Affaiblie, la DGCCRF l'est tout d'abord et surtout du fait de la baisse de ses effectifs. En quinze ans, depuis 2007, ses effectifs ont été réduits d'un quart. Alors que 3 723 équivalents temps plein travaillé (ETPT) avaient été consommés en 2007, 2 812 ETPT devraient l'être au maximum en 2022, soit une diminution de 911 ETPT. C'est considérable pour une petite administration avec des missions étendues. Une part de la baisse des effectifs est certes liée à des transferts de compétences, notamment vers l'Autorité de la concurrence ou le service commun des laboratoires, mais la réduction nette d'effectifs concerne près de 400 ETPT.
Dans ces conditions, nous avons constaté sans surprise que les équipes étaient mises sous tension, et que la bonne exécution des missions de la DGCCRF était parfois menacée. C'est a fortiori le cas dans les territoires peu dotés en personnels. Pour vous donner une idée, en 2010, dans l'Hexagone et en Corse, aucun département ne comptabilisait moins de 8 ETPT. En 2021, quatorze départements disposaient de 5 ETPT ou moins. Au-delà de ces chiffres, un exemple montre la gravité de la situation dans certains territoires : dans le Lot, le nombre très faible d'agents, auquel il faut ajouter les congés et départs, a abouti à ce que les services de la répression des fraudes n'aient temporairement qu'un seul agent en poste pour tout le département au cours de l'année 2022...
Or les réductions d'effectifs conduisent mécaniquement, in fine, à limiter le nombre des enquêtes et des opérations de contrôle. En outre, en dessous d'un certain seuil d'agents, ceux-ci perdent en spécialisation et les enquêtes et contrôles baissent en qualité. Et si les mutualisations interdépartementales mises en place dans les territoires les moins dotés peuvent être utiles, elles ne suffiront absolument pas à répondre à la baisse des effectifs.
Face à cette situation, nous estimons qu'il est indispensable de réagir, afin de donner à la DGCCRF les moyens d'exercer ses missions sur l'ensemble du territoire.
Nous proposons donc l'établissement d'un effectif « socle » de 7 ETPT par département. Ce seuil a été identifié comme un plancher garantissant un minimum de spécialisation des équipes. Nous rappelons de nouveau, pour ceux qui s'inquiéteraient de la légitimité d'une telle hausse, qu'en 2010 tous les départements de l'Hexagone disposaient d'au moins 8 ETPT.
La mise en place de ce socle ne pourra raisonnablement se faire par le biais du redéploiement d'agents au niveau national. En effet, la tension sur les effectifs est une réalité sur tout le territoire et à tous les échelons de la DGCCRF. Il faudra donc prévoir de recréer quelques postes : moins de 50 ETPT selon notre estimation sur les 911 ETPT qui ont été supprimés au cours des quinze dernières années. Nous notons d'ailleurs que, dans le dossier de presse du projet de loi de finances pour 2023, le Gouvernement annonce des renforts d'effectifs pour l'année prochaine. Si nous n'en connaissons pas le détail exact, nous nous félicitons de cette évolution.
La deuxième raison pour laquelle la DGCCRF est affaiblie tient à la succession des réformes l'affectant, qu'elles soient d'ailleurs mises en oeuvre ou finalement avortées. La DGCCRF a d'abord connu d'importantes modifications de son organisation déconcentrée depuis 2009. Depuis cette date, les services déconcentrés sont en effet rattachés à des directions départementales ou régionales interministérielles. Depuis 2021, les services régionaux sont ainsi rattachés au pôle « concurrence, consommation et métrologie », dit « pôle C », des nouvelles directions régionales de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (Dreets). Les services départementaux dépendent quant à eux soit d'une direction départementale de la protection des populations (DDPP), soit d'une direction départementale de l'emploi, du travail, des solidarités et de la protection des populations (DDETS-PP), selon la taille de la population.
Le rattachement à un directeur départemental interministériel, lui-même soumis au préfet, en lieu et place de l'ancienne ligne hiérarchique directe de la DGCCRF, a déstabilisé les agents départementaux. Ces derniers continuent de s'en plaindre aujourd'hui, pour diverses raisons, parmi lesquelles ce qu'ils estiment être une dilution de leurs compétences spécifiques et un manque de lisibilité de la ligne hiérarchique.
Un certain nombre de réformes ont également concerné ses compétences, parmi lesquelles le transfert en cours de la police de sécurité sanitaire des aliments vers le ministère de l'agriculture. Au demeurant, nous considérons que cette réforme est opportune. En premier lieu, elle simplifie utilement l'organisation administrative des compétences dans un domaine aussi stratégique. En second lieu, elle recentre la DGCCRF sur ses compétences premières, la protection économique du consommateur et l'ordre public économique.
Nous formulons toutefois une recommandation, qui vise à préserver la compétence du service commun des laboratoires s'agissant des analyses sanitaires des aliments qui relevaient de la compétence de la DGCCRF. Cela permettra à la fois d'assurer la qualité des analyses et de préserver le savoir-faire du service commun des laboratoires.
Plus largement, cette réforme, même opportune, appelle à la vigilance. Elle ne doit en aucun cas conduire à une dispersion progressive généralisée des compétences de la DGCCRF vers d'autres administrations. Son positionnement administratif et son rattachement direct au ministère de l'économie ne doivent pas non plus être mis en cause.
Enfin, l'hypothèse d'une fusion avec l'administration des douanes est évoquée depuis de nombreuses années, y compris au niveau du Gouvernement. Elle suscite à la fois intérêt et inquiétudes.
En définitive, au-delà de l'opportunité ou non de ces réformes ou projets de réformes, il faut reconnaître que le climat général a causé chez les agents, confrontés à une « perte de sens », un sentiment de « fatigue » assez fort - ce sont des termes qui sont revenus très souvent lors de nos échanges. Ces changements ont mis sous tension, plus généralement, l'ensemble de la DGCCRF.
Dans ce contexte, nous estimons qu'il est temps que cette dernière et ses agents puissent se focaliser sur leurs missions. Il est donc nécessaire de s'abstenir de toute réforme d'ampleur concernant l'organisation de la DGCCRF à moyen terme. Une hypothétique fusion avec les douanes doit ainsi être écartée, même si des coopérations concrètes renforcées entre ces deux administrations peuvent être développées. Cette fusion se heurterait en effet, en dépit de certains avantages, à de sérieux obstacles, que nous décrivons dans notre rapport. Surtout, elle créerait davantage d'instabilité au détriment du travail des agents, déjà trop peu nombreux. Nous le répétons : il faut aujourd'hui donner la priorité à la stabilité et laisser les agents de la DGCCRF se concentrer sur leurs missions.