens aux six textes sur l'énergie.

S'agissant de la directive sur la taxation des énergies, il faut tenir compte du contexte du prix des énergies, alléger la fiscalité sur les entreprises énergo-intensives, ne pas oublier certaines énergies comme l'hydrogène nucléaire, les biocarburants, le biogaz ou le bois-énergie et mieux associer aux réformes les collectivités territoriales. Les États membres doivent déterminer eux-mêmes les ménages vulnérables devant être soutenus fiscalement.

Concernant la directive sur les énergies renouvelables, ses objectifs doivent être généraux, adaptés et réalistes. Il est nécessaire d'ajuster les critères de durabilité de la biomasse, de ne pas pénaliser certaines énergies, telles que l'hydrogène nucléaire et les bioénergies, et de mieux valoriser les projets des collectivités territoriales. Les États membres doivent déterminer eux-mêmes leur mix. Ceux dont le mix est le plus décarboné ne doivent pas être pénalisés.

Pour ce qui est de l'initiative sur les carburants durables aériens, ses objectifs sont très ambitieux et il faut donc faire attention aux délais et aux surcoûts et conforter les investissements nécessaires. Un principe de neutralité technologique doit bénéficier à l'hydrogène nucléaire et aux différents biocarburants.

À l'inverse, s'agissant de l'initiative sur les carburants durables maritimes, ses objectifs sont bien moins ambitieux et doivent donc être relevés. Par ailleurs, il faut prévoir un soutien budgétaire pour les collectivités territoriales, dans l'électrification des quais, et un soutien extrabudgétaire pour les professionnels, dans leur recours au biogaz naturel liquéfié (bioGNL). Là encore, les différents biocarburants doivent être intégrés.

Concernant le règlement sur les infrastructures de recharge pour carburants alternatifs, il faut relever l'objectif pour l'électricité et accélérer celui proposé pour l'hydrogène. Un principe de neutralité technologique doit bénéficier à l'hydrogène et au gaz bas-carbone.

Quant au paquet gazier, une vigilance doit s'exercer sur l'acte délégué, pour garantir un traitement identique de l'hydrogène renouvelable et de l'hydrogène bas carbone. De plus, l'hydrogène doit être utilisé avec discernement pour décarboner les secteurs les plus difficiles, et non pas être injecté sans mesure dans les réseaux de gaz naturel.

Enfin, si l'essor de l'hydrogène se trouve sur toutes les lèvres, il ne faut pas oublier les technologies déjà existantes qui ont fait leurs preuves, telles que le biogaz et le gaz bas-carbone.

Au-delà de ces directives et règlements, je retiens de mes auditions quelques observations des acteurs de l'énergie sur les aspects « Climat » du paquet.

S'agissant du système d'échange de quotas carbone, ils attendent un mécanisme plus prévisible, plus simple et plus contrôlable. Ils sont particulièrement attentifs à la prolongation des quotas gratuits de CO2, ainsi qu'à l'évolution ultérieure de leurs prix.

Pour ce qui est de l'interdiction des véhicules thermiques, beaucoup considèrent comme très ambitieuse l'échéance de 2035 proposée par la Commission européenne.

Quant au mécanisme d'ajustement carbone aux frontières de l'Union européenne (MACF), sa compatibilité avec les règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), de même que l'affectation des recettes et le risque de rétorsion, sont des sujets d'anxiété.

Mes préconisations sur l'énergie, que je viens de vous indiquer, figurent dans la proposition de résolution. Je vous remercie et laisse ma collègue vous entretenir du bâtiment.

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