En guise de réponse, monsieur le rapporteur pour avis, je vais tâcher d’étayer le point de vue du Gouvernement de la façon la plus claire possible, ce que j’avais de toute façon à cœur de faire. Vous reconnaîtrez dans mon intervention l’écho de certains de vos propos – je pense notamment à ce que vous avez dit du caractère insuffisamment dissuasif du droit en vigueur concernant ces arnaques en bande organisée.
Vous êtes tous conscients que l’émergence du web et des supports électroniques entraîne une mutation profonde des pratiques commerciales trompeuses : un nouveau type d’« arnaques » prospère, qui sont à la fois plus sophistiquées et commises de plus en plus à très grande échelle et en bande organisée – avec de nombreux intermédiaires, des réseaux souvent très bien organisés et présents dans de nombreux pays.
Pour décrire cette réalité, je souhaite partager avec vous quelques chiffres que je vous livre sous la forme d’une liste à la Prévert – vous me le pardonnerez, mais cela me semble, en l’espèce, de bon aloi.
Voici quelques chiffres, tout d’abord, sur les placements financiers : 700 signalements ont été enregistrés par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) en 2021. On constate une nette augmentation des allégations mensongères concernant les placements à haut rendement, autour des cryptoactifs notamment, des offres frauduleuses relatives à des investissements divers – vins, cheptels, forêts –, de fausses cagnottes. Les dons et les regroupements de crédits – avec augmentation de l’endettement à la clé – ne sont pas en reste.
Le préjudice financier moyen s’élève à 72 000 euros par victime pour ce qui est des escroqueries aux livrets d’épargne, à 12 000 euros en matière d’arnaques aux crédits ; la perte moyenne est de 20 000 euros sur les cryptoactifs, de 70 000 euros s’agissant des arnaques aux chambres d’Ehpad (établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes). Ces chiffres, me semble-t-il, parlent d’eux-mêmes…
Permettez-moi ensuite de rappeler quelques éléments relatifs au secteur de la rénovation énergétique, qui subit également un fort développement des pratiques frauduleuses : en 2021, 52 %, c’est-à-dire la majorité, des 628 entreprises contrôlées étaient en infraction – soit pour défaut d’information du consommateur, soit pour violation du droit de rétractation, soit pour violation des règles du crédit, soit pour les trois en même temps ; 118 injonctions administratives ont été prononcées et 94 procès-verbaux pénaux, pour les cas les plus graves, ont été rédigés.
Quelque 4 000 signalements ont été enregistrés au premier semestre 2022 sur la plateforme SignalConso en lien avec les travaux et la rénovation thermique, hors dépannage à domicile – j’en profite pour saluer l’énorme implication de la DGCCRF et pour noter l’importance de ce site, SignalConso, pour tous les consommateurs français. Il convient de noter que les signalements correspondants étaient au nombre de 1 682 au premier semestre 2021 ; autrement dit, leur nombre a plus que doublé en un an.
Concernant enfin le compte personnel de formation, 32 400 signalements ont été reçus par la Caisse des dépôts et consignations au premier semestre 2022 – usurpations d’identité, inscriptions non souhaitées à des formations à l’insu du consommateur. Le préjudice estimé dans le cadre des plaintes pénales déposées par la Caisse des dépôts entre mars 2020 et mai 2022 s’élève à 27 millions d’euros. Quant aux signalements de fraude ou d’escroquerie au CPF sur la plateforme 33700 de lutte contre les SMS indésirables, ils ont été multipliés par quatorze entre le premier semestre 2021 et le premier semestre 2022 !
De tels chiffres démontrent, s’il le fallait, qu’il est nécessaire de légiférer pour renforcer l’ordre public économique. Ces arnaques sont prégnantes, en forte croissance et de plus en plus sophistiquées.
C’est pourquoi nous proposons, par le biais de l’article 9, d’adapter les moyens de l’État, notamment ceux de la DGCCRF, sur l’ensemble de la chaîne de contrôle. Oui, nous voulons agir, de l’enquête aux sanctions, en renforçant notamment les moyens d’enquête de la direction générale : grâce à cet article, ses agents pourront échanger des informations avec la police judiciaire, afin que soit facilitée l’élucidation des enquêtes.
Nous souhaitons aussi simplifier la mise en œuvre des mesures correctives – elles existent déjà –, qui sont destinées à favoriser l’arrêt de certaines pratiques. Vous avez tous en tête le déréférencement récent d’une plateforme qui vendait des produits à risque ; cette procédure de déréférencement sera dorénavant facilitée, dès lors que des cas de fraude auront été avérés.
Si ces mesures correctives ne suffisent pas, des sanctions sont bel et bien nécessaires pour mettre à mal ces arnaques en forte croissance.
C’est pourquoi, comme l’a dit M. le rapporteur pour avis, forts des conclusions de la DGCCRF, direction générale dont j’ai l’honneur d’avoir la charge, nous proposons de porter à trois ans la peine d’emprisonnement encourue en cas de commission d’une pratique commerciale déloyale donnant lieu à la signature d’un contrat, et à sept ans lorsque cette pratique est commise en bande organisée. Si les agents de la DGCCRF nous disent qu’une peine de deux ans n’est pas dissuasive, il faut les entendre, compte tenu de l’expertise et de l’expérience dont témoigne leur travail quotidien.
Nous renforçons par ailleurs la publicité des procédures, ou « name and shame », particulièrement utile. Nous proposons enfin que les principales procédures mises en œuvre par la DGCCRF, que ce soit en matière commerciale ou en matière concurrentielle, puissent faire l’objet d’une mesure de publicité ; cette publicité serait bien sûr réservée aux cas de fraude les plus graves.
Je ne serai pas plus longue, mais j’avais à cœur d’insister sur la croissance réellement exponentielle de ces arnaques et pratiques frauduleuses en ligne, qui sont de surcroît toujours plus élaborées. Aujourd’hui, il est assurément nécessaire d’adapter notre arsenal juridique pour mieux protéger nos consommateurs.
Le Gouvernement est donc défavorable à ces quatre amendements.