La séance est ouverte à dix heures trente.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat (projet n° 817, texte de la commission n° 828, rapport n° 827, avis n° 825, 826 et 822).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
Monsieur le président, madame la rapporteure, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis très heureux de vous retrouver ce matin pour vous présenter avec Olivier Dussopt les principales mesures de ce paquet pouvoir d’achat, qui comporte un projet de loi et un projet de loi de finances rectificative.
Son objectif – je n’aurai de cesse de le rappeler au Sénat, comme je l’ai fait à l’Assemblée nationale – est de protéger nos compatriotes face à l’augmentation des prix sans équivalent depuis plusieurs années qui les touche dans leur vie quotidienne. Augmentation du prix des carburants, de l’alimentation… la vie chère est une souffrance et un profond facteur d’inquiétude pour des millions de nos compatriotes.
Nous avons déjà apporté des réponses depuis plusieurs mois sur l’électricité et le gaz. Je pense au plafonnement des prix de l’électricité, au gel des prix du gaz ou au bouclier énergétique, qui a permis de contenir l’inflation, dont je rappelle que le taux en France est, à l’heure où je vous parle, le plus faible de tous les pays de la zone euro. Toutefois, face au pic inflationniste, nous devons adopter de nouvelles mesures pour continuer de protéger nos compatriotes. Elles doivent obéir à une vision politique ; il ne s’agit pas de les prendre au petit bonheur la chance.
Nous estimons en premier lieu que la valorisation du travail et la reconnaissance de tous ceux qui travaillent restent la meilleure réponse au problème du pouvoir d’achat. Je sais que ce point est aussi important pour de nombreux groupes de cette assemblée.
Nous continuerons donc à valoriser le travail, avec le triplement de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat (PEPA) – nous vous proposons de la porter à 6 000 euros –, le soutien à l’intéressement et à la participation, dispositifs qui devront être soutenus massivement dans les mois à venir, la baisse des cotisations sociales pour les indépendants, la revalorisation de 4 % de la prime d’activité et la hausse de 3, 5 % du point d’indice des fonctionnaires.
Outre les dispositions que je viens d’énumérer, nous avons enrichi le texte d’un certain nombre d’apports proposés par des députés issus de groupes autres que le groupe majoritaire. Je pense à la monétisation des RTT, qui me paraît très positive, ou au relèvement du plafond des heures supplémentaires, qui est passé de 5 000 euros à 7 500 euros. Je sais que certains parmi vous veulent graver ces deux mesures dans le marbre : cela me semble judicieux.
Il y a également des propositions sur la désocialisation des heures supplémentaires, au-delà de la défiscalisation. Nous devons avoir une discussion constructive sur le sujet en faisant très attention à cibler le dispositif sur les petites et moyennes entreprises. Nous devrions pouvoir avancer ensemble.
Dans ce paquet pouvoir d’achat, nous avons également décidé de maintenir le bouclier énergétique. Alors que les prix du gaz et de l’électricité n’ont jamais été aussi élevés, il nous paraît essentiel, avec le Président de la République et la Première ministre, Élisabeth Borne, de maintenir le gel du prix du gaz et le plafonnement de l’augmentation du prix de l’électricité à 4 % jusqu’à la fin de l’année 2022. Je veux le redire ici, aucun rattrapage ne sera effectué en 2023 sur la facture des consommateurs.
Nous avons par ailleurs trouvé un compromis à l’Assemblée nationale sur le fioul. Des députés d’autres groupes que le nôtre ont insisté sur la nécessité de mieux prendre en compte le coût supporté par les Français qui doivent actuellement remplir leur cuve alors que les prix ont fortement augmenté. Nous avons adopté une aide de 230 millions d’euros pour tous nos compatriotes qui utilisent ce combustible pour se chauffer, tout en prenant aussi des mesures pour accélérer la transition et permettre à chacun de changer sa chaudière. Mais, comme un appareil ne peut pas se changer en deux semaines, nous avons accepté cette aide destinée à tous nos compatriotes qui se chauffent au fioul. Elle est chiffrée à 230 millions d’euros. Ainsi que je l’ai indiqué, nous lèverons le gage lors des débats au Sénat, car nous voulons répondre aux situations d’urgence.
Je souhaite également évoquer l’aide que nous avons proposée pour le carburant. Nous avons tout d’abord mis en place une remise de 18 centimes d’euros par litre. Puis, nous avons suggéré de lui substituer une aide plus ciblée pour les salariés, l’indemnité compensatrice pour les travailleurs.
Certains groupes politiques à l’Assemblée nationale, notamment le groupe Les Républicains, ont estimé qu’une mesure plus simple et plus massive serait préférable. Nous avons donc trouvé un compromis, en portant la remise de 18 centimes à 30 centimes d’euro par litre à compter du 1er septembre.
Exclamations ironiques sur les travées du groupe CRCE.
Sourires sur les mêmes travées.
Nous avons opté pour une remise de 30 centimes d’euro par litre au 1er septembre, 30 centimes en octobre, 10 centimes en novembre et 10 centimes en décembre. Cette aide, je le rappelle, sera complétée par les remises faites par les distributeurs et les pétroliers, notamment les 20 centimes d’euro par litre proposés par Total à partir du 1er septembre.
Certes, nous négocions, nous discutons… Mais, au bout du compte, la seule chose qui intéresse vraiment nos compatriotes, c’est le prix du litre d’essence ou de diesel à la rentrée. Or, en cumulant toutes les mesures, nous pourrons alors avoir un litre à 1, 50 euro environ. Tous nos débats sont très constructifs et utiles. Mais, in fine, ce qui compte, c’est la vie de nos compatriotes. Or elle sera améliorée par cette mesure !
M. Roger Karoutchi acquiesce.
Je le dis donc avec beaucoup de clarté, je souhaite que nous puissions préserver ce compromis et que nous ne rouvrions pas le débat. Nos compatriotes ont entendu que le litre d’essence pouvait être à 1, 50 euro à la rentrée. Revenir sur ce point causerait plus de difficultés qu’autre chose.
Enfin, je rappelle que les parlementaires ont été sensibles à la situation des petites stations-service rurales et de leurs clients. Ils ont proposé 15 millions d’euros pour les accompagner et les aider à se transformer. Je souhaite également que cette bonne mesure soit maintenue.
Je le sais, certains groupes au Sénat jugent nos mesures insuffisantes et souhaiteraient en plus une taxation des superprofits.
Oui ! sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.
Je veux redire mon opposition à toute nouvelle taxe dans notre pays, pour des raisons très profondes.
Exclamations sur les mêmes travées.
(Protestations sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.) Une taxe n’est pas une réponse à la situation économique de notre pays. Par ailleurs, taxer les entreprises nationales n’est pas la meilleure manière de renforcer notre économie, notre capacité à créer de la richesse et des emplois.
Mêmes mouvements.
… la bonne voie n’est pas l’augmentation des impôts, des taxes ou des prélèvements obligatoires ; la bonne voie, c’est la réduction des impôts, des taxes ou des prélèvements obligatoires ! §
Ceux qui réclament aujourd’hui des taxes sur les entreprises réalisant des bénéfices ne s’alarmaient pas hier quand ces mêmes entreprises connaissaient des difficultés économiques, accumulaient des pertes et avaient du mal à investir.
Protestations sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.
J’estime donc que nous devons tenir notre ligne, qui est aussi l’une des lignes directrices de la majorité : baisser les impôts, et ne pas considérer les taxes comme la solution aux difficultés des Français. Vous pouvez vous faire plaisir en réclamant des taxes, mesdames, messieurs les sénateurs. Je préfère faire plaisir à nos compatriotes en obtenant des remises qui vont directement dans leurs poches, plutôt que dans celles du Trésor public ! Cela restera ma philosophie et ma ligne de conduite. (Vives protestations sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)
Nous proposons enfin la suppression de la contribution à l’audiovisuel public. C’est toute la différence avec vous : nous maintenons notre ligne de baisse des taxes et des impôts, et nous rendons par cette mesure 138 euros de pouvoir d’achat à chaque ménage.
Enfin, j’imagine que l’un des sujets de discussion importants dans cet hémicycle portera sur la réponse à apporter aux inquiétudes des collectivités locales. Nous avons retenu la proposition de la députée socialiste Christine Pires Beaune. C’est d’ailleurs la preuve que nous avons trouvé des compromis avec tous les groupes politiques de l’Assemblée nationale !
Marques d ’ ironie sur les travées des groupes SER et CRCE.
Olivier Dussopt, Gabriel Attal et moi-même sommes particulièrement attentifs à la situation des collectivités locales ; je veux le dire devant cette assemblée. Toute la difficulté – nous la connaissons – consiste à établir un diagnostic aussi précis que possible de la situation des différentes collectivités. Je vous demande pardon de le dire avec autant de franchise, mais il n’est pas mauvais non plus de tenir compte de la bonne ou de la mauvaise gestion de ces dernières. Il me paraît essentiel de soutenir celles qui ont des difficultés malgré une bonne gestion. Mais les communes qui se sont distinguées par une bonne gestion ne doivent pas payer pour les autres.
Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.
Les textes que nous vous présentons proposent également des crédits pour reprendre à 100 % le contrôle de notre service public de l’énergie. EDF est un outil industriel fondamental pour l’approvisionnement énergétique et la souveraineté de notre pays. Mais l’entreprise fait face à des défis de modernisation importants : augmentation de la demande d’électricité, impératif de produire une énergie décarbonée, nécessité absolue de relancer le programme nucléaire ; le Président de la République a proposé à Belfort la construction de six nouveaux réacteurs EPR. Pour cela, nous avons besoin d’une unité de commandement totale sur EDF. Tel est l’objectif de cette nationalisation, que nous vous demandons d’approuver, mesdames, messieurs les sénateurs.
Je rappelle enfin que le paquet pouvoir d’achat prévoit d’ouvrir 12 milliards d’euros de crédits pour faire face à l’augmentation de la charge de la dette. En effet, 10 % de la dette française est indexée sur l’inflation, dont deux tiers sur le niveau moyen d’inflation de la zone euro, celui-ci étant plus élevé que le nôtre.
Je le redis donc avec beaucoup de gravité : chaque euro compte, et le rétablissement des finances publiques françaises n’est pas négociable.
Le Président de la République s’est d’ailleurs engagé, en fixant un calendrier : 3 % de déficit en 2027, amorce de la diminution de la dette publique à partir de 2025. Je suis le garant du respect de l’engagement de retour à l’équilibre de nos finances publiques.
Nous devrons donc veiller au cours des débats à ce que chaque euro soit bien employé.
Lors des discussions à l’Assemblée nationale, le combat fut rude pour les députés de la majorité, pour ceux qui refusaient la dérive de nos comptes publics et pour les ministres au banc du Gouvernement. Nous avons réussi à maintenir le cap. Nous sommes entrés avec 20 milliards d’euros de propositions d’aides pour nos compatriotes. Nous avons discuté des dizaines d’amendements, représentant des dizaines de milliards d’euros de dépenses additionnelles, dépenses qui nous sont apparues – je le dis – irresponsables au regard de l’état de nos finances publiques. Nous sortons de l’Assemblée nationale avec un texte qui engage précisément 350 millions d’euros de dépenses supplémentaires. Cela me paraît responsable et raisonnable.
Pour fixer dès à présent le cap des débats au Sénat, je souhaiterais que le volume des dépenses supplémentaires votées ici soit comparable, de l’ordre de 350 millions d’euros, soit au total un paquet pouvoir d’achat de 20, 7 milliards d’euros. Cela nous permettrait de contenir le déficit public à 5 % en 2022.
En matière de finances publiques, il me semble essentiel d’avoir des lignes claires et des objectifs chiffrés. La majorité, le Président de la République, la Première ministre et moi-même souhaitons tenir ce cap des 5 % de déficit public en 2022. Cela doit nous conduire à limiter les dépenses supplémentaires votées par le Parlement pour le paquet pouvoir d’achat à 700 millions d’euros.
Il est fondamental que nous ayons un débat serein et approfondi – c’est toujours le cas dans cet hémicycle, ce dont je vous remercie – sur les grandes lignes politiques du projet de loi : l’énergie, la valorisation du travail et la protection des collectivités locales face à l’inflation.
Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.
Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure, messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, nous entamons le débat portant sur ce que nous appelons le paquet pouvoir d’achat, composé d’un premier texte, le présent projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, et d’un second, le projet de loi de finances rectificative (PLFR), que Bruno Le Maire et Gabriel Attal défendront devant vous.
Ces deux textes comportent un grand nombre de dispositions. Ils ont évidemment un lien entre eux, mais – je le précise d’emblée – ils ne couvrent pas l’intégralité des mesures que nous prenons en matière de pouvoir d’achat, certaines relevant du domaine réglementaire. Par exemple, le Gouvernement n’a pas besoin de solliciter du Parlement une autorisation législative particulière pour la revalorisation du point d’indice de la fonction publique ou pour l’aide de solidarité exceptionnelle versée aux foyers fiscaux bénéficiaires de minima sociaux à la rentrée.
Les textes que nous vous présentons ont vocation, d’une part, à mettre en place de nouveaux outils en matière de pouvoir d’achat, de partage de la valeur, de revalorisation des revenus du travail, d’énergie ou de logement – d’autres collègues viendront ultérieurement défendre des textes sur ces sujets devant vous –, et, d’autre part, à prévoir les crédits et les dispositions fiscales nécessaires à la mise en œuvre de ces mesures ; ce sera l’objet du PLFR. Bien entendu, il faudra veiller à la cohérence d’ensemble du dispositif pour que les différentes mesures soient les plus efficaces possible.
Votre assemblée examine donc ce matin le premier texte, qui comporte différentes mesures de protection du pouvoir d’achat des Français. Certains items sont spécifiquement orientés autour du partage de la valeur et des revenus du travail.
