Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, mes premiers mots iront à Teva Rohfritsch, rapporteur de ce travail sur une meilleure maîtrise des fonds marins, dont l’importance n’est plus à démontrer.
Les événements récents concernant les gazoducs Nord Stream nous rappellent que les fonds marins sont le lieu du transport des hydrocarbures, mais aussi du transit de 98 % des échanges et des informations numériques, ainsi que de ressources, minerais et métaux dont notre industrie a besoin aujourd’hui.
À cet égard, notre rapport a révélé plusieurs obstacles auxquels se heurte l’appréhension de cette question particulière.
Le premier est celui de la connaissance : la biodiversité des fonds marins n’est connue qu’à hauteur de 5 %. Cela ne saurait constituer un obstacle total à leur exploitation, mais nous devons être vigilants. Nous ne pouvons pas les exploiter sans mieux connaître cette biodiversité, et ces fonds eux-mêmes.
Les connaissances bathymétriques portent sur 2 % à 5 % du plancher océanique ; à la vitesse à laquelle nous allons, il nous faudrait 3 500 ans pour le connaître entièrement… Il est donc nécessaire que nous nous dotions de moyens suffisants, dont certains ont été précisés par les précédents orateurs.
Il s’agit, bien sûr, de moyens destinés à nos organismes publics – Ifremer, CNRS, Shom, BRGM, IRD –, mais également à nos entreprises privées, lesquelles sont nombreuses et ont un rôle à jouer, mais manquent un peu de leadership et, surtout, de visibilité politique.
Je vous ai bien entendu, monsieur le secrétaire d’État, indiquer à quel point le Président de la République était impliqué. Notre rapport a révélé que pas moins de huit ministères étaient en charge de ces stratégies, dont aucun n’exerce de véritable leadership. Le secrétariat d’État chargé de la mer n’a malheureusement pas cette prérogative ; nous aurions souhaité qu’il en dispose.
S’y ajoute le SGMer. Vous nous expliquerez en quoi la nomination de Didier Lallement est un signe positif pour cette stratégie maritime – ou plutôt pour ces stratégies, tant plusieurs d’entre elles cohabitent, ainsi que l’indique le rapport. Plan d’investissement France 2030, réunions du CIMer, stratégie des fonds marins relevant du ministère des armées : nous avons rencontré quelques difficultés pour comprendre comment ces démarches s’interpénétraient, ainsi que pour déterminer si les financements se cumulaient ou non. Vous nous avez cependant livré un chiffre sur le dernier point au cours du débat.
Au-delà de cette volonté politique, il a été rappelé que 97 % de notre ZEE se situaient dans les territoires ultramarins. Les auditions des élus concernés auxquelles nous avons procédé ont établi que ceux-ci avaient le sentiment de n’avoir pas été associés à ce qui se passait sur leur territoire. Et ce n’était pas seulement un sentiment ! Pourtant, cela a été dit, la mer confine parfois au sacré dans la culture de certaines de ces zones. Il ne paraît donc pas envisageable de travailler sans ces élus ; il me semble que vous l’avez parfaitement compris, monsieur le secrétaire d’État.
Tels sont les obstacles et les enjeux. Ne nous y trompons pas : il ne s’agit pas de trouver au fond de la mer des minerais dont nous manquerions sur terre. Le rapport a ainsi démontré que plus nous avions besoin de minerais, plus nous en trouvions sur terre. L’enjeu, c’est véritablement la souveraineté sur des territoires et dans des domaines où nos compétiteurs sont nombreux et agressifs.
Il ne suffit pas de détenir une zone économique exclusive de 11 millions de kilomètres carrés ; encore faut-il avoir la volonté de refaire de la France une grande puissance maritime. Nous avons tous les atouts pour cela.