Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je me félicite de l’initiative du groupe RDPI et de l’organisation de ce débat, qui nous permet de mettre en exergue la situation de la France du point de vue maritime.
L’espace maritime français est, dans le domaine économique, mais aussi militaire, un élément constitutif fort de la capacité d’influence de notre pays et, plus largement, de sa puissance.
Cette mission d’information vient nous rappeler fort à propos que notre ZEE est source d’immenses richesses qu’il nous faut protéger, d’abord pour une raison économique : la quasi-totalité de nos échanges transite par des voies maritimes et l’intégralité ou presque de nos données internet passe dans des câbles sous-marins – notre sécurité en dépend étroitement, nous en prenons conscience depuis quelque temps. Si l’on interrompt ces flux, notre vie individuelle et collective sera complètement bouleversée et désorganisée.
Cet impératif met en exergue le rôle premier de protection et de sécurisation de notre marine nationale, que je tiens à saluer ici.
De manière plus générale, l’approche maritime de notre puissance est essentielle pour de multiples raisons. C’est pourquoi les orientations stratégiques et les capacités de les respecter sont particulièrement importantes, pour peu que nous voulions conserver une capacité de puissance à l’échelle de la planète ou, tout au moins, conforter notre position de puissance régionale de premier plan.
Ces dernières années, certains signes nous ont laissé penser que notre zone d’influence avait tendance à se réduire au regard de celle d’autres grandes puissances maritimes. C’est d’autant plus dommageable que nous disposons de ressources considérables.
J’ai particulièrement à l’esprit les grands fonds marins. Ceux-ci ont certes leur place dans le plan d’investissement France 2030, mais cette mission d’information sénatoriale nous a rappelé combien les enjeux liés à ces fonds ont été insuffisamment partagés. Pourquoi se limiter à quelques experts sous la houlette de l’État pour fixer les grandes orientations et les moyens adéquats ?
Nos rapporteurs ont souligné combien nous avions besoin d’un pilotage clair et élargi. C’est pourquoi la désignation d’un délégué interministériel aux fonds marins, chargé d’animer la politique des fonds marins et de coordonner l’action des différents ministères et des acteurs scientifiques, est nécessaire.
De même, le rapporteur appelle de ses vœux, à juste titre, la création d’un ministère de la mer de plein exercice afin de mettre en œuvre la politique maritime française relative aux grands fonds marins, mais aussi à la pêche et à l’aquaculture.
Pourquoi, en outre, ne pas impliquer le Parlement en désignant un représentant de chaque assemblée au sein du comité de pilotage de la stratégie, et y associer les délégations parlementaires aux outre-mer ainsi que les exécutifs ultramarins ?
Enfin, nous comptons sur vous pour que nous disposions de l’ensemble des connaissances préalables avant que ne soit prise toute décision de prospection et d’exploitation des ressources minières des fonds marins. Celles-ci constituent sans nul doute une option stratégique. Mais les rapporteurs ont indiqué à bon droit combien nous avions besoin de connaissances scientifiques approfondies, lesquelles font aujourd’hui parfois défaut, sur les grands fonds et leurs écosystèmes.
Monsieur le secrétaire d’État, pour éviter toute procrastination, faites en sorte d’écouter le Sénat, au moment où tant d’autres puissances maritimes convoitent de manière de moins en moins voilée ces espaces. Les échos de ce qui se passe dans le Pacifique ne manquent pas de nous inquiéter à cet égard : l’implication des États-Unis et les manœuvres de la Chine sont de moins en moins feutrées.
Il est temps de réagir. Ce travail d’approfondissement de nos connaissances et d’élargissement des partenariats avec les parties prenantes – chercheurs, élus, associations, entreprises – est une étape préalable avant de considérer l’opportunité de chercher ou non à atteindre l’objectif d’une exploration en vue d’une exploitation industrielle des fonds marins.
Telles sont, monsieur le secrétaire d’État, les conditions indispensables pour donner un nouveau départ, que nous appelons de nos vœux, à la stratégie nationale pour les grands fonds marins.