Le texte issu de l’Assemblée nationale a été enrichi durant son examen en commission. Je tiens avant tout à saluer la qualité de ces travaux, en précisant d’emblée que nous ne proposerons pas de revenir sur la plupart des modifications apportées en commission ; celles-ci améliorent très nettement le texte qui vous a été transmis. Je pense aux apports introduits à l’article 2 quant aux exonérations de cotisations pour les travailleurs indépendants, aux dispositions en matière de déblocage des parts d’épargne salariale ou encore à celles qui permettent de clarifier le cumul emploi-retraite pour certains de nos concitoyens occupant des fonctions d’élu local.
Mais je voudrais aussi, à l’occasion de cette intervention liminaire, évoquer les trois points de divergence ou de débat qui subsistent encore entre le Gouvernement, l’Assemblée nationale et votre commission ; ils concernent les six premiers articles du texte.
Le premier concerne la pérennité de la prime de partage de la valeur pour les entreprises de plus de cinquante salariés, telle que votre commission l’envisage à l’article 1er. Vous le savez, le Président de la République s’est engagé à tripler le plafond de la prime de pouvoir d’achat. Les entreprises pourront donc verser une prime de 3 000 euros par an et par salarié, exonérée de cotisations sociales, voire de 6 000 euros en cas de signature d’un accord d’intéressement. Cette mesure exceptionnelle de pouvoir d’achat, que nous reconduisons pour la troisième année consécutive, concerne les salariés percevant moins de trois fois le SMIC, et ce jusqu’à la fin de l’année 2023.
Nous avons aussi souhaité, en particulier après l’avis du Conseil d’État, créer un nouveau dispositif, pérenne celui-là, de partage de la valeur pour toutes les entreprises et tous les salariés, sans plafond de rémunération, assujetti au régime fiscal et social de l’intéressement. La commission des affaires sociales a fait le choix de le maintenir jusqu’au 31 décembre 2023 et d’en réserver ensuite le bénéfice aux seules entreprises de moins de cinquante salariés. Comme j’ai eu l’occasion de l’indiquer à Mme la rapporteure lors d’une séance de préparation du texte, le Gouvernement proposera le rétablissement de la pérennité du dispositif. Nous aurons donc très vite l’occasion d’en débattre.
Nous partageons également l’essentiel des aménagements apportés par la commission des affaires sociales à la baisse des cotisations sociales pour les travailleurs indépendants, prévue à l’article 2. Cette baisse pérenne se traduira par un gain pouvant aller jusqu’à 550 euros pour les artisans-commerçants et les professionnels libéraux rémunérés à hauteur du SMIC.
Par ailleurs, compte tenu des amendements qui ont été adoptés, les micro-entrepreneurs bénéficieront d’un dispositif adapté à leurs spécificités leur permettant de profiter également de cette diminution de cotisations. Elle sera d’un montant différent de celui qui est prévu par le texte pour les travailleurs indépendants, les modalités de calcul des cotisations des micro-entrepreneurs étant spécifiques. J’aurai l’occasion d’apporter quelques précisions lors du débat. Mais j’indique d’emblée que cette exonération de cotisations sera intégralement compensée à la sécurité sociale par l’État, comme j’ai eu l’occasion de le dire devant l’Assemblée nationale.
L’article 3 du projet de loi vise à faciliter le recours à l’intéressement, en particulier pour les petites et moyennes entreprises. Notre objectif est de lever un maximum de blocages identifiés comme étant des freins au développement et au déploiement des accords d’intéressement.
Nous accueillons très favorablement l’ajout de la commission, qui prévoit de réduire à quatre mois la durée maximale de la procédure d’agrément des accords de branches relatifs au dispositif de partage de la valeur. J’aurai toutefois l’occasion de vous proposer un amendement visant non pas à modifier l’économie générale du texte adopté par la commission, mais à préserver les seuls délais d’opposition à la main des partenaires sociaux. Je relaie bien évidemment ici une demande de ces derniers, qui sont attachés au maintien des délais d’opposition. Pour le reste, les dispositions adoptées par la commission des affaires sociales nous paraissent relever d’une véritable simplification.
Le deuxième point de divergence concerne l’article 4, que la commission des affaires sociales a fait le choix de supprimer. Je proposerai de le réintégrer. Il concerne la restructuration des branches professionnelles disposant de minima conventionnels durablement inférieurs au niveau du SMIC. Une telle mesure me paraît utile. Si l’action combinée des partenaires sociaux et de l’État a heureusement permis de résorber le nombre de branches pouvant être immédiatement concernées, un tel outil me semble efficace pour empêcher à l’avenir que des branches ne restent durablement bloquées avec des minima conventionnels inférieurs au SMIC.
Par ailleurs, sur ce même article 4, l’Assemblée nationale a adopté une proposition permettant de réduire à quarante-cinq jours le délai imparti à la branche pour ouvrir des négociations, au lieu de quatre-vingt-dix jours actuellement. Nous considérons que cet ajout est également utile.
La commission a validé la proposition du Gouvernement d’avancer les revalorisations des pensions de retraite et des prestations sociales prévues au 1er janvier et 1er avril prochains. La revalorisation, qui sera de 4 %, vient s’ajouter à celle de 1, 1 %, qui est intervenue le 1er janvier dernier, et celle de 1, 8 %, qui est intervenue le 1er avril dernier.
Je le précise devant vous, toutes les prestations, y compris la prime d’activité, seront concernées ; Bruno Le Maire l’a rappelé. Nous avons en effet souhaité la revaloriser au même rythme que l’ensemble des minima sociaux, de manière à préserver l’écart entre les revenus du travail au niveau du SMIC et les minima sociaux.
Je ne reviens pas sur l’article 15, qui prévoit les modalités de réembauche de salariés dans le cadre de la réouverture provisoire de la centrale à charbon de Saint-Avold. Je précise néanmoins que cette réouverture est temporaire, qu’elle dépend des conséquences de la guerre en Ukraine et que la réembauche des salariés concernés s’effectuera uniquement sur la base du volontariat.
Enfin, nous avons une troisième divergence, sur laquelle le Sénat, le Gouvernement et l’Assemblée nationale peuvent, me semble-t-il, travailler. La commission des affaires sociales a adopté un dispositif d’exonération forfaitaire de cotisations patronales sur les heures supplémentaires, dont le coût, pour une déduction forfaitaire de 50 centimes par heure supplémentaire, s’élèverait à 300 millions d’euros, donc à 1, 5 milliard d’euros si la déduction s’élevait à 1, 50 euro.
À nos yeux, il s’agit d’un dispositif non pas véritablement de pouvoir d’achat, mais plutôt de compétitivité. Il peut éventuellement se révéler utile s’il est ciblé sur les petites entreprises, comme le ministre de l’économie et des finances vient de l’indiquer. Le projet de loi de finances rectificative adopté par l’Assemblée nationale prévoit d’ores et déjà le relèvement du plafond des heures supplémentaires exonérées de 5 000 euros à 7 500 euros.
Afin que le débat en matière d’exonération de cotisations sur les heures supplémentaires puisse prospérer, je vous proposerai de supprimer l’article additionnel adopté par la commission des affaires sociales. La discussion pourra ainsi avoir lieu avant le début de l’examen du projet de loi de finances rectificative sur ce point, et nous pourrons conserver à l’ensemble de ces textes une cohérence, les dispositions relatives aux heures supplémentaires étant d’ores et déjà intégrées dans le collectif budgétaire.
Je rappelle que le texte prévoit aussi une méthode et un calendrier de déconjugalisation de l’allocation aux adultes handicapés (AAH). Je connais l’investissement de votre assemblée sur le sujet ; je pense notamment au rôle très actif du sénateur Philippe Mouiller. Nous aurons l’occasion d’en débattre ; j’en suis convaincu. Le Gouvernement a pris l’engagement de ne pas dépasser le 1er octobre 2023 pour l’entrée en vigueur de la mesure. À chaque fois que nous pourrons gagner du temps, nous le ferons.
Je forme le vœu que nos échanges permettent d’améliorer encore le texte sur l’ensemble de ces sujets, afin de préparer dans les meilleures conditions la navette, en espérant qu’elle soit la plus productive possible, que le projet de loi soit rapidement adopté et que les mesures puissent être mises en œuvre au bénéfice des Français.
Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, en 2022, le taux d’inflation devrait atteindre au moins 5, 5 %, un niveau que la France n’avait pas enregistré depuis 1985. Nous avions collectivement fini par oublier les conséquences d’une forte inflation. Mais elles se rappellent brutalement aux Français, qui voient grimper en flèche le coût de la vie dans tous les territoires.
Le projet de loi que nous examinons aujourd’hui a justement pour objet d’apporter une partie de la réponse des pouvoirs publics à une très forte demande sociale, parallèlement au collectif budgétaire qui est examiné par la commission des finances. Nous connaissons les attentes légitimes de nos concitoyens à cet égard.
Or, loin d’y répondre, nombre d’articles du projet de loi transmis au Sénat la semaine dernière formaient un ensemble hétéroclite, ne présentant qu’un lien ténu avec l’enjeu de préservation du pouvoir d’achat des ménages.
Notre commission a souhaité modifier le texte en partant d’un principe simple : apporter une réponse immédiate et concrète aux difficultés de nos concitoyens face à l’inflation, tout en privilégiant à cette fin la valorisation du travail.
Ainsi, nous avons revu l’article 1er pour faire en sorte que la prime que vous proposez d’instaurer, messieurs les ministres, permette aux employeurs de soutenir de manière tangible leurs salariés sans se substituer à d’autres éléments de rémunération. Nous avons rebaptisé celle-ci « prime de pouvoir d’achat ». Nous l’avons bornée dans le temps, au 31 décembre 2023, sauf pour les entreprises de moins de cinquante salariés, et, tout en permettant aux employeurs de fractionner le versement dans l’année, nous avons limité à quatre le nombre de versements.
Cette même approche nous a conduits à introduire un article 1er bis, qui prévoit une réduction de cotisations sociales patronales sur la majoration de salaire au titre des heures supplémentaires. Car, pour que les salariés qui le souhaitent puissent récolter les fruits de leur travail, il faut que leur employeur soit en mesure de les payer.
Dans un esprit de responsabilité pour nos finances publiques, l’article laisse au Gouvernement le soin de fixer par décret le montant de la réduction.
L’allégement des cotisations sociales des indépendants, prévu à l’article 2, s’inscrit lui aussi dans une logique de soutien au pouvoir d’achat des travailleurs, pour un gain de l’ordre de 550 euros par an au niveau du SMIC.
La commission a tenu à mieux encadrer le dispositif, à en corriger les imperfections et à en garantir la pérennité, sans oublier le cas spécifique des micro-entrepreneurs, qu’a abordé M. le ministre.
Je regrette toutefois l’effet de seuil lié à la forte augmentation du taux de cotisation prévu par le Gouvernement, entre 17 000 euros et 25 000 euros de revenus. Ce n’est pas a priori de nature à inciter au travail.
Du reste, les travailleurs indépendants ne percevront les frais d’une telle mesure qu’à compter du début de l’année 2023. Cette échéance est bien lointaine au regard de l’urgence de la situation.
L’article 5 prévoit une revalorisation de 4 % des prestations sociales au 1er juillet. Je le rappelle, il ne s’agit que d’une avance sur la revalorisation prévue par la loi au 1er janvier ou au 1er avril 2023. Ainsi, un soutien non négligeable sera apporté notamment à nos aînés, dont le pouvoir d’achat s’est particulièrement érodé au cours des dernières années, du fait des différentes mesures de sous-indexation des pensions mises en œuvre par le Gouvernement. Bien que cette revalorisation ne suffise pas, tant s’en faut, à compenser la dégradation du niveau de vie des retraités depuis 2017, elle n’en est pas moins bienvenue.
J’aimerais évoquer les autres prestations concernées. Il est permis de s’interroger – je pense que nous aurons l’occasion de le faire – sur l’uniformité de la revalorisation proposée, compte tenu de l’objectif de valorisation du travail affiché par le texte.
La commission a par ailleurs adopté, à l’article 3, quelques ajustements bienvenus au régime de l’intéressement en entreprise. Ceux-ci visent à faciliter son développement, même si l’effet ne sera – vous l’avez concédé lors de notre entretien, monsieur le ministre – que très indirect sur le pouvoir d’achat des salariés.
Dans le prolongement des mesures de simplification proposées, nous avons prévu également de raccourcir les délais d’agrément des accords de branche sur l’intéressement et la participation. Ceux-ci doivent être rapidement applicables, afin que les petites entreprises les utilisent pour développer l’intéressement.
Nous avons introduit dans le texte une mesure de déblocage exceptionnel de l’épargne salariale, qui apportera un soutien immédiat aux salariés dont les revenus sont insuffisants face à la hausse des prix. Ils pourront demander jusqu’au 31 décembre 2022 le déblocage des sommes placées sur un plan d’épargne entreprise, dans la limite de 10 000 euros pour l’achat de biens ou la fourniture de services.
Le projet de loi apporte en revanche une réponse peu convaincante à la problématique des bas salaires. Au 1er août prochain, le SMIC connaîtra sa quatrième revalorisation en un an, sous l’effet de l’inflation.
Dans ce contexte – j’insiste sur ce terme –, de nombreuses branches professionnelles présentent des grilles de minima salariaux dont les plus bas échelons sont dépassés par le SMIC. Afin d’éviter un tassement des rémunérations au niveau du SMIC, l’article 4 entend inciter les partenaires sociaux à se saisir de la question par le biais du processus de restructuration des branches professionnelles. Il introduit une confusion entre un chantier structurel, qui doit engager toutes les parties prenantes, et les réponses conjoncturelles qu’appelle la protection du pouvoir d’achat des Français.
La commission a considéré que les partenaires sociaux d’une branche éprouvant des difficultés structurelles à négocier sur les salaires ne seront probablement pas sensibles à la menace d’une hypothétique fusion.
De surcroît, un tel mécanisme, qui concernerait seulement des situations marginales – je serais tentée de dire « extrêmement marginales » –, jette l’opprobre sur les branches, qui, dans l’ensemble, assument leurs responsabilités dans la situation particulière actuelle.
La commission a donc supprimé cet article. Elle a en revanche proposé, dans un nouvel article 4 bis, une accélération des délais pour l’entrée en vigueur et l’extension des accords portant exclusivement sur les salaires lorsque plusieurs revalorisations du SMIC interviennent dans l’année.
