Intervention de Olivier Dussopt

Réunion du 28 juillet 2022 à 21h30
Mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat — Article 5, amendement 817

Olivier Dussopt :

J’apporterai des réponses sur cinq points.

Premièrement, madame Jasmin, le Gouvernement a bien l’intention de revaloriser les bourses dans les mêmes proportions que les autres minima et pensions. Je précise toutefois que les bourses de l’enseignement supérieur relèvent du domaine réglementaire : nous prendrons donc un décret pour les revaloriser à hauteur de 4 % à la rentrée prochaine. Les bourses de l’enseignement secondaire seront aussi traitées par voie réglementaire, dans la mesure où l’amendement n° 817 qui a été adopté par la commission des affaires sociales permet au Gouvernement de procéder à leur revalorisation par décret.

Deuxièmement, madame Féret, vous avez raison : il s’agit bien d’une avance de revalorisation. La loi prévoit que les retraites sont revalorisées au 1er janvier et les prestations familiales ou sociales au 1er avril, et il n’y a jamais ou presque d’entorse à ce principe et à ce calendrier. La dernière exception a eu lieu entre 2015 et 2016 : la revalorisation des retraites du début de l’année 2016 a été reportée de six mois, jusqu’au 1er octobre de cette même année – soit une période assez longue, puisque la revalorisation du début de l’année 2015 avait été de zéro, certes dans un contexte de très faible inflation, et avait donc valu pour dix-huit mois.

L’avance de revalorisation que nous prévoyons représente un engagement de 6, 7 milliards d’euros pour la puissance publique : cela n’est pas négligeable et permet de protéger le pouvoir d’achat des retraités et des bénéficiaires de prestations sociales pendant la période qui s’ouvre, alors que ces publics auraient normalement dû attendre les échéances que j’ai rappelées.

Si, au 1er janvier et au 1er avril prochains, l’inflation constatée est supérieure à celle qui prévaut jusqu’à présent, c’est-à-dire 5, 8 %, une revalorisation en conséquence de cet écart sera enclenchée.

Vous appelez de vos vœux une clause de revoyure, madame la sénatrice. En cas d’explosion de l’inflation – les prévisions que vous avez envisagées ou que vous redoutez me semblent peu susceptibles de se réaliser, et c’est tant mieux –, d’autres textes qui arriveront d’ici à la fin de l’année permettront d’agir. Je précise que nous devons aussi faire avec des délais et des contraintes techniques, si bien que, parfois, la prise de décision d’une revalorisation se traduit formellement avec un décalage de plusieurs semaines, voire de plusieurs mois.

En tout cas, cette revalorisation n’obère pas la possibilité d’une revalorisation aux dates prévues au début de l’année 2023.

Troisièmement, sur la question de l’AAH, j’ai peur de dire une bêtise, notamment sur les questions relatives aux droits et au maintien des droits pour les bénéficiaires qui pourraient être perdants en raison de la déconjugalisation. M. Mouiller m’a interrogé sur ce point en commission. Vérification a été faite depuis et il est bien prévu qu’un renouvellement ne soit pas vu comme une fin de droits. Par conséquent, nous garantirons aux personnes bénéficiant de l’AAH qui pourraient être perdantes à cause de la déconjugalisation leurs droits au même niveau d’allocation qu’actuellement jusqu’à extinction desdits droits – le renouvellement n’en faisant pas partie.

Voilà qui me permet de faire le lien avec votre intervention, madame Létard. Vous avez soulevé un vrai sujet dont nous avions très peu conscience jusqu’à présent. Ce que vous avez décrit s’explique principalement par le fait que, parfois – c’est en effet malheureusement hétérogène –, les revenus liés à l’AAH sont intégrés dans la base des revenus pris en compte pour le calcul de l’éligibilité au RSA, ce qui n’est pas juste, notamment dans les cas de transfert de situation entre le bénéfice de l’AAH et le bénéfice du RSA.

Depuis que vous nous avez alertés, nous travaillons à trouver une solution technique, certainement réglementaire, pour neutraliser les revenus liés à l’AAH dans le calcul de l’éligibilité au RSA et faire en sorte que cela soit suffisamment rapide pour éviter les délais de trois ou quatre mois que vous avez mentionnés. Je ne saurais dire au moment où je m’exprime devant vous quelle sera la solution technique, mais c’est en tout cas un point que nous avons bien pris en compte.

Quatrièmement, nous partageons totalement votre préoccupation sur le non-recours, madame Goulet, et le Président de la République s’est engagé à la solidarité automatique. Cela suppose des travaux techniques majeurs : il nous faut d’abord croiser les fichiers du prélèvement à la source et les données de revenus mensuels qui servent de base de calcul aux prestations sociales. C’est seulement une fois ce travail accompli que nous serons en capacité de mesurer les revenus d’activité et les revenus sociaux d’un même foyer et d’apprécier une éligibilité.

Pour être tout à fait transparent, comme je l’ai indiqué en commission, je précise que ces travaux techniques prendront au moins dix-huit mois.

Dans un premier temps, le résultat ne sera pas totalement satisfaisant, puisque les prestations quérables le resteront ; toutefois, leur actualisation sera automatisée.

Dans un second temps, un nouveau développement technique permettra de passer à un système où il ne sera plus nécessaire de déposer une demande : le simple constat par le croisement des données permettra l’accès à la prestation et réduira considérablement le taux de non-recours – nous partageons vos chiffres à cet égard – et, parallèlement, même si c’est sans commune mesure en termes de volume, les cas de fraude. Ceux-ci ne sont aujourd’hui possibles que parce qu’il y a déclarations ; dès lors que les déclarations auront disparu, il n’y aura plus de véhicules de fraude.

Cinquièmement, enfin – mais nous aurons ce débat tout à l’heure –, le Gouvernement est tout à fait opposé à une différenciation des taux de revalorisation entre les prestations sociales. Un certain nombre d’amendements visent en effet soit à exclure le RSA du champ de la revalorisation, soit à en minorer le taux par rapport aux autres prestations. Pour notre part, nous considérons que les allocataires du RSA rencontrent les mêmes difficultés face à l’inflation que les autres ménages et ont besoin d’être aidés dans les mêmes proportions.

Par ailleurs, nous avons fait le choix de revaloriser la prime d’activité. En associant cette mesure aux revalorisations automatiques et légales du SMIC, qui s’élèveront au total à 8 % au 1er août sur un an, nous garantissons le maintien de l’écart entre un revenu lié à un minima social et le premier niveau de revenu d’activité. J’y reviendrai lors de l’examen des amendements.

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