Intervention de Charles Guené

Réunion du 23 juin 2010 à 14h30
Taxation de certaines transactions financières — Rejet d'une proposition de loi

Photo de Charles GuenéCharles Guené, rapporteur :

Dans le même esprit, la Commission européenne retient le principe du pollueur-payeur et souhaite présenter un texte à l’automne afin de mettre en œuvre des fonds de résolution nationaux alimentés par des taxes nationales. Celles-ci seraient toutefois définies à l’échelle communautaire pour ce qui est de leur taux et de leur assiette, afin d’éviter des distorsions d’application entre les États membres.

Je pourrais dérouler tout un inventaire à la Prévert des initiatives internationales mais je souhaite m’intéresser plus spécifiquement au cas français.

En France, deux taxes ont été créées. La première, votée en loi de finances pour 2010, est destinée à financer la supervision du secteur bancaire et assurantiel : il s’agit de la contribution pour frais de contrôle.

La seconde est une taxe exceptionnelle sur les bonus des opérateurs de marché, payée par les banques au titre des bonus versés en 2009. Si elle permet de faire participer le secteur financier au redressement des finances publiques, elle ne constitue pas un outil durable de stabilisation.

Je le disais à l’instant, un nouveau pas devrait être franchi à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances pour 2011. À cet égard, madame la secrétaire d’État, j’espère que vous pourrez, en avant-première, nous en dire un peu plus sur les intentions du Gouvernement.

La commission des finances a également apporté sa contribution à la réflexion en cours. Elle a suggéré qu’une taxe sur les banques vienne en substitution de la taxe sur les salaires. Nous pourrions ainsi rendre un impôt existant plus intelligent puisque son produit augmenterait à due proportion des risques pris par les banques et non des embauches qu’elles réalisent ! Une telle taxe contribuerait à prévenir – plutôt qu’à guérir - le risque systémique. Un rapport sur ce point devra en principe nous être rendu par le Gouvernement d’ici à la fin du mois de juin, conformément à l’article 6 de la loi de finances pour 2010.

Sachant que les banques devront faire un important effort de recapitalisation, la commission a le souci de ne pas augmenter démesurément les charges imposées aux banques. La légitime préoccupation d’éviter d’autres crises ne doit pas nous conduire à perturber le financement de l’économie.

Au final, au terme de cette analyse, si je partage les préoccupations exprimées par Yvon Collin et les membres de son groupe, je ne pense pas que la proposition de loi puisse être adoptée par le Sénat : elle ne permet pas d’atteindre l’objectif qu’elle se fixe et, à défaut d’être adoptée au niveau international, elle risquerait de pénaliser gravement la place de Paris. Comme je vous l’ai montré, d’autres instruments sont envisageables pour réduire l’instabilité financière. Des progrès importants ont d’ores et déjà été accomplis, par exemple sur la question des bonus et, comme je l’ai précisé, d’autres travaux suivent leur cours.

Par ailleurs, sur la question des paradis fiscaux, le texte prévoit des taux différenciés et plus élevés pour les transactions avec ces juridictions. Il s’agit d’un objectif partagé tant par le Gouvernement que par la commission. Toutefois, l’article 22 de la loi de finances rectificative pour 2009 a permis de doter notre pays d’un dispositif exhaustif de lutte contre les paradis fiscaux qui repose sur l’établissement de notre propre liste de territoires non coopératifs. Il importe, pour l’instant, de le laisser vivre.

Enfin, une ultime position de principe me conduit à émettre un avis défavorable. La dernière conférence sur le déficit a posé le principe selon lequel les questions fiscales relèveront désormais du domaine exclusif des lois de finances. Je sais que cet argument vous gêne, mon cher collègue. Toutefois, notre commission a longtemps milité pour une telle initiative. C’est pourquoi nous devons, avant même l’adoption d’une loi constitutionnelle, nous l’appliquer à nous-mêmes avec constance et persévérance.

En conclusion, vous l’aurez compris, je ne suis pas favorable à l’adoption de la proposition de loi présentée par nos collègues du groupe du RDSE. Je vous propose donc de ne pas en adopter les articles, ce qui entraînera de facto son rejet.

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