Ce projet de loi sert par ailleurs de véhicule à plusieurs dispositions visant à remédier à certaines situations inéquitables. L’article 5 bis, inséré en séance publique à l’Assemblée nationale, vient clore le long débat sur la déconjugalisation de l’allocation aux adultes handicapés (AAH), dans lequel le Sénat a été précurseur, en particulier grâce à l’action de notre collègue Philippe Mouiller et à celle d’autres sénateurs.
Le revirement du Gouvernement, dont nous nous félicitons, rend possible la mise en œuvre de cette réforme au plus tard le 1er octobre 2023. Cette date semble un peu lointaine, mais elle peut se justifier par la complexité technique de l’opération ; nous aurons l’occasion d’y revenir.
Un mécanisme transitoire protège les perdants de la réforme, en leur permettant de bénéficier de l’AAH sous sa forme actuelle, jusqu’à l’expiration de leurs droits à l’allocation si cette modalité leur est plus favorable. Nous attendons encore des garanties du Gouvernement. Nous proposerons un certain nombre d’amendements sur les modalités d’application du mécanisme.
En outre, nous avons souhaité donner une base légale à l’instruction ministérielle permettant aux retraités exerçant un mandat électoral local de constituer des droits à pension de retraite en contrepartie des cotisations qu’ils versent. Les élus concernés pourront ainsi bénéficier en toute légalité des prestations sans devoir liquider leurs droits auprès de l’institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l’État et des collectivités publiques (Ircantec).
Enfin, la commission a approuvé l’article 15, qui permet l’embauche de salariés pour la réouverture temporaire de centrales à charbon. Le cadre dérogatoire au droit du travail ainsi prévu permet de répondre à une situation inédite pour notre souveraineté énergétique tout en assurant une protection satisfaisante des salariés et de l’employeur concernés. Toutefois, humainement, cette réouverture doit nous interroger sur ce que ces décisions contradictoires du Gouvernement ont fait vivre à ces territoires, ainsi qu’aux hommes et aux femmes concernés.
Messieurs les ministres, vous l’aurez compris, notre commission s’est saisie de ce texte de manière à la fois critique et constructive.
J’espère que nos débats permettront de l’enrichir et que la suite de la navette nous permettra surtout de nous montrer à la hauteur des attentes de nos concitoyens.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et RDSE.
Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et sur des travées du groupe UC.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, une vingtaine d’articles du projet de loi relatif au pouvoir d’achat ont été examinés par la commission des affaires économiques.
Alors que nous traversons une crise inflationniste inédite, mais prévisible, notre commission regrette le manque d’anticipation, d’évaluation et d’ambition du texte.
Nous déplorons aussi des conditions d’examen précipitées. Le Gouvernement indique vouloir bâtir une nouvelle relation avec le Parlement ; ce n’est pas gagné ! Et ce n’est pas admissible !
Sur le volet énergie, notre commission a recherché un équilibre entre, d’une part, la législation d’urgence et, d’autre part, la liberté d’entreprendre et le droit de propriété.
Nous avons donc consolidé les pouvoirs de la Commission de régulation de l’énergie (CRE) en matière de stockage de gaz. Nous avons aussi encadré l’exercice des pouvoirs de crise du ministre et renforcé leur indemnisation.
De plus, nous avons associé les collectivités à tous les dispositifs pertinents, dont l’interruptibilité du gaz. Enfin, nous avons circonscrit le champ des méthaniers flottants et complété leur programme d’investissement, gage de leur acceptation.
L’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh) suscite, à raison, bien des passions. Nous avons gelé son plafond à 120 térawattheures par an et relevé l’ensemble de son prix à 49, 50 euros, dans le respect du cadre européen.
Tout en déplorant vivement la méthode, nous avons aussi adopté la validation d’un recours contre l’évolution de l’Arenh sur le plan des consultations, pour éviter toute hausse des prix. Souvenons-nous : le 4 avril dernier, ces prix avaient atteint 3 000 euros par mégawattheure : un record !
Ces mesures techniques et ponctuelles n’éteignent en rien – j’y insiste – le besoin d’une vision politique et d’un soutien financier pour le groupe EDF, tant s’en faut.
Sur le volet logement, les dispositions sur l’augmentation des loyers ou sur les aides personnalisées au logement (APL) sont des solutions de court terme.
Il manque une réflexion de fond et des mesures ambitieuses qui témoigneraient de la volonté du Gouvernement de répondre aux carences de construction dans les zones tendues et d’apporter des solutions au décrochage des APL par rapport aux charges.
Cela étant, notre commission a décidé d’apporter son soutien à ce volet, qui repose sur un compromis entre l’État, les locataires et les propriétaires visant à partager les effets de l’inflation sur les loyers et éviter une trop forte augmentation des charges des 7, 4 millions de locataires.
Ce compromis est insatisfaisant par nature, mais il est équilibré. Nous ne souhaitons surtout pas détricoter ce qui a été fait.
Le Gouvernement propose un plafonnement de la hausse de l’indice de référence des loyers (IRL) à 3, 5 % sur un an ; il s’agit évidemment d’un maximum, qui n’a rien d’automatique. Il soutient en outre les ménages les plus modestes en augmentant dans la même proportion et par anticipation dès le 1er juillet deux paramètres de calcul des APL, tout en relevant par décret de 4 % le revenu de référence. Ces réévaluations bénéficieront dans des proportions variables à 90 % des 6, 4 millions d’allocataires des APL.
Sur le volet consommation, nous restons sur notre faim, et je le regrette. La faible ambition du texte trahit le fait que le Gouvernement envisage le sujet du pouvoir d’achat surtout et avant tout comme un sujet de revenus, et rarement comme un sujet de prix.
Notre commission s’est donc attachée à rehausser l’ambition du texte et à s’assurer de son caractère opérationnel pour tous les acteurs.
C’est pourquoi nous avons prévu que tous les contrats d’assurance conclus à distance ou par voie électronique devront désormais pouvoir être résiliés électroniquement. Compte tenu de la force de frappe des assureurs, il n’y a pas de raison de prévoir un dispositif trop restreint.
A contrario, afin de ne pas pénaliser les petites entreprises qui n’auraient pas les moyens informatiques de développer une résiliation en ligne, nous avons jugé préférable que la présence d’un bouton résiliation soit obligatoire uniquement pour les contrats déjà conclus au préalable par voie électronique.
Nous avons aussi souhaité élargir le droit de résiliation des consommateurs pour qu’ils y gagnent en pouvoir d’achat. Nous avons donc consacré le principe de la résiliation à tout moment, après la première reconduction, des contrats de services de télévision et de vidéo à la demande.
Nous avons enfin jugé que les banques devaient être davantage sanctionnées lorsqu’elles tardent à rembourser leurs clients victimes de fraudes. Le schéma graduel que nous proposons permettra de les inciter à limiter leur retard.
Si ce texte nous laisse un sentiment d’inachevé, notre commission appelle à l’adopter, car l’urgence doit aller au soutien des ménages, ainsi qu’au soutien des entreprises et des collectivités.
Je voudrais évidemment remercier la présidente, les membres et les fonctionnaires de la commission des affaires économiques, d’autant que nous avons dû travailler dans des conditions pour le moins particulières.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.
La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
M. Bruno Belin, rapporteur pour avis de la commission de l ’ aménagement du territoire et du développement durable. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je commencerai en vous faisant part de mon regret que le ministre de l’économie et des finances soit parti avant la fin de la discussion générale.
Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, SER, GEST et CRCE. – M. Jean-Louis Lagourgue applaudit également.
Sourires sur les travées du groupe CRCE.
Mêmes mouvements.
Je pense que le Sénat mérite l’écoute complète du ministre.
Cela étant dit, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable est favorable à l’adoption du présent projet de loi sous réserve des modifications qu’elle y a apportées pour les quatre articles relevant directement de ses compétences.
Nous exprimons cette validation dans un esprit de responsabilité, mais sans enthousiasme particulier. Ce texte, dont le pouvoir d’achat des Français est loin d’être la seule finalité, nous inspire malheureusement plusieurs regrets sur le fond et la forme.
D’abord, nous avons collectivement déploré les délais particulièrement contraints dans lesquels le Gouvernement nous demande de légiférer, qui ne sont pas indiqués pour travailler sereinement.
Je passe rapidement sur le désormais célèbre article 21, relatif à l’huile de friture, adopté dans les conditions que nous connaissons à l’Assemblée nationale. Heureusement, grâce à nos collègues Jean-François Longeot et Didier Mandelli, le Sénat a pu prendre le temps de travailler avant d’en débattre.
Bien entendu, nous ne nions pas l’urgence qui s’attache à traiter plusieurs sujets incontournables, afin de protéger le niveau de vie des Français face à l’inflation et sécuriser notre approvisionnement énergétique, en vue des hivers incertains qui s’annoncent dans un contexte géopolitique qui l’est tout autant.
Il n’empêche : ce projet de loi aurait pu et dû être mieux préparé. Nous avons d’ailleurs collectivement souligné le caractère lacunaire de l’étude d’impact.
Nos regrets portent aussi sur le fond du texte.
Le premier est lié au manque d’anticipation des gouvernements qui se sont succédé depuis dix ans. Si nous sommes aujourd’hui dans une telle situation, qui nous oblige à augmenter la production de la centrale de Cordemais, chère Laurence Garnier, à redémarrer la centrale de Saint-Avold, mais aussi à mettre en place un terminal méthanier flottant raccordé au réseau national de distribution du gaz naturel, c’est bien parce qu’il y a eu un manque de vision stratégique à long terme en matière d’indépendance énergétique. §Nous avons bien compris que, sur ce sujet particulier, chaque jour compte. Nous veillerons, dans l’intelligence de nos débats, chère Agnès Canayer, à tenir le calendrier.
Au rang des décisions inopportunes, je mentionnerai bien entendu la fermeture de la centrale de Fessenheim et le manque d’anticipation du vieillissement de nos centrales nucléaires.
Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC.
Là aussi, je vous renvoie à une question que j’ai posée au Gouvernement le 3 novembre 2021, dans laquelle j’évoquais l’erreur Fessenheim. Il faudrait, sous l’autorité de Sophie Primas, et sur ces thèmes liés à l’énergie, chers à Daniel Gremillet, que le Sénat s’intéresse fortement à la question du vieillissement des centrales nucléaires – usure, incapacité à fonctionner – et à celle, essentielle, du refroidissement dans un contexte de réchauffement des cours d’eau.
S’ajoute à ces décisions notre retard sur le déploiement des énergies renouvelables, en particulier en matière d’éolien marin et de photovoltaïque.
Enfin, le projet de loi comporte à mon sens un angle mort majeur : il ne traite pas de la notion de sobriété énergétique. La formule est connue : l’énergie la moins chère est celle que l’on ne dépense pas.
À cet égard, je regrette que le Gouvernement tarde à présenter un plan national complet de sobriété. Ce serait le levier le plus efficace pour protéger à la fois le niveau de vie de nos concitoyens et la sécurité du réseau. Je salue d’ailleurs l’initiative de notre collègue Bruno Retailleau, qui a déposé un amendement en ce sens.
Du reste, les amendements adoptés par la commission ont permis, d’une part, d’apporter des garanties complémentaires pour l’information du public, l’environnement et la santé s’agissant du raccordement du terminal méthanier flottant au Havre et de mieux encadrer la compensation carbone des émissions des centrales à charbon, et, d’autre part, d’améliorer la qualité juridique du texte.
Tels sont les éléments que je souhaitais porter à votre attention.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Annick Billon applaudit également.
Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et sur des travées du groupe UC.
Mme Christine Lavarde, rapporteur pour avis de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je regrette à mon tour le départ du ministre de l’économie. Mes propos lui étaient davantage destinés qu’au ministre du travail, même si j’ai évidemment beaucoup de plaisir à retrouver ce dernier.
Sourires.
La commission des finances a été saisie pour avis sur le titre Ier, dont l’incidence est la plus forte sur les finances publiques. C’est aussi, nous semble-t-il, le seul titre ayant un véritable effet à court terme sur le pouvoir d’achat.
Nous sommes dans une situation imprévisible, puisque, voilà quelques mois encore, la Banque de France estimait le niveau de l’inflation pour 2022 à seulement 2, 5 %, avec un retour sous les 2 % à la fin de l’année. C’était avant le déclenchement de la guerre en Ukraine…
Désormais, l’indice des prix à la consommation est estimé à 5, 6 % à la fin de l’année 2022. Il est très important d’avoir en tête que nous sommes face à un choc d’offre. Ce choc d’inflation, à l’origine très concentré sur l’énergie, puis sur l’alimentation, s’est désormais diffusé à l’ensemble du système des prix des produits manufacturés, mais aussi sur les services, avec un début d’accélération de l’ensemble du système de prix.
D’ailleurs, selon les travaux de l’institut Rexecode, si les prix devaient se stabiliser à leur niveau du mois de juin, le choc d’inflation pour la seule année 2022 représenterait, toutes choses égales par ailleurs, une charge de 66 milliards d’euros par rapport à 2021 sur le revenu des ménages, soit environ 1 000 euros par habitant. Ce montant représente aussi 43 % de la surépargne des années 2020-2021, qui se trouve de facto réintroduite dans le circuit pour maintenir le niveau de dépenses des ménages.
La politique que le Gouvernement mène depuis la fin de l’année 2021, à l’origine pour répondre aux conséquences de la reprise de l’activité à la suite du confinement et de la crise sanitaire, a amorti le choc en France. Alors que la moyenne pour l’ensemble de la zone euro est de 1 288 euros par habitant allant même jusqu’à 1 450 euros par habitant en Allemagne, la hausse des prix de l’énergie a été, en effet, fortement amortie en France par les actions de l’État.
Pour mémoire, avant même l’examen du PLFR, qui débutera la semaine prochaine, et du présent texte, 18, 4 milliards d’euros de dépenses ont déjà été engagés pour soutenir le pouvoir d’achat des Français : 4, 4 milliards d’euros au titre du PLFR pour 2021, 5, 9 milliards d’euros devenus 8, 1 milliards en raison du bouclier tarifaire au titre du projet de lois de finances pour 2022, 5, 9 milliards d’euros dans le décret d’avance de février dernier pour financer le plan de résilience économique et social.
