Monsieur le président, je serai un peu longue sur les amendements identiques n° 403 et 416 – je m’en excuse par avance –, mais très rapide sur les deux autres.
L’amendement n° 164 vise à indexer les salaires du secteur privé sur l’inflation. Je rappelle que le salaire est fixé librement entre l’employeur et le salarié, et que cette indexation contreviendrait à ce principe de base. L’avis est donc défavorable.
L’amendement n° 145 entend fixer un nouveau critère pour la fusion de branches et l’obligation de négociation des minima conventionnels. Il est encore plus restrictif que celui prévu à l’article 4, que nous avons supprimé en commission. L’avis est donc également défavorable.
J’en viens aux amendements n° 403 et 416. Pourquoi avoir fait le choix de supprimer l’article 4 ? Dans un premier temps, je me suis dit qu’il y avait sans doute un sujet à traiter, et je me suis demandé comment il pouvait l’être.
Interrogeons-nous collectivement, mes chers collègues, si vous le voulez bien.
Y a-t-il un intérêt au dialogue social au sein des branches ? Oui, nous en convenons tous.
Considérons-nous que ce dialogue, parfois, peut être difficile ? Oui, il n’est pas toujours simple, en effet, mais cela dépend beaucoup des branches.
Globalement, le dialogue dans les branches est-il nourri et soutenu ? Là encore, il me semble que nous pouvons répondre par l’affirmative. Quand on rencontre les partenaires sociaux, ils nous disent qu’ils se voient régulièrement, et nous pouvons nous féliciter de ce dialogue.
Le dialogue social se limite-t-il essentiellement à la grille des salaires ? Non, le champ de la convention collective est bien plus large. En l’occurrence, seule cette grille est pointée par le dispositif de l’article 4, qui permettrait de fusionner les branches dans lesquelles le salaire de départ se situe sous le SMIC.
Les organisations syndicales et patronales se réunissent très régulièrement au niveau des branches, mais, en ce moment, elles doivent sans cesse courir après l’inflation et rattraper des grilles qui passent sous le taux minimal. Il s’agit donc plutôt d’un problème conjoncturel, auquel il ne me semble pas pertinent de répondre par la fusion des branches. Il en irait différemment si nous avions des branches qui, structurellement – j’insiste sur ce terme –, présentaient des minima inférieurs au SMIC.
J’ai cherché ces branches, monsieur le ministre. J’ai organisé une table ronde avec la Fédération des entreprises de propreté, l’Association française des banques et la Fédération du commerce et de la distribution, les représentants de branches dont on disait qu’elles pouvaient être concernées.
Ces organisations ont surtout insisté sur le fait que, depuis un certain temps, elles avaient été jetées en pâture dans la presse comme des branches qui ne menaient aucun dialogue social et qui rencontraient des difficultés.
Vous connaissez sans doute le film de notre collègue député François Ruffin, mes chers collègues ; la Fédération des entreprises de propreté l’a très mal vécu, considérant qu’il avait jeté l’opprobre sur ce secteur, avec comme conséquence des difficultés pour recruter. Et les propos tenus par le Président de la République n’ont rien arrangé.
De fait, les minima des branches que je viens de citer sont supérieurs au SMIC, en dépit d’une conjoncture complexe.
J’ai fini par trouver les deux branches qui pourraient être concernées par l’article 4, monsieur le ministre.
Il s’agit tout d’abord de la Fédération des prestataires de santé à domicile (PSAD), une branche contrainte par la tarification qui s’impose aux prestations qu’elle propose. Elle rencontre donc de vraies difficultés au regard de ces minima de branches, qu’elle avait d’ailleurs exposées dès le mois de novembre dernier dans un courrier adressé à Mme Borne, alors ministre du travail, et dont une copie vous était également adressée, monsieur le ministre. Les représentants de cette branche attendent toujours une réponse à ce courrier… Ils veulent bien se mettre en conformité, mais les tarifs qui s’appliquent à leur secteur les en empêchent.
J’ai cherché la deuxième branche : il s’agit de la PQR, la presse quotidienne régionale, qui vient d’ailleurs de fusionner avec la presse hebdomadaire régionale et la presse quotidienne départementale. Manifestement, cette fusion n’a pas permis à elle seule de résoudre le problème… Ils sont en train de négocier, mais ce n’est pas facile – nous connaissons tous l’état de la PQR aujourd’hui.
On peut se faire plaisir, voter ces amendements et se dire que la fusion permettra de cocher une case. Mais, très honnêtement, ce n’est pas la solution. Le problème, ce sont les salaires qui ne décollent pas du SMIC.
On a donc un vrai sujet à traiter, monsieur le ministre, mais je vous propose de le faire de façon sérieuse dans la future loi Travail, et non à travers ces amendements. Ces derniers n’apportent pas de solutions et ils jettent l’opprobre sur le dialogue social nourri et construit qui se déroule au sein de ces branches.