Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, sur l’initiative de notre collègue Yvon Collin et des membres du groupe du Rassemblement démocratique et social européen, nous sommes réunis cet après-midi pour examiner une proposition de loi relative à la taxation de certaines transactions financières.
Voilà un texte qui arrive à point nommé pour que le Sénat puisse débattre de questions au cœur de l’actualité et inscrites à l’agenda de la prochaine réunion du G20, qui se tiendra à Toronto ce week-end.
À cet égard, nous devons toujours garder à l’esprit le contexte international pour analyser le dispositif qui nous est proposé, à savoir rendre effective, en droit français, la taxe Tobin.
Les auteurs de la proposition de loi veulent instaurer « une taxation spécifique » sur les transactions financières « afin de ne plus inciter à la spéculation financière ». Pour ce faire, ils proposent une modification de l’article 235 ter ZD du code général des impôts qui institue une taxation sur les transactions sur devises, également appelée « taxe Tobin à la française ».
Je ferai un bref rappel historique. L’article 235 ter ZD a été adopté sur l’initiative de la commission des finances de l’Assemblée nationale lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2002. Deux conditions avaient toutefois été introduites à l’époque avec pour effet de le rendre inapplicable dans l’immédiat et de lui conférer une portée essentiellement symbolique.
La première de ces conditions porte sur le taux. En l’état actuel, celui-ci ne doit pas excéder 0, 1 % ; la loi renvoie à un décret en Conseil d’État le soin de fixer le taux définitif dans la limite de ce plafond. Le décret n’est jamais paru, car la seconde condition n’est pas remplie.
En effet, aux termes du IV de l’article 235 ter ZD, ces dispositions entreront en vigueur « à la date à laquelle les États membres de la Communauté européenne auront dû achever l’intégration dans leur droit interne […] d’une taxe sur les transactions sur devises […] ».
En un mot, la France appliquera la taxe pour autant que l’ensemble de nos partenaires l’appliquent, ce qui est encore loin d’être le cas aujourd’hui.
La proposition de loi lève ces deux conditions et rend donc effective, en droit français, la taxe Tobin. Elle fixe un taux, même plusieurs – j’y reviendrai –, et elle supprime la condition de réciprocité avec nos partenaires européens.
Je ne crois pas cependant que la proposition de loi puisse atteindre les objectifs qu’elle se fixe.
Selon ses promoteurs, la taxe Tobin permettrait de limiter la spéculation. Certes, la taxe aurait pour effet mécanique de renchérir les flux de capitaux à court terme. Si nous assimilons la spéculation à ces flux, alors, effectivement, la taxe Tobin tend à limiter la spéculation. Hélas, ce n’est probablement pas aussi évident. De nombreuses opérations de court terme peuvent être adossées à des opérations économiques réelles. Mais lesquelles ? À cette question, nous ne savons pas toujours répondre. Florence Parly, secrétaire d’État au budget en 2001, expliquait à ce sujet que « la différence observable entre une légitime couverture en devises sur une vente à terme et une obscure spéculation est infime ».
Dès lors, il ne me semble pas que la taxe Tobin puisse atteindre les objectifs qu’on lui prête. D’ailleurs, sa mise en œuvre se heurte à deux obstacles majeurs.
Le premier est qu’elle doit être internationale, faute de quoi les transactions se délocaliseront dans les pays qui ne l’appliquent pas.