Quelle est la pertinence de la politique du « quoi qu’il en coûte » ? Les primes désocialisées et défiscalisées sont-elles préférables à la hausse des salaires ?
Exclamations sur les travées du groupe CRCE.
La progression des salaires sur le long terme est rendue possible uniquement par des gains de productivité. Or l’on constate aujourd’hui que les gains de productivité sont très en deçà de la progression du salaire réel. En 2009, lors de la crise financière, la productivité a baissé, mais les salaires ont continué de progresser, et l’écart a été rattrapé ensuite par la mise en place du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE).
Est-ce encore possible aujourd’hui ? Non, car l’état de nos finances publiques ne permet pas de créer un nouveau CICE.
Par ailleurs, la prime peut créer un effet d’aubaine pour les entreprises. Au premier trimestre de l’année 2019, l’Insee relevait que le salaire moyen par tête avait augmenté de 2, 7 %, mais seulement de 1, 3 % si on y retranchait l’effet de la PEPA, soit un niveau de croissance inférieur au trimestre antérieur et au trimestre suivant, où la hausse était plutôt de 1, 5 %.
Les entreprises ont-elles les moyens de participer ? Compte tenu de l’évolution de la structure des coûts des entreprises, le niveau de résultat d’exploitation rapporté à la valeur de leur production recule, jusqu’à rejoindre les points bas de 2012 et de 2013.
On s’attend aujourd’hui à une réduction des marges, qui n’est pas alarmante en l’état – car ces marges étaient hautes en 2021 –, mais qui devrait les ramener à un niveau proche de celui de 2018.
Par ailleurs, la baisse de la productivité depuis 2019 pose de véritables questions sur les marges de manœuvre des entreprises pour augmenter les salaires ou pour verser une prime. Ce n’est pas la multiplication par trois du plafond entre la PEPA et la prime de partage de la valeur (PPV) – il s’agit surtout d’un effet d’annonce – qui leur permettra d’en dégager.
Faut-il une intervention ciblée ou un soutien général ? Au mois de mars, l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) a calculé que, sur 5 % d’inflation générale, les 10 % des ménages les mieux lotis face à ce choc subissent une inflation de seulement 2, 5 %, là où les 10 % des ménages les plus exposés subissent une inflation de 8, 5 %.
Cet écart se justifie moins par les revenus que par les lieux de résidence de ces personnes. En effet, au sein d’un même décile, les situations sont très différentes selon que l’on ait besoin ou non d’utiliser sa voiture, notamment pour aller travailler.
Il est donc très important, dans la définition des politiques publiques, de tenir compte de la diversité des situations face à l’inflation.
L’inflation se nourrit également de l’afflux de liquidités. À cet égard, la généralisation et la pérennisation d’une prime centrée sur le pouvoir d’achat contribueraient à autoentretenir l’inflation.
C’est la raison pour laquelle la commission des finances a décidé de recentrer le dispositif pour en faire un véritable dispositif de soutien au pouvoir d’achat des plus modestes.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
En application de l’article 44, alinéa 6, du règlement, la commission des affaires sociales demande la priorité d’examen et de vote sur l’article 15, immédiatement après l’article 5 ter.
Je suis donc saisi, par la commission des affaires sociales, d’une demande de priorité portant sur l’article 15, afin qu’il soit examiné après l’article 5 ter.
Aux termes de l’article 44, alinéa 6, de notre règlement, la priorité est de droit lorsqu’elle est demandée par la commission saisie au fond, sauf opposition du Gouvernement.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Monsieur le président, mon rappel au règlement se fonde sur l’article 36 de notre règlement et porte sur l’organisation des débats.
Visiblement, le changement de méthode tant vanté par le Gouvernement s’est évaporé avec la canicule de ces dernières semaines.
Sur ce texte, 106 amendements au total ont été jugés irrecevables au titre soit de l’article 40, soit de l’article 45 de la Constitution.
Vous connaissez notre avis sur l’article 40 : nous en demandons la suppression. Je n’y reviens pas, si ce n’est pour dire ma colère quant au rejet de quelques amendements, parmi lesquels celui qui visait à rétablir la demi-part pour les veuves.
Mais alors, que dire de l’article 45 ? Certes, nous revenons des messages nous précisant le périmètre du texte. À l’évidence, ce périmètre est assez élastique, pour ne pas dire très subjectif d’un point de vue politique.
Ainsi, le Sénat refuse de débattre d’amendements portant sur la consommation ou le blocage des prix énergétiques et alimentaires. Même les demandes de rapport sont désormais rejetées !
Je demande solennellement la levée de l’article 45 sur ces amendements.
Nous allons prendre acte de la situation. Mais alors que de nombreuses voix nous invitent à la recherche de compromis, pour ne pas dire de consensus politique et que l’on prône le changement de méthode, force est de constater que le temps d’aujourd’hui est pire que le temps d’hier et que les débats dans l’hémicycle au grand jour n’ont plus d’importance à vos yeux !
Vous y préférez bien évidemment l’obscurité des commissions mixtes paritaires, afin de régler vos affaires, entre Gouvernement et majorité sénatoriale !
Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST. – Mme Esther Benbassa applaudit également.
Acte est donné de votre rappel au règlement, ma chère collègue.
La parole est à M. le ministre.
Je confirme l’avis favorable du Gouvernement sur la demande de priorité de la commission. Dans la mesure où l’article 15 concerne les conditions de travail et de réembauche des salariés de la centrale de Saint-Avold, il me semble utile de l’examiner au même moment que les autres articles consacrés à cette question.
Je m’étonne que, dans son rappel au règlement, Mme la sénatrice Éliane Assassi établisse un lien entre la méthode du Gouvernement, sur laquelle elle est évidemment libre de porter l’appréciation qu’elle souhaite, et la question des irrecevabilités au titre des articles 40 et 45 de la Constitution.
L’examen de la recevabilité des amendements dépend du Parlement. Le Gouvernement – du moins tant que je m’exprimerai en son nom dans cet hémicycle – ne fera jamais de commentaire sur ces questions, qui sont à la main des présidents de commission et de votre assemblée.
M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées du groupe SER.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Sénat se prononce sur un projet de loi de protection du pouvoir d’achat face à une situation d’inflation galopante, dont la cause principale, géopolitique, serait exceptionnelle, voire temporaire.
Or si le choc est bien exogène, la gravité de ses répercussions, notamment pour nos approvisionnements en énergie, découle d’abord du retard pris dans la transition énergétique. Ce retard nous condamne à une fuite en avant synonyme de nucléaire, de réouverture de centrales à charbon – véritable bombe climatique –, voire de recours au gaz de schiste importé.
Que les choses soient claires : la remise en service d’une centrale à charbon ou la mise en place de terminaux méthaniers ne peuvent pas être des réponses durables quand l’urgence est de sortir des énergies fossiles !
Par le maintien de notre dépendance au gaz et au pétrole, nous payons le prix fort de la plus grande illusion de notre temps, celle d’une énergie abondante, sans impact et bon marché.
Aujourd’hui, c’est une économie au service de la construction de la sobriété qui doit se mettre en place. Il nous faut prendre la mesure de la raréfaction générale des ressources, qui, associée au dérèglement climatique, entraîne une inflation tendancielle et engager enfin des politiques d’adaptation.
Car les dérèglements climatiques, comme la sécheresse, provoquent régulièrement une hausse des prix. Ainsi, en Italie, le manque d’eau a détruit au moins un tiers de la récolte saisonnière de riz, de maïs et d’alimentation animale ; en Inde, les plants de blé sont si dévastés que le pays interdit toute exportation.
Au mois de décembre dernier, un rapport de la Banque centrale européenne (BCE) concluait que le dérèglement climatique avait des conséquences non négligeables sur la hausse des prix des produits agricoles, et la Banque de France indiquait qu’« une transition tardive et désordonnée aurait des effets défavorables pouvant atteindre 10 % à 20 % du PIB mondial à la fin du siècle ».
De plus, ce modèle économique, dixit Karl Marx
Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.
Je m’en explique : un autre facteur d’inflation provient de l’anticipation spéculative des grands groupes – entre autres, ceux de l’énergie et du transport –, qui profitent de la crise pour réaliser des surprofits, auxquels ni le Gouvernement ni la droite n’ont l’intention de s’opposer, enclenchant la boucle profits-prix.
Applaudissements sur plusieurs travées des groupes GEST et SER. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.
Au-delà de ces secteurs, augmentant de plusieurs points leurs taux de marge, les grandes entreprises ne prennent de manière générale pas leur part de la détérioration actuelle des termes de l’échange. Elles la font porter sur les salariés en déconnectant les augmentations de salaire de la hausse des prix.
C’est ce découplage, entamé depuis le tournant de la rigueur, qui a dégradé durablement le partage de la valeur ajoutée. Alors que, depuis 2017, les réformes antisociales et les baisses des contributions des entreprises continuent de déformer le partage du PIB au détriment du facteur travail, l’inflation actuelle nécessiterait, pour ne pas aggraver la crise sociale, des mesures ciblées et durables de soutien, notamment pour les catégories populaires, puisque l’inflation les frappe plus du fait de la structuration de leur consommation et de la part de leurs dépenses contraintes préengagées.
Au lieu de quoi, nous avons des primes ponctuelles, désocialisées, défiscalisées, asséchant le salaire socialisé – or c’est le seul qui soit générateur de droits contributifs –, coûteuses pour les finances publiques et le système de protection sociale. Comme pour les précédentes primes, ce dispositif ne concerne qu’une entreprise sur six en France, et une TPE sur six, mais plus de la moitié des entreprises de plus de 1 000 salariés. De surcroît, la prime est d’autant plus importante que le secteur propose de fortes rémunérations.
Il s’agit d’un dispositif inégalitaire, au profit d’une minorité de salariés. Cela accroît toujours plus la part variable des rémunérations et freine les augmentations générales de salaire ou s’y substitue. Le partage de la valeur ajoutée est une question non pas de prime ou d’intéressement, mais d’abord de salaire.
Ce qui manque à ce projet de loi, ce sont des solutions durables, tant pour la transition écologique que pour la protection des plus vulnérables, dont les jeunes, oubliés une fois de plus dans ce texte. Du fait des nombreuses irrecevabilités résultant des articles 40 et 45 de la Constitution, il nous est quasiment impossible de l’amender en ce sens. Aussi, la totalité du groupe écologiste votera contre.
Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout ça pour ça !
Alors que nos compatriotes voient le coût de la vie flamber, tandis que les salaires n’augmentent pas, que les collectivités subissent de plein fouet l’augmentation du prix de l’énergie, comme celle des matériaux, vous nous présentez aujourd’hui un projet de loi prétendument de « pouvoir d’achat », qui n’en a que le nom !
Face à la montée des prix de l’essence, des denrées alimentaires, des loyers et des transports, le Gouvernement a décidé de répondre par des mesurettes qui ne remettent absolument pas en question ses choix de fond : les cadeaux aux plus grandes entreprises.
Faut-il vous rappeler que la France est la championne des dividendes en Europe, avec 54, 6 milliards d’euros ? Pourtant, vous faites encore une fois le choix d’inciter à verser des primes et à sortir le chéquier au lieu d’augmenter les salaires de manière pérenne.
Certes, c’est déjà ça, pourrait-on dire… Il y a quelques avancées pour les Français, comme la revalorisation de 4 % des minima sociaux, des prestations sociales et la revalorisation de 3, 5 % du point d’indice des fonctionnaires, qui était gelé depuis des années.
Ces dispositions, qui sont d’ailleurs les seules véritables mesures de pouvoir d’achat contenues dans le texte, demeurent cependant sous le niveau de l’inflation, qui était de 5, 9 % en juin et devrait atteindre 7 % en septembre. Elles sont notoirement insuffisantes. Selon l’Insee, elles ne permettront d’améliorer le revenu disponible des ménages que d’un point.
Vous parliez d’un bouquet de mesures s’apparentant au « bouquet de la mariée ». Finalement, ce sera un bouquet de chrysanthèmes !
Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.
Vous vous entêtez dans la logique libérale du laisser-faire au bénéfice des entreprises en facilitant le versement de primes défiscalisées et exonérées de cotisations sociales. Avec ce système, les patrons seront incités à accorder des primes plutôt qu’à augmenter les salaires. Autant de manque à gagner pour les comptes de la sécurité sociale !
Il n’y a aucun changement de braquet dans la répartition des richesses. Il s’agit juste d’un tour de passe-passe qui prend tout à la sécurité sociale pour donner avec parcimonie à quelques-uns. En définitive, les seuls gagnants sont les entreprises ; encore une fois, si je puis me permettre …
Un tel affaiblissement programmé des comptes de la sécurité sociale justifiera d’ailleurs demain votre volonté de réformer notre système de retraite et de réduire les droits des salariés à travers une future réforme de l’indemnisation chômage.
La droite sénatoriale partage cette vision, puisqu’elle a introduit dans le texte un article 1er bis qui prévoit la défiscalisation et la suppression des cotisations sociales sur les heures supplémentaires. Même en cas de compensation des exonérations par l’État, vous privez en réalité les services publics de moyens.
M. Vincent Segouin s ’ exclame.
Pour ne donner qu’un exemple, alors que les hôpitaux sont contraints de fermer leurs services d’urgences faute de personnels, vous prévoyez d’amputer le budget de l’assurance maladie de 500 millions d’euros supplémentaires sur le dos des travailleurs indépendants. Ces mêmes hôpitaux devront également payer les 2 milliards d’euros de revalorisation du point d’indice des agents hospitaliers, quand les collectivités devront payer les 2, 3 milliards d’euros de revalorisation du point des agents de la fonction publique territoriale.
Le seul véritable motif de satisfaction dans ce texte est la déconjugalisation de l’AAH, que nous avions défendue ici, au Sénat, dès 2018. À l’époque, ni le Gouvernement ni la droite n’en voulaient !
Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.
Cela ne vous fait pas plaisir, mais c’est la réalité !
