Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’Union européenne, à travers sa réglementation d’harmonisation, veille à lever les obstacles à la libre circulation, permettant ainsi l’existence d’un marché unique sur lequel les consommateurs ont accès à des produits sûrs et de qualité, et ce dans des conditions de transparence.
Il n’est pas impossible que certaines professions, ainsi que leurs savoir-faire, puissent être mises en difficulté dans le cadre de l’élaboration des normes européennes. En juillet dernier, notre commission a choisi de porter son attention sur le régime européen d’autorisation de l’usage du plomb et son incidence sur des éléments constitutifs du patrimoine européen. Par une proposition de résolution européenne, nous avons souhaité encourager la Commission européenne et le Gouvernement à préserver l’activité des vitraillistes et autres professions d’art, menacée par l’interdiction du plomb qui pourrait intervenir dans le cadre de la prochaine révision du règlement Reach relatif aux substances chimiques.
Par ce texte, notre commission a affirmé la nécessité pour l’Union européenne de reconnaître et de protéger ces métiers et leurs savoir-faire, qui sont partie intégrante de notre patrimoine européen, qui en font la richesse et celle de nos territoires.
Elle a fait de même concernant la préservation de la filière des huiles essentielles à base de lavande, menacée elle aussi par la révision du même règlement Reach. Notre commission a défendu cette filière en faisant valoir que nos huiles essentielles de lavande sont des produits agricoles artisanaux non chimiques et que la filière de l’herboristerie fait partie intégrante du patrimoine immatériel français.
En outre, le Sénat, chambre des territoires, s’attelle à ce que lesdits territoires, leurs savoir-faire et leurs cultures soient défendus et représentés dans l’élaboration de la norme, à l’échelon national comme à l’échelon européen. Je remercie d’ailleurs notre commission d’avoir mis à l’ordre du jour ce débat.
Plus largement, dans un espace européen où règne la libre circulation, des produits qui sont l’emblème d’un territoire, l’expression d’un savoir-faire et le fruit d’une culture peuvent être mis en concurrence avec des importations susceptibles d’en usurper la qualité, la provenance ou la sûreté.
Aussi, valoriser ces savoir-faire par une indication géographique permet avant tout de rassurer le consommateur quant à la provenance et à la qualité réelle d’un produit. L’indication met en avant les producteurs locaux authentiques et les protège de la contrefaçon ; elle valorise les particularités des patrimoines locaux, favorise l’emploi et pérennise les savoir-faire.
C’est ce que le droit européen autorise. Les États membres, sous couvert de protection de la propriété intellectuelle et commerciale, sont autorisés à protéger ces productions spécifiques au moyen d’appellations géographiques.
Avec la loi relative à la consommation, la France a ainsi, sur le modèle de ce qui se fait en matière agroalimentaire, mis en place des indications géographiques dans les domaines industriels et artisanaux.
Le recours à de telles indications permet d’interdire l’usage de l’appellation aux entreprises qui n’en respectent pas le cahier des charges. En France, c’est l’Institut national de la propriété industrielle (Inpi) qui gère les indications géographiques et les homologations. Toutefois, une simple protection nationale présente des limites. Et c’est bien là tout l’enjeu d’une reconnaissance accrue au niveau européen.
En effet, en l’état, l’absence d’un système européen harmonisé de reconnaissance des indications géographiques revient à laisser à la seule charge des États le soin de garantir et de préserver ce qui fait la richesse, et même la raison d’être, de l’Union européenne : sa diversité. Cette absence de cadre harmonisé pénalise les métiers traditionnels et leur production, inégalement protégés d’un État à l’autre.
Or, dans le prolongement de la crise sanitaire, l’exigence de protection est forte. La libre circulation et l’accès aux marchandises ne suffisent plus : les citoyens européens attendent de l’Union qu’elle les protège. La culture et les savoir-faire qui figurent au cœur de leur identité et, a fortiori, au cœur de l’héritage européen, font partie des éléments qu’ils souhaitent voir protéger. Poteries d’Alsace, savon de Marseille, faïence de Gien, espadrille basque, tous doivent pouvoir bénéficier d’une reconnaissance et d’une protection européennes.
De ce point de vue, nous saluons la proposition de règlement présentée en avril dernier par la Commission européenne en vue de protéger les indications géographiques non agricoles. Il s’agit d’instaurer au niveau européen une indication géographique pour les produits artisanaux et industriels, dont la gestion serait centralisée et l’obtention simplifiée. Les négociations devraient se poursuivre sous la présidence tchèque du Conseil de l’Union européenne, pour une entrée en vigueur en 2024.
Nous encourageons cet effort et souhaitons le voir aboutir. Une étape décisive serait ainsi franchie pour la prise en compte des territoires, des savoir-faire et des cultures dans l’élaboration des réglementations européennes d’harmonisation.
Nous y serons attentifs, au nom de nos producteurs et de la défense de notre patrimoine français et européen, dans le souci permanent de la protection des consommateurs.