Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la crise sanitaire a exacerbé les faiblesses de l’hôpital public, où le manque de lits ne constitue que la partie émergée de l’iceberg.
Nous en avons parlé longuement lors de notre débat mardi : les difficultés éprouvées par le secteur sanitaire, au plus fort de la crise, pour répondre à la demande de soins, témoignent de la défaillance plus large à laquelle fait face, comme dans tant d’autres pays voisins, notre système de santé.
La Nation a pu, à cette occasion, témoigner sa reconnaissance au personnel soignant et hospitalier, en première ligne face à la covid-19. Les personnels des établissements médico-sociaux se sont également mobilisés pour maintenir la continuité du lien et des accompagnements, que la situation menaçait de mettre gravement en péril. Ils ont été centraux pour tout notre système de soins – sanitaires et sociaux – si cher à nos valeurs et à notre histoire.
La crise sanitaire a suscité dans l’urgence des solidarités nouvelles et a encouragé la mise en œuvre de prises en charge innovantes. C’est dans les crises que nous sommes le plus créatifs, que les barrières s’abaissent et que les collaborations se lient. Une fois encore, la pandémie nous a démontré la véracité de cette idée. Au moment où il nous faut tirer les enseignements de la crise sanitaire et repenser l’organisation des soins pour la rendre plus efficace, le groupe RDPI a jugé pertinent que nous nous interrogions sur la place que pourraient occuper les acteurs du médico-social dans la nouvelle organisation des soins de demain.
Trop souvent, un regard inquiet se porte sur l’hôpital et sur la médecine de ville, considérés comme uniques garants de la continuité des soins. Ceux-ci sont essentiels, c’est certain, et notre groupe saura, dans les mois prochains, défendre avec vigueur leur rôle. Mais ils ne sont pas les seuls pour résoudre le problème grandissant des zones sous-dotées ; ils ne sont pas les uniques relais pour assurer la prévention. Le secteur du médico-social et tous les professionnels qu’il comprend sont au cœur de notre politique du soin dans toute sa pluralité et sa complexité.
Ses acteurs interviennent dans des domaines variés, tels que celui de l’enfance, du plus grand âge, du handicap, de la protection maternelle et infantile, auprès de personnes en grande difficulté sociale et de santé, ou encore dans le cadre de la protection des majeurs. Il joue un rôle déterminant dans notre société. Un rôle économique, d’abord, en libérant du temps pour les aidants salariés ou en prévenant la désinsertion professionnelle des personnels fragilisés par le handicap ou la maladie. Il assume aussi un rôle social de maintien du lien de solidarité, dont la nécessité a été exacerbée durant la crise.
Alors que les attentes vis-à-vis de ces personnels sont fortes, et que ceux-ci doivent assurer la prise en charge de la précarité, ils se sentent parfois eux-mêmes précaires. Aussi, comme l’hôpital, le secteur médico-social est-il en proie à des difficultés de recrutement.
Je tiens ici à souligner l’effort consenti par le Gouvernement pour un million de professionnels de ces secteurs dont les rémunérations ont été revalorisées, qu’il s’agisse des professions médicales, des professions du soin ou, pour certains secteurs, comme celui du grand âge, des professions de l’accompagnement. Cette reconnaissance, accordée dans le cadre du Ségur de la santé, a été élargie également aux professionnels du secteur socio-éducatif dans tous les établissements et services du handicap, de la protection de l’enfance, de l’insertion ou encore de l’hébergement.
S’adressant à un public de personnes par définition vulnérables et dépendantes, les acteurs du médico-social occupent une position stratégique dans l’organisation du soin et sont susceptibles d’intervenir à des étapes clés de la prise en charge médicale d’éventuels patients.
Face au vieillissement de la population et à l’accroissement du nombre de personnes âgées de plus en plus dépendantes, garantir à celles-ci une prise en charge adaptée à leur état, selon leur degré d’autonomie, permettrait de libérer du temps médical. Il s’agit de favoriser le maintien à domicile des personnes légèrement dépendantes, grâce au renforcement de l’aide à domicile et au financement de l’adaptation des logements.
Dans nos territoires, où nous manquons parfois de structures dédiées, comme mon collègue Dominique Théophile le rappellera, les professionnels du secteur médico-social peuvent aussi être des relais à domicile, pour que, en France, vieillir soit vécu non pas comme une fin, mais comme l’ouverture d’un nouveau chapitre.
Dans le même temps, pour accueillir des personnels de plus en plus dépendants, les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) doivent être démédicalisés. Garantir une prise en charge adaptée à nos aînés, c’est permettre de mieux vieillir, et c’est encore du temps médical qu’on libère.
Je pense aussi à nos enfants, dont les problématiques de santé mentale se font de plus en plus inquiétantes. Les éducateurs spécialisés connaissent les jeunes, ils pourront être des garants d’un diagnostic précoce et ils sont utilement formés à ces enjeux. Je pense encore à nos concitoyens en situation de handicap, dont l’inclusion dépend aussi de la place donnée aux professionnels du médico-social dans toutes nos structures, qu’il s’agisse d’éducation ou d’emploi.
Aussi nous faut-il imaginer de nouvelles formes d’organisation des soins afin d’être, demain, en mesure de proposer, dans les territoires, une offre de soins adaptée aux besoins qui sont exprimés.
Organiser les soins de demain en collaboration avec les acteurs de nos territoires, c’est donner à chacun toute sa place. C’est laisser la possibilité aux élus locaux de trouver des solutions aux enjeux de terrain qu’ils connaissent si bien. C’est donner aux nouvelles générations de professionnels des possibilités novatrices pour collaborer vers un vivre ensemble inclusif et protecteur.
Mes chers collègues, le sujet qui nous occupe aujourd’hui est vaste, mais il existe toujours, dans les questions d’ampleur, des solutions concrètes et, dans les grands débats, de petites victoires.
Madame la ministre, je sais votre attachement à la question de l’organisation des soins et votre souhait d’assurer que notre modèle de soin et d’accompagnement, cher à notre culture française, perdure pour tous nos concitoyens. Je vous remercie d’être présente aujourd’hui parmi nous pour échanger avec nous. J’espère que chacun pourra contribuer à une vision nouvelle, enrichie par nos expériences variées, qui sera force de propositions pour l’avenir.