Aujourd’hui, le sujet fait l’unanimité. Face à l’urgence sociale, les familles ne peuvent pas attendre le 31 octobre 2023.
Il faut arrêter l’hémorragie à la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), qui connaît une réduction de son budget de 5 % par an et qui a vu 2 000 emplois disparaître. Il est urgent de remettre des moyens humains en face des besoins.
Les dispositions concernant la souveraineté énergétique, la sécurité d’approvisionnement en électricité ou le transport routier de marchandises semblent bien éloignées du pouvoir d’achat et ne vont pas réduire les factures des familles.
Il nous faut des mesures structurelles fortes, comme l’augmentation des salaires et pensions, celle du SMIC à 1 500 euros, ou la revalorisation de 10 % du point d’indice des fonctionnaires.
Nous avions de nombreuses propositions alternatives, toutes tombées sous le coup de l’article 40 de la Constitution. Elles mettaient à contribution les profiteurs de crise pour une société plus juste. Ces profiteurs, vous les connaissez, monsieur le ministre : ce sont les entreprises du CAC 40, qui ont dégagé des profits records de près de 160 milliards d’euros en 2021 ; ce sont ceux à qui vous avez déjà fait le cadeau de supprimer l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF).
Le groupe communiste républicain citoyen et écologiste refuse de soutenir des revalorisations inférieures à l’inflation financées exclusivement sur le dos de la sécurité sociale sans mise à contribution des entreprises et des revenus financiers.
Monsieur le ministre, comme la période des vacances est souvent propice à la lecture, je vais vous remettre nos 50 mesures pour un véritable bouclier social.
Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST. – L ’ oratrice remet à M. le ministre le document mentionné en descendant de la tribune.
Applaudissements sur les travées du groupe UC.
Monsieur le président, monsieur le ministre – je salue au passage votre présence constante en ces lieux depuis des années –, mes chers collègues, l’inflation galopante de ces derniers mois, due pour une bonne part à la flambée des secteurs énergétiques et alimentaires, nous ramène brutalement en arrière, dans les années 1970 et 1980, que j’ai malheureusement bien connues. Seulement, à cette époque, nos concitoyens vivaient avec le plein emploi des Trente Glorieuses. Aujourd’hui, beaucoup trop de nos compatriotes ont connu l’épreuve du chômage, la « galère », pourrait-on dire, et les plus fragiles d’entre nous ont besoin de solidarité.
Je me félicite donc de l’ambition affichée dans l’intitulé du projet de loi : protéger le pouvoir d’achat des Français. D’aucuns pourraient regretter qu’il ne l’améliore pas. Je regrette pour ma part que nous ne parlions pas plus volontiers de « pouvoir de vivre ». En cet instant, permettez-moi d’avoir une pensée émue pour Frédéric Sève, secrétaire national de la CFDT, qui vient de nous quitter brutalement. Nous sommes plusieurs ici à l’avoir bien connu au Conseil d’orientation des retraites (COR), et nous le regretterons. Il manquera au dialogue social, notamment sur les retraites.
Au groupe Union Centriste, nous considérons que le projet de loi va dans le bon sens, et nous le soutiendrons. J’en profite pour saluer le travail de nos rapporteurs, qui ont éclairé nos débats tout en sécurisant le texte.
Évidemment, les moyens dont dispose le Gouvernement ne sauraient contraindre les employeurs à une augmentation des salaires hors SMIC. Il s’agit là de les aider, en luttant contre l’inflation économique, mais également démagogique…
L’article 1er vient donc tripler le plafond de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat.
Par principe, nous ne souhaitons pas que les dispositions exceptionnelles soient pérennisées. En pratique, nous pensons que l’intéressement comme la participation en entreprise doivent être encouragés, voire facilités. Si l’accord d’intéressement reste une condition pour accorder cette prime dans les entreprises de moins de 50 salariés, les contrôles allégés et la capacité de l’employeur à prendre un accord unilatéral sont bienvenus. Il serait préjudiciable de s’en passer.
L’article 2 n’appelle pas d’observations particulières. Nous accueillons favorablement la baisse des cotisations sociales pour les travailleurs indépendants.
Sur l’article 3, qui tend à favoriser l’intéressement, notre commission a permis d’assimiler les périodes de congé paternité à une présence en entreprise pour son calcul. Elle a également limité à quatre mois la durée de la procédure d’agrément des accords de branche relatifs à l’intéressement, à la participation et à l’épargne salariale. Ces deux points méritent d’être soutenus, et nous y serons vigilants en commission mixte paritaire.
Notre rapporteur a fait adopter en commission un amendement de suppression de l’article 4, que le Gouvernement propose de réintroduire. J’entends bien l’argument de notre rapporteur, selon lequel l’article serait peu opérant. Mais j’entends aussi ce que dit Gouvernement : dix-sept branches seraient concernées depuis le 1er octobre après la revalorisation du SMIC. Nous attendons beaucoup des échanges qui auront lieu pour nous positionner à cet égard.
L’article 5 prévoit la revalorisation par anticipation des retraites et des prestations sociales. Nous soutiendrons évidemment ces dispositions, mais je veux dire ici notre opposition à toute tentative d’une revalorisation au rabais, notamment pour le RSA. Précisons que le droit prévoyait ces revalorisations. Le Gouvernement permet de le faire par anticipation sans dépasser ce qui aurait été dû. C’est bien l’esprit du texte.
Je termine par l’article 5 bis. Il s’agit là de mettre fin à une injustice sociale en déconjugalisant l’AAH. Je salue tous ceux qui, à l’instar de Philippe Mouiller, des sénateurs communistes ou de certains députés, se sont battus pour obtenir cette avancée. Il serait tentant de railler la volte-face ou la défaite du Gouvernement. Pour ma part, j’y vois plutôt le signe d’une bonne santé démocratique. Nous sommes bien toujours dans un régime parlementaire. J’y vois aussi l’espoir, monsieur le ministre, que l’écoute, la concertation et la négociation avec le Parlement deviendront désormais la règle.
Sous les réserves, le groupe Union Centriste soutiendra le projet de loi.
Applaudissements sur les travées du groupe UC.
Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames, messieurs les rapporteurs, madame la présidente de la commission des affaires sociales, les Français sont dans le rouge : +5, 8 % d’augmentation des prix en juin, et ce n’est pas terminé. Pour faire face à un tel niveau d’inflation, le plus haut jamais atteint depuis le mois de novembre 1985, il fallait réagir, et vite !
C’est ce qui est proposé dans le paquet législatif « pouvoir d’achat et PLFR ». Les enjeux sont clairs : protéger le niveau de vie, soit le reste à vivre ; relancer la consommation ; faire face à une crise énergétique, également sans précédent, le tout dans un contexte géopolitique dramatique, avec la guerre en Ukraine.
Mon groupe, le RDSE, souhaite d’abord souligner les points positifs du texte présenté par le Gouvernement, comme la revalorisation de 4 % des pensions de retraite et d’invalidité, des prestations familiales, des minima sociaux et des bourses étudiantes, ou encore la revalorisation du point d’indice de la fonction publique de 3, 5 % par décret. Tout cela constitue un coup de pouce notable et immédiat.
Nous devons aussi souligner l’adoption de l’amendement au PLFR qui a permis de compenser la hausse du RSA par une dotation de 120 millions d’euros aux départements. Nous espérons en adopter un autre pour apporter de l’aide à certaines communes.
Nous sommes plus réservés sur l’article 1er. Une prime, c’est bien ; une augmentation de salaire, c’est mieux !
En effet, si 20 % des salariés en ont bénéficié, le versement moyen est de 546 euros, au lieu des 1 000 euros possibles jusqu’à maintenant. Alors, à quoi sert d’augmenter le seuil, sinon à se faire plaisir avec des effets d’annonce ?
Sur le modèle de l’article 2, qui prévoit une exonération de charges pour les travailleurs indépendants, il aurait été préférable de pousser plus loin les exonérations de charges sociales ou de la contribution sociale généralisée (CSG) pour les bas salaires. Une telle mesure constituerait un véritable bol d’oxygène pour les ménages et revaloriserait la valeur travail, chère au groupe RDSE
M. Bernard Fialaire applaudit.
Sceptiques, nous le sommes aussi concernant les loyers. En effet, d’un côté, on accroît de 3, 5 % les APL, et, de l’autre, on bloque à 3, 5 % l’augmentation des loyers. Certes, on bloque, mais cela n’évite pas l’effet pervers mathématique… Si le plus ancien groupe du Sénat ne peut pas se permettre d’emprunter l’expression « d’enfumage », chère à certains députés, il n’en pense pas moins !
Nous constatons que les 8 euros en moyenne gagnés grâce à la hausse des APL ne compenseront jamais l’augmentation des loyers. Par exemple, pour un loyer de 600 euros, l’augmentation pourra être de 21 euros. Je ne crois pas que l’effort profite à tous de la même façon.
De plus, quid des locataires qui ne touchent pas d’APL et qui ne sont pas pour autant des nantis ?
Nous aurions préféré subordonner cette augmentation aux travaux de rénovation énergétique. Nous proposerons d’ailleurs plusieurs amendements en ce sens. Le « bouclier loyer », tel qu’il est qualifié par le Gouvernement, n’apparaît en fait que comme un tout petit pare-feu.
Que dire enfin des propositions du titre III, dont l’intitulé fait référence à la « souveraineté énergétique » ?
Comment en sommes-nous arrivés à prévoir la prolongation du fonctionnement des centrales à charbon alors qu’elles devaient fermer en totalité avant le 31 décembre 2022 ? Quel retour en arrière ! Exit les enjeux de changement climatique ! En 2020, les quatre centrales à charbon produisaient 1, 3 % de l’électricité nationale et 30 % des gaz à effet de serre du secteur électrique … Sans commentaire !
Tout cela est envisagé sous couvert d’une urgence liée à la crise énergétique.
L’Union européenne importe actuellement plus de 60 % de son énergie, contre 44 % en 1990.
Pourquoi n’avons-nous pas vu venir les conséquences de cette dépendance ? Bien sûr, le gouvernement actuel n’est pas le seul responsable. Aucune stratégie de crise n’a été collectivement prévue. Rien n’a été anticipé, y compris, et c’est plus grave, pour l’existant : 30 réacteurs nucléaires sur 56 sont à l’arrêt. Sachant que la production d’électricité en France dépend très largement du nucléaire, il est permis de s’interroger sur notre organisation et notre gestion.
Aujourd’hui, nous demandons aux Français de faire des efforts d’économie d’énergie, avant, peut-être, d’en arriver demain à des coupures quotidiennes … Ce n’est pas sérieux ! Tout est pensé dans la précipitation !
J’en viens aux aménagements au droit de l’environnement pour le terminal flottant au large du Havre. Même si nous sommes conscients de l’urgence, les élus locaux qui voient leurs projets photovoltaïques sur d’anciennes décharges refusés apprécieront la dispense d’évaluation environnementale.
Bref, la crise et l’urgence ne peuvent pas toujours justifier un blanc-seing donné aux autorités publiques.
Côté pouvoir d’achat, nous attendons que le PLFR aille plus loin.
Si la note du caddie est salée pour les consommateurs, les produits agricoles ne doivent pas être la variable d’ajustement. Entre crise sanitaire, crise géopolitique, crise énergétique, les Français payent le prix fort. De nos débats et de nos votes dépend leur quotidien.
Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur des travées du groupe SER.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Gouvernement, ayant confiné tout l’été, se trouva fort dépourvu quand l’inflation fut venue !
Pas un seul petit morceau de regain dans les hôpitaux. Il administre de la morphine au contribuable en famine.
Ce projet de loi sur le pouvoir d’achat annonce un saupoudrage ponctuel et coûteux dans un contexte d’inflation historique et durable. Il ne réglera donc rien !
Vous nous demandez d’arroser d’une goutte d’eau la plante dont vous avez asséché le terreau en ayant voulu jouer au mariole avec votre politique du « quoi qu’il en coûte ». Celle-ci a laissé sous-entendre, à tort, une forme de générosité de l’État, alors que, Margaret l’a dit avant moi : « L’argent public n’existe pas ; il n’y a que l’argent des contribuables. » À l’épisode de l’argent magique succède désormais celui de l’appauvrissement tragique.
Contrairement à ce que vous tentez de nous faire croire, la cause russo-ukrainienne est marginale dans l’explosion de l’inflation. Celle-ci a commencé début 2021, comme la conséquence directe des confinements, avec les dix-huit mois de restrictions et le recours massif à l’usage de la planche à billets par les banques centrales.
Depuis, nous avons eu la hausse des prix de l’énergie, du prix à la pompe, des denrées alimentaires.
Si vous ne voulez pas revoir les rues de France couvertes de « gilets jaunes » rouges de colère, il faut agir, et vite, monsieur le ministre !
Nous pourrions, par exemple, remplacer au moins 25 % du total de la prime de Noël et de l’allocation de rentrée scolaire par des bons d’achat fléchés exclusivement vers des produits fabriqués en France, soit 1, 25 milliard d’euros pour l’emploi, sans aucune dépense publique supplémentaire. Le meilleur moyen de débloquer de l’argent pour nos compatriotes, c’est d’abord de ne pas leur prendre ce qu’ils ont gagné. Mettez un terme à votre racket fiscal envers ceux qui entreprennent, ceux qui travaillent et qui, donc, produisent de la richesse !
Monsieur le ministre, vous qui, par votre incurie énergétique, voulez rationner les Français en énergie, commencez par rationner l’État en impôts ! Sobriété bien ordonnée commence par soi-même, d’autant que l’année 2023 s’annonce annus horribilis. L’explosion de la dette va mécaniquement entraîner l’explosion des intérêts de la dette, qu’il nous faut payer chaque année. Ce sont plusieurs dizaines de milliards d’euros supplémentaires qu’il va vous falloir trouver.
En augmentant les impôts ? Impossible, les Français ne le supporteraient pas !
M. Fabien Gay s ’ exclame.
En rognant sur les budgets des ministères ? À l’exception des budgets dédiés à l’immigration, ils sont à l’os ! De l’argent, il y en a, et beaucoup. Je vous propose de prendre d’urgence les mesures pour lutter contre l’assistanat
Exclamations sur les travées du groupe CRCE.
