Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, disons-le franchement – une fois n’est pas coutume –, ce PLFR s’inscrit dans la droite ligne de la droite…
En vous écoutant, monsieur le ministre, je m’étonne du procédé schizophrénique qui consiste à taxer d’« irresponsable » tout contradicteur prônant une meilleure répartition de la richesse par la dépense publique, tout en étant soi-même un gestionnaire tout sauf bon, puisque vous êtes, je le rappelle, le ministre qui a le plus dépensé au cours des dernières années.
Bien sûr, je ne parle pas ici des aides légitimes mises en place pour soutenir le pays durant la crise du covid-19. Je parle plutôt du creusement du déficit que vous entraînez avec vos baisses nombreuses et systémiques des impôts de production ou de l’impôt sur les sociétés. Ce faisant, je ne dis rien de bien original, en réalité ; je ne fais que reprendre les propos de la Cour des comptes, qui impute une partie de la dégradation des comptes publics à des mesures nouvelles, qui ont réduit les prélèvements obligatoires.
En effet, au cours du quinquennat précédent, le taux de l’impôt sur les sociétés est passé de 33, 33 % à 25 %, ce qui représente un coût de 15 milliards d’euros par an, et une partie des impôts de production a été réduite, pour un coût annuel de 10 milliards d’euros. Quant à la suppression annoncée de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), effective dès 2023, elle coûtera aux finances publiques 8 milliards d’euros, ce qui s’ajoutera à la longue liste des aides venant conforter la politique de l’offre.
Vous organisez donc volontairement l’attrition des finances publiques, monsieur le ministre, et, incidemment, vous creusez inutilement le déficit et la dette publics. Ce sont ainsi 12 milliards d’euros supplémentaires qui sont prévus dans ce budget pour faire face aux intérêts d’emprunt. C’est colossal !
Vous avez affirmé ne pas vouloir d’un compromis qui « s’achète […] à coups de milliards » et qui se finance « au détriment de nos finances publiques » ; or il semblerait que, avec ces baisses d’impôts de production, vous ayez forgé un compromis qui coûtera très cher à nos finances publiques…
Le fait que ces impôts profitent aux grandes entreprises susciterait-il votre cécité ? Je n’ose le croire, même si votre renoncement à taxer les superprofits de certains profiteurs de guerre me laisse à penser que vos compromis bénéficient toujours aux mêmes.
En effet, tout comme le projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, ce premier PLFR s’inscrit dans la continuité de la politique économique menée au cours des dernières années, une politique fondée sur l’offre et qui profite, je le répète, aux mêmes.
Ce PLFR est le corollaire de votre dogme, qui consiste à refuser de prendre toute mesure de nature à augmenter les salaires. La semaine dernière, lors de l’examen du projet de loi sur le pouvoir d’achat, alors que je proposais, avec le soutien du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, un « Grenelle des salaires » pour envisager un partage plus égal de la richesse dans ce pays, vous avez balayé cette éventualité d’un revers de la main.
Or c’est précisément parce que vous refusez de toucher aux salaires qu’il vous faut faire du bricolage fiscal, poser quelques rustines çà et là : primes, petits chèques ou encore baisses d’impôt. Le rehaussement du plafond de la prime dite Macron, de 1 000 euros à 3 000 euros, pour la grande majorité des entreprises, voire à 6 000 euros dans certains cas, ne trahit que trop bien cette fuite en avant que vous avez engagée.
Ainsi, ce PLFR est la transcription fiscale des mesures prises dans le projet de loi sur le pouvoir d’achat. Or ce texte est lacunaire et porte la lourde marque des dogmes qui animent la vie de nos finances publiques depuis cinq ans. Sans changement clair et radical de cap, nous serons condamnés à traiter ce PLFR pour ce qu’il est : un projet de loi de finances inégalitaire, qui fait encore peser sur les mêmes l’obligation d’assainissement des comptes publics.
Vous nous parliez d’une « nouvelle méthode », empreinte de compromis. Nous espérons que, de compromis, il sera question, durant l’examen de ce texte, afin d’insérer plus de justice fiscale dans le PLFR.