président de la commission des lois. – Monsieur le préfet, vous pourrez répondre à Mme de La Gontrie lorsque je vous redonnerai la parole.
Nous avons examiné le formulaire de pré-plainte, il gagnerait effectivement à mentionner le lieu, par exemple, et à être plus précis sur la nature des infractions.
M. Thomas Dossus. – Votre réponse sur l’emploi des gaz lacrymogènes n’est pas satisfaisante. On ne peut vous laisser dire qu’il n’y a pas d’alternative à cet emploi, alors qu’à votre place, la semaine dernière, le ministre de l’intérieur nous disait envisager un changement de doctrine pour l’usage de ces gaz, en particulier dans la perspective des jeux Olympiques. Il y a donc un désaccord entre vous et le ministre.
Chacun avait compris dans notre pays qu’il devait s’attendre à être gazé lorsqu’il allait manifester. C’est désormais également le cas quand on va au stade, et même quand on attend le bus ! Ne pensez-vous pas qu’il y a des abus, qui retombent finalement aussi sur ces malheureux agents dont les gestes inappropriés sont filmés ?
On ne peut se contenter de vos réponses, il faut parler de doctrine d’emploi de ces gaz. D’autres méthodes sont possibles. Est-ce que les sommations ont été faites en anglais ? Quel a été le dialogue avec les supporters anglais ? Beaucoup de témoins disent qu’il n’y en a pas eu, mais vos agents pouvaient-ils au moins communiquer en anglais ? Quelles conséquences pour la formation des agents, et pour le maintien de l’ordre lors de grands événements internationaux ?
M. Jacques Grosperrin. – Vous dites bien que vous êtes le seul responsable opérationnel. Et, à trop le dire, on sent bien qu’il en va aussi de la responsabilité du président de la République qui a accepté d’organiser ce match en trois mois, alors qu’il aurait fallu, on le sait, dix-huit mois. On sent bien également, en creux, que vous êtes prêt, en tant que haut fonctionnaire, à vous placer sur l’autel pour être sacrifié…
Cependant, lorsque vous dites que le match n’avait pas été classé au plus haut niveau du risque, c’est grave, car les supporters de Liverpool sont connus pour se déplacer en masse et sans billets, et pour essayer régulièrement de s’infiltrer. Votre mission, dites-vous, est de faire reculer la foule qui se presse, mais le problème se pose en amont.
Vous dites que vous ne saviez pas précisément ce qui se passait au niveau du contrôle des billets. Y a-t-il eu un problème de coordination entre la sécurité du stade et les forces de l’ordre ? Certains parlent de dysfonctionnements dans la chaîne de commandement. Y aurait-il eu – je n’ose le croire – des consignes contradictoires de ne pas intervenir sur les fauteurs de troubles ? Vous encouragez à porter plainte. Mais le faites-vous aussi concernant l’usage des gaz lacrymogènes ?
Si vous ne répondez pas à ces questions, j’entendrai votre gêne à vous exprimer sur ces faits.
M. Guy Benarroche. – Quitte à faire passer les parlementaires pour des gens qui ont besoin de poser plusieurs fois la même question, je veux vous interroger sur votre choix d’utiliser les gaz.
Vous dites qu’une fois votre décision prise de lever le barrage, il n’y avait pas d’autre choix possible, étant donné la répartition de vos forces, que de gazer des personnes qui n’avaient aucune raison d’être traitées ainsi. Et vous ajoutez, ce qui ne laisse pas de me surprendre, que si c’était à refaire, dans six mois ou dans trois ans, vous le referiez ! Je repose la question de mon collègue Thomas Dossus : n’y a-t-il pas, dans la doctrine du maintien de l’ordre, d’alternative à cette façon de gazer des gens qui ne sont pour rien dans les désordres ?
M. Éric Kerrouche. – D’après nos informations, vous disposiez pour cet événement de 33 unités de forces mobiles, ce qui représenterait environ le tiers des effectifs de nos forces nationales, mais vous avez choisi d’en déployer 10 seulement sur le Stade de France. Pourquoi ce choix stratégique, alors que vous saviez manifestement que des personnes extérieures allaient se concentrer sur le stade ? Ensuite, vous avez choisi de déployer la BRAV sur le stade, alors qu’elle n’est manifestement pas la plus adaptée pour ce genre d’événement, moins en tout cas que les CRS. Pourquoi ce choix ?
Mme Alexandra Borchio Fontimp. – Nous sommes tous conscients de l’enchaînement de dysfonctionnements qui a mené à ce chaos dont la France se serait bien passée, à quelques encablures des jeux Olympiques. Il en va du rayonnement de notre pays, de la crédibilité de nos autorités et de notre capacité à accueillir des événements d’une telle ampleur, ce qui interroge notre doctrine du maintien de l’ordre.
J’ai été, le jour du match, stupéfaite de voir aux abords du stade, entre la sortie du RER et l’entrée du stade, des vendeurs d’alcool à la sauvette et de denrées alimentaires dans des conditions d’hygiène déplorables. Pire encore, je n’ai été ni contrôlée ni fouillée pour accéder au stade. Le ministre de l’intérieur a reconnu qu’à partir d’un certain moment, le public n’a effectivement plus été contrôlé, ce qui est incompréhensible face à la menace terroriste. Le ministre, que j’ai interrogé sur ces points la semaine dernière, m’a répondu que vos décisions avaient sauvé des vies. C’est probable, mais je crois aussi qu’elles auraient pu en supprimer d’autres.