Avec 600 milliards d’euros de dette sous le premier quinquennat et 10 millions de Français qui survivent sous le seuil de pauvreté, réussir à s’en sortir, et seulement à s’en sortir, dans la France du Mozart de la finance relève chaque jour un peu plus de l’exploit, ce qui devrait vous couvrir de honte, monsieur le ministre !
Les contribuables français demandent des comptes. C’est là leur moindre défaut. Que faisiez-vous au temps chaud ?, disent-ils au ministre des impôts. Nuit et jour à tout venant, je dépensais « quoi qu’il en coûte », ne vous déplaise. Vous dépensiez ? J’en suis fort aise. Eh bien, monsieur le ministre, renflouez maintenant !
M. Sébastien Meurant applaudit.
Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il faut une réponse systémique à la nécessité de rendre aux travailleurs et aux citoyens cette puissance d’agir que constitue la possibilité d’assurer sa subsistance, de consommer, de construire son quotidien, ainsi que sa place dans la société et sa protection sociale.
Nous espérions donc dans ce projet de loi une valorisation du travail, une clarification de ce qu’est le travail et des droits qu’il apporte. Nous attendions des mesures permettant de consolider le salariat et notre système de protection sociale.
Rien de tel dans ce texte, qui ignore la question salariale, pourtant au cœur de celle du pouvoir d’achat ! Je dirais même que la réponse systémique du Gouvernement vire au cynisme. Vous jouez de diversion au moyen de multiples mesures, dont certaines dépassent formellement le champ des affaires sociales, pour finalement aggraver la prédation à l’encontre de la sécurité sociale.
Vous faites le choix délibéré d’un revenu désocialisé et défiscalisé. Et c’est sous la pression de la crise inflationniste que les travailleurs, pris à la gorge, se voient proposer la substitution de la prime au salaire, parallèlement à une modération du coût du travail, c’est-à-dire des salaires.
Avec la prime de partage de la valeur, l’exceptionnel devient donc la règle. Cette prime pérennise en effet un dispositif facultatif, temporaire et discrétionnaire.
Ainsi, le plafond de la « prime Macron » est augmenté pour atteindre 6 000 euros. Ce chiffre crée une diversion. Nous savons en effet que, malgré un plafond passé à 2 000 euros depuis sa mise en place en 2019, le montant moyen de cette prime n’a jamais dépassé 506 euros.
Par ailleurs, en 2019, selon l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss), les 2 millions de salariés bénéficiaires de la prime représentaient seulement 10, 7 % du total des salariés. D’où le cynisme…
Monsieur le ministre, les Français ne demandent pas l’aumône. Ils demandent des salaires justes, une protection sociale de qualité et des conditions de travail dignes.
Dans le même temps, et parce que cela va de pair, le Gouvernement continue à faire du dialogue social un simple décor en renvoyant les partenaires sociaux à un statut de figurants. En atteste son choix de faire mine d’inciter les branches à la négociation sur les salaires avec son article 4, qui ne constitue pas, à notre sens, un soutien suffisant aux revalorisations salariales.
Si les travailleurs pauvres et les « premiers de corvée » sont ignorés ici, l’enjeu n’est pas seulement la modération salariale. Il s’agit aussi de programmer l’obsolescence du salariat et des protections qu’il apporte.
L’intéressement croissant à l’épargne salariale voulue par le Gouvernement est de fait un dispositif d’évitement du salaire, ce qui participe de ce mouvement.
Il donne le pouvoir à l’employeur de décider unilatéralement de mettre en place ce dispositif dans les entreprises de moins de 50 salariés, en cas d’échec des négociations ou en l’absence d’institutions représentatives du personnel.
Le texte fragilise donc la sécurité sociale en la privant de ressources dans l’objectif, toujours, de relancer l’activité économique. Le patrimoine que constituent pour les Français les assurances sociales est en effet dilapidé par le Gouvernement depuis longtemps. Je pense au choix de faire porter sur la sécurité sociale la dette covid et au refus de compenser le trou creusé par les 2, 8 milliards d’euros de mesures prises en réponse à la crise des gilets jaunes.
La revalorisation exceptionnelle de 4 %, qui est une bonne chose, n’est par ailleurs pas suffisante pour améliorer le tableau de votre texte.
Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.
Elle ne fait qu’anticiper les revalorisations de droit commun prévues d’octobre 2022 à avril 2023, et elle ne suffira pas à compenser la forte augmentation de l’inflation, évaluée par l’Insee de 6 % à 7 % cette année.
Au registre des déceptions, la majorité du Sénat emboîte d’ailleurs le pas à l’exécutif, puisque, peut-être inspirée par le choix de l’Assemblée nationale de mettre en place une monétisation des RTT menaçante pour les 35 heures, elle a décidé de baisser les cotisations patronales au titre des heures supplémentaires.
Cette logique de fragilisation de la sécurité sociale est aussi à l’œuvre avec la baisse pérenne des cotisations des indépendants. Pour un gain de 550 euros de revenus annuels, on sacrifie ainsi leur protection sociale. Cela confirme la marche vers l’ubérisation du travail, que nous dénonçons maintenant depuis plusieurs années.
Vous refusez l’idée d’une grande conférence sur les salaires, qui aurait pour objectif d’amener les employeurs à augmenter les salaires. Et, dans le même temps, vous leur donnez les outils pour contourner le salariat.
In fine, nous savons tous qui seront les perdants, et la grande idée de loi sur le pouvoir d’achat ne sera que le faux nez d’une stratégie de fragilisation du salariat. Cynisme toujours !
Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe GEST.
Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les présidents de commission, mesdames, messieurs les rapporteurs, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans les périodes de crise, l’inédit commande.
Depuis deux ans et demi, combien de fois nous sommes-nous retrouvés, Parlement et Gouvernement, pour prendre des mesures urgentes et protéger nos compatriotes, afin de les aider à tenir d’abord face à la crise sanitaire, puis face aux conséquences de la guerre en Ukraine ? Je crois que, tous ensemble, nous avons collectivement répondu présents : Président de la République, gouvernements successifs, Assemblée nationale, Sénat. Les Icaunais peuvent en témoigner, comme les habitants de tous les territoires. Plans de soutien, plans de relance : l’État a été là, l’État est là et l’État sera là.
L’État a été là. Dès l’automne dernier, sans délai, le bouclier tarifaire était mis en place pour limiter la hausse des coûts de l’énergie pour les ménages, les petites entreprises et les petites communes.
L’État est là. Avec ce texte, nous déployons de nombreuses protections nouvelles : un bouclier loyer, un bouclier revenus, un bouclier social, un bouclier énergie. Tout cela, les Français en ont besoin tout de suite. C’est ce qui justifie que nos travaux en commission aient été conduits à un rythme soutenu ; je salue nos rapporteurs et tous ceux parmi nous qui ont œuvré d’arrache-pied.
L’État sera là, demain et après-demain encore. En effet, au-delà de l’aspect défensif, au-delà de tous ces boucliers, nous avons aussi le devoir d’être offensifs pour favoriser le « pouvoir de vivre », expression qu’a également employée Jean-Marie Vanlerenberghe.
Dans l’immédiat, comme l’urgence est là, ce projet de loi est à nos yeux trois fois nécessaire ; c’est pourquoi le groupe RDPI lui dira donc trois fois oui !
Oui, pour juguler l’inflation ! Je note à ce propos que les Français sont mieux protégés que les autres Européens.
Oui, pour mieux protéger les consommateurs !
Oui, pour assurer notre approvisionnement énergétique !
Nous dirons trois fois oui, car ce texte porte en lui des mesures très concrètes.
Il s’agit d’abord de faire en sorte que le travail paye mieux. Je pense aux baisses de cotisations pour les travailleurs indépendants et leurs conjoints collaborateurs, ajout très utile de l’Assemblée nationale, ainsi qu’à la prime de partage de la valeur et à la prime d’activité revalorisée.
À cet égard, Xavier Iacovelli, Martin Lévrier et moi-même défendrons le rétablissement de l’article 4. En finir avec les minima de branche inférieurs au SMIC, à partir desquels les primes d’ancienneté sont parfois calculées, c’est redonner du pouvoir d’achat aux travailleurs. Il s’agit d’une mesure utile et pertinente. Nous en souhaitons donc la réintroduction.
En parlant de droit du travail, j’ai ce matin une pensée pour Nicole Bricq, qui, voilà presque cinq ans jour pour jour, défendait ici la réforme du code du travail.
Le présent projet de loi contient aussi des mesures très concrètes pour que la solidarité nationale soit toujours au rendez-vous.
Je pense aux revalorisations anticipées des prestations familiales, des pensions de retraite et d’invalidité et du RSA, ainsi qu’à la réforme ambitieuse de l’AAH, avec sa déconjugalisation en complément de sa revalorisation.
Le texte renforce également la solidarité nationale pour protéger ce qui est essentiel, par exemple le logement. À cet égard, la revalorisation de l’APL dès le 1er juillet, couplée à la limitation à 3, 5 % de la variation de l’indice de référence des loyers (IRL), est un soutien clair apporté à nos compatriotes.
Il nous faut aussi regarder de près la situation des outre-mer, cher Thani Mohamed Soilihi, chère Marie-Laure Phinera-Horth. Notre groupe, sur la proposition de Dominique Théophile, souhaite limiter à 2, 5 % la progression maximale de l’IRL outre-mer, car certaines diversités doivent être prises en compte.
Nous souhaitons aussi protéger ce qui est essentiel pour nos commerçants : leurs locaux. Nous voulons faire en sorte que, de la Côte-d’Or à l’Isère ou à l’Eure, la logique de plafonnement de la hausse des loyers s’applique aux locaux commerciaux. Je me réjouis qu’un large accord ait été atteint avec les parties prenantes. Il n’attend désormais plus que l’onction législative.
De nombreuses dispositions du texte vont par ailleurs permettre aux Français d’éviter les dépenses inutiles. Nos compatriotes connaissent en effet des injustices. Pourquoi ne faut-il que quelques secondes pour souscrire un abonnement en ligne, mais parfois plusieurs mois pour obtenir une résiliation ? Cet état de fait est incompréhensible. Nous saluons donc la mise en place du bouton résiliation, tout en formulant quelques propositions d’aménagement du dispositif, afin que des contraintes excessives ne pèsent pas sur les très petites entreprises. Celles-ci ne sont pas forcément équipées en matière numérique.
Toujours en matière de consommation, le texte s’attaque aussi aux engagements contractuels frauduleux, car les pratiques commerciales déloyales sont – hélas ! – en train d’exploser. Martin Lévrier, Frédérique Puissat ou encore Corinne Féret pourraient en parler savamment, et notamment témoigner de certaines dérives observées sur le compte personnel de formation (CPF).
Les pouvoirs de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) seront donc renforcés. C’est heureux. Il est bienvenu que de telles dispositions aient pu être inscrites en dur.
Le texte contient également des mesures très concrètes en matière énergétique, avec le bouclier tarifaire. Ces réponses pragmatiques et raisonnables seront compensées par des dispositifs permettant, en matière d’émissions de gaz à effet de serre, de rester dans une logique de développement durable. Je sais combien ce sujet est cher à Michel Dagbert comme à Frédéric Marchand.
Les aménagements relatifs à l’Arenh ouvrent forcément un débat, mais on ne peut nier qu’un tel mécanisme protège aujourd’hui les consommateurs et les entreprises ; il mérite donc d’être conforté.
Au-delà du pouvoir d’acheter, nous nous devons, pour reprendre le titre déjà évoqué d’un pacte établi par de nombreux acteurs de la société civile, de développer le pouvoir de vivre.
Il ne suffit pas de permettre à tous de boucler les fins de mois : ayons plus d’ambition ! Chaque Française, chaque Français doit avoir un revenu disponible décent, car c’est ce qui permet d’avoir de la liberté. Or c’est – hélas ! – désormais trop souvent un luxe pour bien des Français des classes modestes et moyennes. Pourtant, cette liberté n’est pas un luxe ; elle est essentielle !
Alors, que faire ? Il faut d’abord faire en sorte que chacun puisse avoir un travail : c’est le chantier du plein emploi, monsieur le ministre. Il faut pour ce faire mettre le paquet sur l’éducation, mais aussi faire en sorte que chacun puisse avoir un travail rémunérateur. La juste considération, c’est la juste rémunération, et non pas juste une rémunération.
Alors, monsieur le ministre, nous serons à vos côtés pour défendre le pouvoir d’achat. Nous le serons aussi, tout au long des prochains mois, pour mener d’autres transformations, afin que chacun ait le droit de vivre dans la dignité !
Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la fin du « quoi qu’il en coûte » attendra. À la crise sanitaire s’ajoute une crise économique et bientôt – qui sait ? – une crise financière, même si j’espère me tromper en disant cela.
La forte reprise économique au sortir des confinements a provoqué des tensions sur bon nombre de marchés, dont ceux des matières premières, des énergies, mais également des semi-conducteurs. Cette situation inflationniste a été encore aggravée par l’invasion russe de l’Ukraine. En entrant en confrontation avec l’Europe, la Russie bouleverse l’équilibre énergétique qui y prévalait.
La France, qui compte pourtant parmi les pays les moins touchés par l’inflation, a vu le niveau général des prix augmenter de près de 6 % lors des douze derniers mois.
Cette situation a de lourdes conséquences pour bon nombre de ménages, malgré les aides déjà accordées par l’État. Elle aura aussi, à n’en pas douter, de graves répercussions sur nos finances publiques, mais chaque chose en son temps. D’abord, l’urgence !
L’urgence, c’est de faire en sorte que le travail soit mieux revalorisé, en donnant pleine efficacité à la prime de pouvoir d’achat. J’estime cependant que celle-ci ne doit pas se substituer aux revenus et qu’un encadrement strict devra garantir que le recours à ce dispositif ne sera pas dévoyé.
À ce titre, je défendrai plusieurs amendements tendant à simplifier cet outil mis à la disposition des entreprises pour le bénéfice des salariés, de manière à renforcer son efficacité.
