Intervention de François-Noël Buffet

Réunion du 12 juillet 2022 à 14h30
Diffusion de contenus à caractère terroriste en ligne — Discussion générale

Photo de François-Noël BuffetFrançois-Noël Buffet :

Cela étant dit, la présente proposition de loi vise à adapter la législation française aux dispositions du règlement européen du 29 avril 2021 relatif à la lutte contre la diffusion des contenus à caractère terroriste en ligne.

Mais notre marge de manœuvre est en réalité assez étroite – il faut bien le reconnaître –, car elle est définie par le règlement européen lui-même. Ce texte devrait donc faire consensus.

Je me contenterai d’en mentionner les principaux apports : retrait en une heure, possibilité d’émettre des injonctions transfrontalières, possibilité de soumettre les fournisseurs de services d’hébergement à des mesures spécifiques.

De tels dispositifs ne sont pas totalement nouveaux dans notre droit, la France étant en la matière plus avancée que les autres pays de l’Union européenne, probablement parce qu’elle a – hélas ! – souvent été la cible d’attaques terroristes.

Depuis 2015, les dispositions de l’article 6-1 de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique prévoient une procédure administrative de retrait qui permet à Pharos de demander aux éditeurs et aux hébergeurs de retirer des contenus faisant de la provocation ou de l’apologie du terrorisme ou des contenus pédopornographiques.

En cas de non-retrait sous vingt-quatre heures, Pharos a la faculté de notifier la liste des adresses électroniques permettant l’accès aux contenus illicites aux fournisseurs d’accès à internet, afin qu’ils les bloquent sans délai, et aux moteurs de recherche, afin qu’ils les déréférencent.

L’articulation avec le droit existant de la nouvelle procédure d’injonction de retrait a suscité quelques réserves de la part de notre rapporteur, André Reichardt. Les auteurs de la proposition de loi ont fait le choix d’un système dual, dans lequel les deux procédures coexisteraient, ce qui ne semble pas tout à fait respecter l’esprit du règlement européen ; celui-ci vise en effet à harmoniser la procédure et les obligations découlant des injonctions de retrait en matière de contenus à caractère terroriste.

Finalement, en pratique, il reviendrait à Pharos d’articuler ces dispositifs potentiellement concurrents et de décider quelle procédure employer, injonction de retrait en une heure ou demande de retrait en vingt-quatre heures…

Nous comprenons tout à fait le choix de ne pas « désarmer » Pharos et de lui conserver la possibilité d’user d’une procédure déjà existante qui a fait ses preuves, en particulier pour continuer à pouvoir notifier des blocages ou des déréférencements.

La commission des lois a souhaité renforcer la cohérence entre les deux dispositifs en veillant à ce que les autorités concernées soient les mêmes et en instituant une supervision de Pharos par la personnalité qualifiée de l’Arcom pour l’ensemble des injonctions de retrait.

Celle-ci pourra ainsi s’assurer que Pharos adopte la même pratique que les autres autorités compétentes européennes et utilise les injonctions de retrait du règlement européen dans les mêmes cas de figure, sans se reporter sur la procédure moins formaliste de l’article 6-1 de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique.

Nous avons en outre étendu la compétence du suppléant de la personnalité qualifiée, qui a été créé sur l’initiative de la rapporteure à l’Assemblée nationale, afin que ce suppléant puisse également intervenir dans les procédures de l’article 6-1, y compris celles qui sont relatives aux contenus pédopornographiques, et ainsi alléger la charge de travail de la personnalité qualifiée.

Reste un dernier sujet sur lequel nous avons un désaccord avec le Gouvernement : celui de la procédure juridictionnelle ouverte aux fournisseurs de services d’hébergement et aux fournisseurs de contenus pour contester les décisions prises par Pharos, par la personnalité qualifiée de l’Arcom ou par l’Arcom dans le cadre du règlement européen.

Dans la proposition de loi initiale, seulement la première instance, à savoir une procédure accélérée au fond devant le président du tribunal administratif, était prévue. Nous avons ajouté une procédure d’appel dans les mêmes délais devant le Conseil d’État.

Le Gouvernement propose une procédure d’appel classique devant la cour administrative d’appel, dans un délai contraint d’un mois. En réalité, ce point n’est pas dirimant ; je suis sûr que nous pourrons poursuivre nos discussions de manière fructueuse et trouver une solution en commission mixte paritaire avec nos collègues députés.

Par conséquent, mes chers collègues, la commission, sous réserve de l’adoption des amendements sur lesquels elle a émis un avis favorable, vous demande de voter le texte issu de ses travaux.

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