Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il faut une réponse systémique à la nécessité de rendre aux travailleurs et aux citoyens cette puissance d’agir que constitue la possibilité d’assurer sa subsistance, de consommer, de construire son quotidien, ainsi que sa place dans la société et sa protection sociale.
Nous espérions donc dans ce projet de loi une valorisation du travail, une clarification de ce qu’est le travail et des droits qu’il apporte. Nous attendions des mesures permettant de consolider le salariat et notre système de protection sociale.
Rien de tel dans ce texte, qui ignore la question salariale, pourtant au cœur de celle du pouvoir d’achat ! Je dirais même que la réponse systémique du Gouvernement vire au cynisme. Vous jouez de diversion au moyen de multiples mesures, dont certaines dépassent formellement le champ des affaires sociales, pour finalement aggraver la prédation à l’encontre de la sécurité sociale.
Vous faites le choix délibéré d’un revenu désocialisé et défiscalisé. Et c’est sous la pression de la crise inflationniste que les travailleurs, pris à la gorge, se voient proposer la substitution de la prime au salaire, parallèlement à une modération du coût du travail, c’est-à-dire des salaires.
Avec la prime de partage de la valeur, l’exceptionnel devient donc la règle. Cette prime pérennise en effet un dispositif facultatif, temporaire et discrétionnaire.
Ainsi, le plafond de la « prime Macron » est augmenté pour atteindre 6 000 euros. Ce chiffre crée une diversion. Nous savons en effet que, malgré un plafond passé à 2 000 euros depuis sa mise en place en 2019, le montant moyen de cette prime n’a jamais dépassé 506 euros.
Par ailleurs, en 2019, selon l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss), les 2 millions de salariés bénéficiaires de la prime représentaient seulement 10, 7 % du total des salariés. D’où le cynisme…
Monsieur le ministre, les Français ne demandent pas l’aumône. Ils demandent des salaires justes, une protection sociale de qualité et des conditions de travail dignes.
Dans le même temps, et parce que cela va de pair, le Gouvernement continue à faire du dialogue social un simple décor en renvoyant les partenaires sociaux à un statut de figurants. En atteste son choix de faire mine d’inciter les branches à la négociation sur les salaires avec son article 4, qui ne constitue pas, à notre sens, un soutien suffisant aux revalorisations salariales.
Si les travailleurs pauvres et les « premiers de corvée » sont ignorés ici, l’enjeu n’est pas seulement la modération salariale. Il s’agit aussi de programmer l’obsolescence du salariat et des protections qu’il apporte.
L’intéressement croissant à l’épargne salariale voulue par le Gouvernement est de fait un dispositif d’évitement du salaire, ce qui participe de ce mouvement.
Il donne le pouvoir à l’employeur de décider unilatéralement de mettre en place ce dispositif dans les entreprises de moins de 50 salariés, en cas d’échec des négociations ou en l’absence d’institutions représentatives du personnel.
Le texte fragilise donc la sécurité sociale en la privant de ressources dans l’objectif, toujours, de relancer l’activité économique. Le patrimoine que constituent pour les Français les assurances sociales est en effet dilapidé par le Gouvernement depuis longtemps. Je pense au choix de faire porter sur la sécurité sociale la dette covid et au refus de compenser le trou creusé par les 2, 8 milliards d’euros de mesures prises en réponse à la crise des gilets jaunes.
La revalorisation exceptionnelle de 4 %, qui est une bonne chose, n’est par ailleurs pas suffisante pour améliorer le tableau de votre texte.