Le travail déjà effectué en faveur des professions libérales et des micro-entrepreneurs me paraît tout aussi essentiel. Notre pays a la chance de pouvoir compter sur des forces vives importantes et doit préserver son tissu d’entrepreneurs.
La simplification du cadre juridique de l’intéressement est aussi à saluer. La souplesse jouera en faveur des salariés et des entreprises.
Mais il est également très urgent, monsieur le ministre, de mener une réflexion avancée sur notre droit du travail. Celui-ci doit être simplifié et adapté aux enjeux du siècle. Il doit gagner en agilité et en flexibilité pour les évolutions futures. Nous serons au rendez-vous de ces discussions quand le temps sera venu.
L’autre grand défi que la France et ses partenaires européens doivent relever est celui de la souveraineté énergétique. L’Europe est condamnée à la dépendance, dans la mesure où elle doit importer les matériaux nécessaires à la production de son énergie. Cette dépendance n’est pas incompatible avec sa souveraineté, à la condition que l’Europe parvienne à s’approvisionner auprès de sources diversifiées et sûres.
Le gaz russe manquera cet hiver. Pour compenser, il convient notamment d’importer davantage de gaz naturel liquéfié. Ce dernier est cependant plus cher et la France devra se doter rapidement d’équipements nécessaires à son exploitation.
Le parc nucléaire français ne suffira pas, en l’état, à subvenir à nos besoins. À ce titre, les évolutions concernant l’Arenh vont dans le bon sens. Le nucléaire est une chance pour notre pays ; il faut le préserver. Mais notre parc est vieillissant. Les investissements seront la clef de notre souveraineté énergétique. Le nucléaire, quelle que soit la forme qu’il prenne, European Pressurised Reactors (EPR) ou Small Modular Reactors (SMR), restera un atout de transition, au même titre que les énergies renouvelables, notamment l’hydrogène vert, sous réserve que nous sécurisions notre approvisionnement en uranium.
Certaines centrales à charbon devront malheureusement être réactivées. Cette situation ne saurait être pérenne. Nous devrons continuer de consolider notre souveraineté énergétique dans les années à venir, tout en respectant nos engagements dans la lutte contre le dérèglement climatique.
La sobriété et l’efficience seront deux alliés majeurs à cet égard, grâce notamment à une plus forte décentralisation de la production et de la consommation des énergies renouvelables. Cela passera par l’innovation et la réindustrialisation, de manière à maîtriser les chaînes de valeurs en circuit court et à booster la décarbonation de notre économie.
Ce projet de loi traite l’urgence. C’est pourquoi les membres du groupe Les Indépendants – République et Territoires soutiendront son adoption. Nous devons cependant garder à l’esprit que ces mesures, dans leur ensemble, auront de graves conséquences sur nos finances publiques. La France doit s’assurer de bâtir son avenir sur des bases solides.
Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce texte représente la première partie des mesures annoncées par le Gouvernement en faveur du pouvoir d’achat des Français, le projet de loi de finances rectificative que nous examinerons la semaine prochaine constituant son complément.
Il s’agit de réagir dans l’urgence à deux événements majeurs : la hausse brutale de l’inflation et les difficultés d’approvisionnement énergétique de la France. Mais, force est de le constater, le projet du Gouvernement repose essentiellement sur l’attribution ponctuelle de chèques, ce qui ne représente pas une politique en soi.
Je m’attacherai à évoquer le volet social du projet de loi.
Je note tout d’abord des mesures de pure communication, telles que le triplement de la prime dénommée « de partage de la valeur », mesure phare censée améliorer le niveau de vie des Français, son montant pouvant aller jusqu’à 6 000 euros dans certains cas. Toutefois, le montant moyen des sommes versées au titre de la prime Macron s’est situé autour de 500 euros, et cela n’a concerné que très peu de travailleurs : un actif sur cinq.
On relève la même volonté d’affichage lorsque le Gouvernement appelle les branches professionnelles à négocier sur les salaires. L’article 4 n’était guère incitatif et était si peu approprié à la situation des très rares branches concernées que notre commission a décidé de le supprimer.
Si nous ne pouvons qu’acquiescer aux aides ciblant certains publics – revalorisation anticipée des retraites, baisse de cotisations sociales pour les travailleurs indépendants –, nous constatons également un saupoudrage de moyens, dont l’addition finit par grever de façon alarmante les finances de l’État. Après le long épisode de la crise sanitaire, il faudrait sortir enfin de la politique du « quoi qu’il en coûte ».
Il a été reproché aux députés Les Républicains de prôner également des solutions coûteuses. Néanmoins, ils ont émis des propositions pour financer ces mesures, notamment par des économies importantes dans le fonctionnement bien trop lourd de nos administrations. Nous proposerons pour notre part, dans le projet de loi de finances rectificative, de lutter contre la fraude sociale par la mise en place d’une carte Vitale biométrique.
Notre logique politique est claire : au lieu d’une politique de l’assistanat, nous souhaitons privilégier la solidarité et l’aide au travail. Nous pensons que le pouvoir d’achat doit garder son lien avec le travail et que celui-ci doit être privilégié par rapport à l’assistance.
Ainsi, nous avons souhaité alléger la fiscalité et les charges sociales qui pèsent sur les heures supplémentaires. À la suite de la défiscalisation par l’Assemblée nationale de ces heures, jusqu’à un plafond porté à 7 500 euros, notre rapporteur Frédérique Puissat, dont je salue la qualité du travail et l’investissement sur ce texte, a proposé d’alléger les cotisations sociales des entreprises d’au moins vingt salariés, renforçant ainsi l’attractivité du dispositif. Dans le projet de loi de finances rectificative adopté par l’Assemblée nationale, nous avons obtenu du Gouvernement que des heures de RTT puissent être rachetées par les salariés souhaitant travailler plus pour améliorer leur pouvoir d’achat.
Ces mesures devront être définitives, et non pas seulement provisoires, comme le souhaite le Gouvernement.
Notre commission a adopté un amendement permettant exceptionnellement le déblocage des sommes issues de la participation et de l’intéressement placées sur des plans d’épargne salariale. Cela permettra aux salariés de disposer d’un pouvoir d’achat immédiat, jusqu’à 10 000 euros, avant le 31 décembre prochain.
De même, notre rapporteur a proposé d’assouplir les règles encadrant l’utilisation des titres-restaurant. Ceux-ci pourront être utilisés pour les achats alimentaires courants dans les commerces de détail et les supermarchés, ce qui répond à un vrai besoin.
Ce sont autant de mesures qui auront un effet direct sur le pouvoir d’achat.
Je suis cosignataire de plusieurs amendements. L’un d’eux vise à améliorer le pouvoir d’achat des retraités en situation de cumul emploi-retraite. L’autre, à l’article 5 du projet de loi, porte sur la revalorisation du RSA et de l’allocation de solidarité spécifique ; il s’agit de faire en sorte que cette revalorisation ne soit pas supérieure à celle du point d’indice pour les fonctionnaires. En effet, nous ne pouvons pas adresser comme message aux Français que les revenus de l’assistance sont privilégiés par rapport aux revenus du travail.
Très bien ! sur des travées du groupe Les Républicains.
Je souhaiterais à présent évoquer un apport essentiel du texte, une mesure qui me tient particulièrement à cœur et qui était attendue de longue date par les personnes en situation de handicap et les associations : la déconjugalisation du mode de calcul de l’allocation aux adultes handicapés, à l’article 5 bis.
Je me réjouis particulièrement de cette issue en tant que rapporteur de la proposition de loi que nous avions adoptée le 9 mars 2021, sur toutes les travées de notre Haute Assemblée, texte ayant ensuite été vidé de sa substance lors de son examen par l’Assemblée nationale en deuxième lecture. Le Gouvernement s’opposait alors fermement à la déconjugalisation de l’AAH, allant jusqu’à recourir au vote bloqué.
À l’heure où le pouvoir d’achat des plus fragiles est particulièrement menacé, je pense que l’esprit de solidarité doit l’emporter sur les règles technocratiques. Je note d’ailleurs que nous sommes finalement parvenus à un accord sur ce dossier qui dure depuis des années et que l’édifice des minima sociaux ne s’est pas écroulé pour autant !
Encore reste-t-il à adapter le dispositif au cas par cas. Comme je l’avais souligné lors de l’examen de la proposition de loi, la déconjugalisation peut faire des perdants. Il s’agissait d’ailleurs de l’argument principal opposé à notre demande. Un mécanisme transitoire, permettant de conserver le bénéfice des règles de calcul actuelles dans les cas les plus favorables, a été trouvé. Je m’en réjouis. Toutefois, comme l’a indiqué notre rapporteur Frédérique Puissat, une précision est nécessaire pour les bénéficiaires de l’AAH qui se trouveront en situation de renouvellement de leurs droits. De plus, je regrette que cette déconjugalisation, pour des raisons techniques, ne puisse pas entrer en vigueur avant le 1er octobre 2023.
Je profite par ailleurs de l’occasion pour indiquer que même si la déconjugalisation de l’AAH est une avancée fondamentale pour ses bénéficiaires, la question de l’autonomie financière des personnes en situation de handicap n’est nullement réglée ; je pense au grand sujet de l’évolution de la prestation de compensation du handicap (PCH). Ce n’est pas l’objet du présent texte, mais nous devrons engager des travaux dans les prochaines semaines sur ce sujet fondamental, pour une réforme globale.
Notre groupe soutiendra ce projet de loi, sous réserve du sort qui sera réservé à nos amendements et à ceux de nos rapporteurs.
Applaudissements sur les travées du groupe UC.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans un contexte de forte inflation, d’explosion du prix de l’énergie et de hausse constante du coût de la vie, la préservation du pouvoir d’achat des Français est désormais plus qu’une boussole ; c’est un impératif !
Il faut entendre la détresse et, parfois, la colère de nos concitoyens. Difficulté à boucler les fins de mois, anxiété à l’idée de faire le plein de son véhicule, sacrifices au quotidien : nous ne pouvons pas rester sourds ni aphones face à ces situations compliquées.
Une question demeure : le projet de loi pour la protection du pouvoir d’achat répond-il aux besoins des plus fragiles ? Va-t-il améliorer durablement les conditions de vie ou de survie des plus touchés par l’inflation ? La réponse est non ; durablement non !
Néanmoins, avec mes collègues de l’Union Centriste, nous sommes persuadés que les dispositions contenues dans ce projet de loi sont, quoi qu’il en soit, les bienvenues dans un contexte aussi difficile. Il ne s’agit pas de donner un blanc-seing au Gouvernement. Mais je crois que, dans cet hémicycle, nous devons faire primer le bon sens et l’intérêt général.
À ce titre, nous saluons la revalorisation des minima sociaux, la résiliation facilitée des abonnements conclus par voie électronique, le plafonnement des loyers pour les ménages et, enfin, la déconjugalisation de l’allocation aux adultes handicapés, qui reconnaît un statut pour l’adulte en situation de handicap.
Mais qu’en est-il des aides ciblées, qui permettraient d’aider les Français en ayant le plus besoin ? On ne peut plus financer de manière aveugle des aides généralisées en continuant de creuser le déficit public, aides qui sont d’ailleurs souvent supportées par les collectivités.
C’est bien une question de justice sociale : les politiques publiques doivent cibler les plus fragiles pour les soutenir durablement. Je pense à nos aînés, à nos étudiants, aux familles monoparentales, aux classes moyennes, c’est-à-dire à ceux qui doivent payer toujours plus pour gagner de moins en moins.
Ce texte est également l’occasion d’aborder l’enjeu de notre souveraineté énergétique.
Une véritable course contre la montre s’engage pour éviter cet hiver des ruptures d’approvisionnement, en électricité notamment. Vous proposez quelques mesures, monsieur le ministre. Mais elles ne répondent pas à nos besoins grandissants et contredisent même nos ambitions en matière de réponse à l’urgence environnementale.
Nous aurions plutôt besoin d’une vision de long terme, d’une vision stratégique, pour anticiper les défis de demain de notre pays.
Nous avons également besoin de constance dans notre politique énergétique et d’approvisionnement. Après avoir renoncé au nucléaire, on annonçait voilà quelques mois la construction de six réacteurs. Où en sommes-nous de notre objectif de neutralité carbone, ce fameux objectif pour 2050 ?
Comment l’atteindre, alors qu’est annoncée aujourd’hui la réouverture de la centrale à charbon de Saint-Avold ?
Nous formulons deux vœux : une nouvelle méthode de travail et un cap stratégique qui redonnera confiance à nos concitoyens, à nos entreprises, à nos élus.
Pour ce qui est de la méthode de travail, le quinquennat qui s’ouvre devait être celui de la coconstruction législative et d’un travail plus collaboratif avec le Parlement, les collectivités et les associations d’élus. Pour l’instant, il semble uniquement devoir être le quinquennat de l’urgence. Nous ne pouvons pas nous en satisfaire, et il est primordial de passer des paroles aux actes. Le présent projet de loi est arrivé au Sénat vendredi 22 juillet, pour un examen en commission le 25 juillet et un passage en séance publique le 28 juillet ! Comment pouvons-nous traiter en quarante-huit heures des sujets aussi fondamentaux ?
Notre deuxième vœu est celui du cap à donner. Nous appelons le Gouvernement à adopter des politiques de long terme, à répondre aux urgences d’aujourd’hui, mais aussi aux besoins de demain.
Qu’adviendra-t-il en janvier 2023 pour nos concitoyens, lorsque les remises sur le carburant ne seront plus appliquées ?
Quelles garanties en matière d’approvisionnement en électricité pourrez-vous offrir aux entreprises qui envisageraient de s’installer en France ?
Quelles réponses apporterez-vous aux collectivités qui s’interrogent sur la faisabilité de leurs projets d’investissement face à l’augmentation toujours croissante de leurs dépenses de fonctionnement et à la baisse de leurs recettes ?
Ces questions concrètes appellent des réponses précises.
Applaudissements sur les travées du groupe UC.
