Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le projet de loi de finances rectificative que nous examinons aujourd’hui est présenté par le Gouvernement comme le second volet de son « paquet » pouvoir d’achat. Mais il ne se résume pas à cela.
Tout d’abord, c’est un collectif budgétaire, qui prend en compte le nouveau contexte macroéconomique, avec une baisse de la prévision de croissance de 4 % à 2, 5 % et d’importants ajustements en recettes et en dépenses.
Ce projet de loi intègre aussi des mesures nouvelles, qui ne sont pas toutes liées au pouvoir d’achat, comme la suppression de la redevance pour l’audiovisuel public, le report d’un an de la suppression de la fiscalité spécifique au gazole non routier, ou encore la renationalisation d’EDF.
Enfin, et surtout, il présente une réponse très partielle aux problèmes de pouvoir d’achat de certains de nos compatriotes. L’Insee vient d’indiquer que l’inflation avait atteint, en juillet, 6, 1 % sur un an : avant même ces nouveaux chiffres, le choc en 2022 était déjà estimé à 66 milliards d’euros, soit environ 1 000 euros par habitant et 4, 3 % du revenu des ménages.
Enfin, l’OFCE a calculé que, sur 5 % d’inflation générale, les 10 % des ménages les mieux lotis subissaient une inflation de 2, 5 %, tandis que les 10 % des ménages les plus exposés subissaient une inflation de 8, 5 %. La réponse doit donc être différenciée, ce qui n’est pas suffisamment le cas dans ce PLFR.
Du point de vue des équilibres, ce collectif aggrave le déficit du budget de l’État. La hausse des dépenses est en effet très significative, de 44, 2 milliards d’euros, dont la moitié pour le pouvoir d’achat, ce que ne compense pas la réévaluation des recettes fiscales. La charge budgétaire de la dette augmente, dès cette année, de 11, 9 milliards d’euros.
Il ne s’agit pas, pour moi, de remettre en cause la nécessité de soutenir les ménages ou de renforcer l’intervention publique face aux défis qui s’annoncent, notamment en matière de résilience et de transition énergétiques.
Je ne puis en revanche que le déplorer, dans la situation particulièrement délicate que nous connaissons, avec des comptes publics dégradés, des perspectives de croissance incertaines et une hausse, qui elle est certaine, des taux d’intérêt, le Gouvernement poursuit sa politique de « désarmement fiscal ».
Aujourd’hui, la suppression de la redevance audiovisuelle créerait un nouveau manque à combler de 3, 7 milliards d’euros et fragiliserait l’audiovisuel public. Demain, la poursuite de la baisse des impôts de production aggraverait la situation de plusieurs milliards d’euros, alors même que l’essentiel des baisses d’impôts déjà réalisées s’est fait sur le dos de la dette.
En regard, une nouvelle fois, rien n’est proposé pour prélever les acteurs économiques ayant les plus fortes capacités contributives, afin de rééquilibrer les comptes : aucun projet d’imposition du patrimoine, alors que l’épargne accumulée au cours de la crise par les plus hauts déciles de revenus est très importante, aucune taxation des bénéfices exceptionnels de certaines grandes entreprises…
Comment, à ce stade de mon propos, ne pas évoquer les résultats des grands groupes énergéticiens français, au premier rang desquels TotalEnergies, avec un triplement des profits semestriels à 18, 7 milliards de dollars pour une production du même ordre qu’en 2021, une « aubaine de marché supportée par nos concitoyens », comme l’a écrit récemment notre collègue députée Valérie Rabault ?
Comment peut-on accepter, monsieur le ministre, vos propos : « Taxer TotalEnergies n’est qu’une facilité et non une mesure de justice » ? Affirmer que la reprise d’un bénéfice exceptionnel conjoncturel pour le redistribuer vers les populations les plus fragiles de notre pays, lesquelles d’ailleurs participent à la constitution de ce bénéfice, ne serait pas une mesure de justice, il faut oser…
Par ailleurs, comment mettre en parallèle quelques mesurettes – excusez-moi de les qualifier ainsi –, d’un coût de 500 millions d’euros tout de même, mais mal ciblées – non par votre faute, monsieur le ministre, mais par celle de quelques députés, que je ne citerai pas –, et les 5 milliards d’euros au minimum, soit dix fois plus, que cette taxe pourrait rapporter ? Il est d’ailleurs savoureux de constater que nos grandes entreprises arguent d’une activité internationale lorsque tout va bien et d’un siège social en France lorsque les crises surviennent…
De tout cela, les Français ne veulent plus ! Quand, en outre, TotalEnergies annonce qu’une partie de ses profits seront consacrés, non pas au développement, non pas à la transition énergétique, peut-être à l’amélioration des salaires de ses employés, mais, surtout, pour au moins 2 milliards d’euros, au rachat de ses actions, avec pour seul objectif de faire monter la valeur de ces dernières, alors oui, mes chers collègues, je vous le dis, agissons et votons cette taxe exceptionnelle !