Applaudissements sur les travées du groupe SER.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en matière de logement et du point de vue des usagers les plus modestes, donc les plus touchés par l’inflation, les dispositions visant à contenir les hausses de loyers ne sont pas assez fortes.
Nous proposerons un plafonnement à 1, 5 % de l’IRL sur tout le territoire national. Pour mémoire, la diminution de l’APL vous a permis d’économiser 12 milliards d’euros lors du quinquennat précédent. Or les mesures que vous proposez dans ce texte représentent seulement 168 millions d’euros !
Disons-le sans ambages : les dispositions du titre II, relatives à la protection du consommateur, qu’elles portent sur la résiliation des contrats ou sur la lutte contre les pratiques commerciales illicites, bien qu’opportunes, sont de portée réduite. Nous vous proposerons par nos amendements de les améliorer.
Les mesures du titre III, relatives à la souveraineté énergétique, pour autant qu’elles soient nécessaires, révèlent les faiblesses et les contradictions de la politique française en la matière.
La crise aura permis de mesurer l’attention qu’il faut en permanence porter à l’outil de stockage souterrain de gaz, outil stratégique s’il en est, dont la dimension de politique nationale a été oubliée ou mésestimée.
En même temps qu’elle porte atteinte à la crédibilité de la parole publique, la nécessité de prévoir la réouverture de centrales à charbon pose pour nous la question des conditions sociales du réemploi et de la formation du personnel nécessaire.
Les conséquences de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique confirment ce que nos rapports sénatoriaux récents ont mis en évidence : l’affaiblissement régulier d’EDF, jusqu’à sa mise en péril au regard des investissements considérables à financer dans le cadre de la stratégie nationale bas-carbone et de la programmation pluriannuelle de l’énergie, que nous aurons à actualiser prochainement.
En matière de climat, la France doit être au rendez-vous de ses engagements, après cinq années perdues et deux condamnations pour inaction climatique.
Au-delà des évolutions nécessaires de l’Arenh qui figurent dans le texte et que nous soutiendrons, comme la limitation de volume à 100 térawattheures ou à 25 % de la production nucléaire annuelle, au prix actualisé de 49, 50 euros du mégawattheure, nous demandons d’anticiper l’extinction et la suppression totale du mécanisme, tant l’Arenh s’est jusqu’ici révélé comme un instrument de pillage et d’affaiblissement d’EDF au profit de ses concurrents.
Nous vous proposerons donc un amendement visant à proportionner les cessions au titre de l’Arenh à la situation financière des entreprises, dont certaines ont vu leurs profits exploser du fait de la crise géopolitique ; je pense en particulier à TotalEnergies.
Nous demanderons aussi qu’un bilan objectif du marché de l’électricité soit réalisé. À quoi le principe de libre concurrence non faussée a-t-il conduit pour les consommateurs français, pour l’appareil industriel français ?
Nous pensons qu’il ne revient pas au Parlement, en l’occurrence au Sénat, de sécuriser juridiquement le décret d’abaissement à 120 térawattheures du plafond de l’Arenh, décret que le Gouvernement français n’a ni soumis au Conseil supérieur de l’énergie (CSE) ni notifié formellement à la Commission européenne. Pourquoi, monsieur le ministre, avoir procédé de la sorte, en toute connaissance d’une aide d’État dont l’absence de notification fragilise aujourd’hui les fournisseurs alternatifs ?
Il est urgent de reconsidérer, autour du groupe public EDF, l’ensemble du dispositif de gestion de l’électricité en France. Par une question d’actualité au Gouvernement, j’appelais voilà quelques jours le Gouvernement à ouvrir un débat public et parlementaire à propos du projet national pour EDF. Le débat en application de l’article 50-1 de la Constitution que propose Mme la Première ministre ne suffira pas : nous demandons le vote d’une loi spécifique sur le projet industriel, social et environnemental d’EDF.
En outre, le Gouvernement devra réussir le plus rapidement possible une réforme de structure des tarifs de l’électricité, qui doivent reposer sur les coûts complets de long terme de l’ensemble du parc de production.
Au final, le présent texte sera insuffisant pour répondre aux besoins élémentaires de millions de Français. Le « pouvoir de vivre » de nos concitoyens sera au cœur de nos propositions dans les prochains projets de loi de finances.
Applaudissements sur les travées du groupe SER.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous l’attendions, ce texte sur le pouvoir d’achat, promis depuis bien des semaines et enfin inscrit à l’ordre du jour de notre assemblée, malgré des délais très courts pour son examen par le Sénat.
Je voudrais rappeler que, à la veille du premier tour de l’élection présidentielle, 66 % des Français citaient la question du pouvoir d’achat comme l’enjeu principal de cette élection, selon le baromètre OpinionWay.
Le Gouvernement nous présente donc, comme d’autres l’auraient fait d’ailleurs, un projet de loi censé atténuer les effets de l’inflation et de la crise énergétique tout en contenant les déficits publics.
Oui, monsieur le ministre, la cote d’alerte sur les finances publiques est dépassée depuis bien longtemps ! Le Sénat lance très clairement l’alerte sur ce sujet, sans que les derniers gouvernements successifs l’entendent ; il faut bien l’avouer.
La dette publique dépasse désormais les 2 900 milliards d’euros ; c’est l’avenir des générations futures, celui de nos enfants, que nous obérons ainsi.
Aussi, il faut pouvoir trouver la ligne de crête entre le soutien à ceux de nos concitoyens qui souffrent le plus de la situation actuelle et la nécessité de ne pas alourdir la dette publique pour préparer l’avenir et la nécessaire transition écologique, qui impose des investissements massifs.
Alors, que nous propose le Gouvernement ?
D’abord, un texte insuffisamment ambitieux, avec des mesures qui peuvent sembler anecdotiques au vu de la situation, comme la possibilité de résilier par voie électronique les contrats souscrits en ligne.
Ensuite, un texte qui n’a rien de structurel : j’en prends pour preuve les mesures concernant le plafonnement de la hausse des loyers. C’est clairement ignorer les solutions de long terme qui favoriseraient la construction de nouveaux logements, alors que c’est bien le manque de logements qui explique aujourd’hui la tension sur les loyers.
Enfin, un texte qui est en contradiction avec certaines de nos politiques publiques, particulièrement dans le domaine énergétique, comme cela a été évoqué à plusieurs reprises.
Nous légiférons aujourd’hui pour rouvrir les centrales à charbon après avoir décidé de les fermer et, surtout, après des années d’hésitations et de contradictions sur le développement du nucléaire ! Nous allons aussi importer des hydrocarbures après avoir abandonné la filière nationale et fragilisé les filières françaises décarbonées.
Je m’attarde sur le sujet énergétique, car il est essentiel ! Il concerne en effet tous les budgets, ceux des Français et ceux de nos entreprises. Je comprends l’urgence de la situation, mais je déplore le manque de vision en la matière. Restaurer la souveraineté énergétique de la France nécessitera d’être cohérent dans les choix effectués et, en l’espèce, nous pouvons regretter que cela n’ait pas été le cas ces dix dernières années.
Au travers des articles du projet de loi sur l’Arenh, c’est l’avenir d’EDF qui se pose ! Nous avons eu maintes fois l’occasion de vous alerter sur le sujet, vous comme l’ensemble du Gouvernement, monsieur le ministre. Vous parlez d’une nationalisation d’EDF. Pourquoi pas ? Mais pour quoi faire ? Et pour changer quoi ? Cela ne répond pas aux difficultés du groupe, notamment au mur d’investissement auquel il doit faire face.
Nous prônons depuis longtemps un mix énergétique décarboné autour du nucléaire, et ce dans un bouquet d’énergies. Le récent rapport d’information de nos collègues Gremillet, Moga et Michau a encore déploré l’affaiblissement de la filière, ainsi que ses perspectives très complexes. Il contient des propositions pour relancer l’énergie nucléaire et promouvoir l’hydrogène bas-carbone, dont le Gouvernement devrait s’inspirer.
Nous prônons également le développement des énergies vertes : l’eau, le vent, le soleil, la biomasse, le biogaz. Monsieur le ministre, mes chers collègues, rien ne doit être négligé pour atteindre la neutralité carbone. J’ai d’ailleurs présidé voilà peu la mission d’information sur la méthanisation. Nous avons, là aussi, des pistes utiles pour favoriser la transition et la souveraineté énergétiques si nous nous donnons les moyens de structurer la filière et de simplifier – je dis bien simplifier – l’ensemble des procédures. L’actualité nous l’impose plus que jamais.
Au final, le texte que nous examinons aujourd’hui me paraît très décevant, même s’il comporte des mesures positives que je salue et que mon collègue Philippe Mouiller a eu l’occasion de mentionner tout à l’heure.
Monsieur le ministre, au lieu de faire des chèques sans provision, comme le font les gouvernements depuis des années, le groupe Les Républicains veut muscler le texte avec des mesures pérennes, des mesures qui améliorent le pouvoir d’achat des Français, des salariés et des entreprises, et, surtout, des mesures d’économie, car on ne peut plus ignorer le problème de la dette, comme je l’ai expliqué au début de mon propos.
Chers amis, chers collègues, je souhaite que le débat qui s’ouvre ce matin contribue à donner plus d’ambition au texte, ce dont je ne doute pas, car c’est bien l’ADN du Sénat.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, madame la présidente de la commission, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, je serai bref, dans la mesure où l’examen des articles nous permettra d’approfondir la discussion.
Comme je l’ai fait dans mon propos liminaire, je souligne une nouvelle fois que le Sénat examine cette semaine deux textes, le projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat en séance publique et le projet de loi de finances rectificative en commission. Cela démontre l’enchevêtrement de certaines dispositions. Nous serons donc conduits – différents orateurs l’ont mentionné – à discuter de dispositions relevant du PLFR, voire de textes réglementaires, et parfois à opérer quelques renvois.
C’est le cas pour les heures supplémentaires : le relèvement du plafond d’exonération ayant été inscrit dans le projet de loi de finances rectificative, il paraît plus logique que le débat ait lieu lors de l’examen de ce dernier.
Je souligne également que, à l’aube de l’examen de ce texte, nous sommes collectivement face à deux injonctions paradoxales.
La première injonction paradoxale touche au calendrier. Nous avons fait le choix de présenter ce texte au Parlement dans les tout premiers jours de la nouvelle législature de l’Assemblée nationale, juste après l’examen du texte portant certaines dispositions en matière d’état d’urgence sanitaire. C’est donc un rythme rapide, d’autant plus que les débats à l’Assemblée nationale ont duré un peu plus longtemps que ce que nous avions envisagé. Or nombre d’entre vous ont affirmé attendre le texte avec impatience, mais regretter qu’il leur faille l’examiner très vite. Malheureusement, cela est dû à l’actualité et, certainement, à quelques habitudes propres au Parlement français.
La seconde injonction paradoxale s’est exprimée dans la dernière intervention. Elle se caractérise par une volonté marquée de veiller au cap en matière de finances publiques et de tenir les objectifs et, dans le même temps, par le regret que certaines mesures n’aillent pas assez loin ou ne soient pas assez massives, au risque que cette ambition ne se traduise par des dépenses supplémentaires.
Par ailleurs, dans de nombreuses interventions, il a été question d’énergie, de logement ou encore de consommation. Je laisse mes collègues directement concernés par ces sujets, Agnès Pannier-Runacher, Olivier Klein ou encore Olivia Grégoire, apporter les précisions nécessaires à l’occasion de la discussion des articles et des débats auxquels celle-ci donnera lieu.
Sur le sujet de l’énergie, je partage les propos de Mme la rapporteure sur l’aspect humain qui entoure la relance provisoire de l’activité de la centrale de Saint-Avold. Agnès Pannier-Runacher le dira plus nettement que moi : cette décision n’a pas été prise de gaieté de cœur ; elle vise à assurer l’approvisionnement énergétique, elle est temporaire et les émissions carbone seront compensées.
Nous demandons bien aux salariés de la centrale à charbon de Saint-Avold, sur la base du volontariat, de participer à cette relance dans des conditions que l’article 15 vise à sécuriser, puisqu’il a pour seul objectif de garantir l’intégralité des dispositions du plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) et du plan de reclassement qui ont été retenues, pour que cette reprise d’activité n’entraîne aucune perte des droits négociés par les salariés.
M. Fabien Gay s ’ exclame.
Les trois points de divergence que j’ai évoqués dans mon propos liminaire demeurent évidemment. Ils concernent les heures supplémentaires – mais cela relève plus de la méthode et du texte concerné –, l’article 4 et la pérennité des dispositifs que nous proposons en matière de partage de la valeur. Nous devrons veiller à ce que les décisions prises sur ces questions à l’occasion de l’examen de ce texte comme du projet de loi de finances rectificative n’obèrent pas l’avenir.
Il a beaucoup été question de la démonétisation des heures supplémentaires telle qu’elle a été adoptée à l’Assemblée nationale. L’échéance a aussi été pensée pour être compatible avec le projet de compte épargne temps universel. Gardons donc aussi en tête la possibilité d’avancer sur certains chantiers.
Sur toutes les autres mesures, et peut-être même sur ces sujets-là, de nombreuses améliorations et de nombreux consensus peuvent naître à l’occasion de la discussion ; j’en suis tout à fait ravi.
Enfin, monsieur le président, je conclurai en m’associant à l’hommage rendu par Jean-Marie Vanlerenberghe à Frédéric Sève. Ce militant et cadre important de la CFDT, qui était surtout un acteur essentiel du dialogue social, nous a quittés brutalement cette semaine. Ce n’était que justice de rappeler sa mémoire, comme cela a été fait.
Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – MM. Michel Canévet et Jean-Marie Vanlerenberghe applaudissent également.
La discussion générale est close.
La parole est à Mme la présidente de la commission.
Monsieur le président, j’informe nos collègues que la commission des affaires sociales se réunira à quatorze heures vingt pour examiner les derniers amendements déposés.
J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de l’éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion sur ce projet de loi ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
J’informe également le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2021-1605 du 8 décembre 2021 étendant et adaptant à la fonction publique des communes de Polynésie française certaines dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale est parvenue à l’adoption d’un texte commun.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à douze heures quarante, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Roger Karoutchi.