Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous examinons en urgence une proposition de loi déposée par notre collègue Nathalie Goulet, que je tiens à remercier de sa vigilance.
Il s’agit de régler diverses questions liées à l’éligibilité des juges consulaires des tribunaux de commerce, avant les élections annuelles que le Gouvernement a décalées, à dessein, à la fin du mois de novembre prochain.
C’est la deuxième fois et, je l’espère, la dernière que notre collègue est conduite à prendre une telle initiative quant à l’élection des juges consulaires des tribunaux de commerce.
À l’automne dernier, nous avions déjà adopté un texte visant à corriger les malfaçons héritées de la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi Pacte.
La loi du 11 octobre 2021 permettant la réélection des juges consulaires dans les tribunaux de commerce, texte voté conforme par les deux chambres en première lecture, a ainsi permis de faire revenir les membres en exercice et anciens membres des tribunaux de commerce dans le vivier des candidats aux élections des juges consulaires. Il s’agirait aujourd’hui de renouveler l’exercice. En effet, la conférence générale des juges consulaires de France et le ministère de la justice ont de nouveau relevé des difficultés relatives au régime d’élection des juges consulaires.
Je tiens à vous rassurer tout de suite : les travaux que j’ai menés n’ont pas mis en lumière de risque d’invalidation du mandat des juges consulaires ou de disparition des tribunaux de commerce, comme certains l’évoquent. Il n’y a eu, semble-t-il, aucun contentieux remettant en cause les élections organisées depuis 2019.
L’enjeu est de corriger certaines erreurs de plume, mais surtout d’élargir le vivier des candidats en permettant aux cadres dirigeants de se présenter aux futures élections.
Avant l’adoption de la loi Pacte, en 2019, les cadres dirigeants salariés faisaient partie du corps électoral des délégués consulaires. À ce titre, ils étaient éligibles aux fonctions de juge consulaire.
La suppression et le remplacement des délégués consulaires par les membres élus des chambres de commerce et d’industrie (CCI) et des chambres des métiers et de l’artisanat (CMA) ont mis, indirectement, un terme à leur éligibilité. Or leurs compétences spécialisées, en droit bancaire ou cambiaire par exemple, et leur disponibilité sont précieuses pour la résolution des litiges soumis aux juridictions commerciales. La conférence générale des juges consulaires de France estime ainsi que les cadres dirigeants salariés représentent actuellement plus de 40 % des juges consulaires en exercice dans les tribunaux de commerce de grande taille.
La commission a jugé opportun de rétablir l’éligibilité des cadres dirigeants salariés, étant rappelé que ceux-ci seraient soumis aux mêmes règles déontologiques et disciplinaires que l’ensemble des juges composant les tribunaux de commerce. Elle a toutefois estimé que l’article 1er apportait une modification dépassant cet objectif, car celui-ci vise à changer le corps électoral des chambres de commerce et d’industrie en permettant aux cadres dirigeants salariés de l’intégrer.
C’est la raison pour laquelle elle a supprimé cet article et modifié l’article 3, lequel porte sur l’éligibilité des juges consulaires, pour intégrer les cadres dirigeants à cette catégorie.
L’article 2 de la proposition de loi abordait un tout autre sujet : il visait à créer une cinquième cause de cessation des fonctions des juges consulaires en cas de refus de siéger sans motif légitime. La commission a estimé que ce sujet n’était pas frappé du sceau de l’urgence.
Par ailleurs, dans un précédent rapport publié l’année dernière, François Bonhomme et moi-même avions relevé qu’une réponse disciplinaire pouvait être apportée à la situation de refus de siéger et avions recommandé que les chefs de cour se saisissent de leur pouvoir disciplinaire.
Dans ces conditions, la commission a préféré limiter les débats à la problématique qui fonde l’urgence de la proposition de loi, à savoir le vivier des candidats aux élections des juges des tribunaux de commerce. L’article 2 a ainsi été supprimé dans le texte issu de ses travaux. Ce sujet aurait plutôt sa place dans le projet de loi sur la justice du quotidien, qui est envisagé en réponse au rapport du comité des États généraux de la justice.
L’article 3, qui traite des conditions d’éligibilité aux fonctions de juge consulaire, est le cœur de cette proposition de loi. Il vise à rectifier certaines malfaçons issues de la loi Pacte.
Il s’agit, en particulier, de clarifier la question de l’inscription sur les listes électorales des chambres de commerce et d’industrie (CCI) et des chambres de métiers et de l’artisanat (CMA). Le législateur de 2019 n’a pas souhaité imposer une obligation de double inscription. La commission a donc approuvé la modification de rédaction.
L’article 3 vise également à permettre aux juges en exercice et aux anciens juges présentant six ans d’ancienneté d’être réélus dans leur tribunal ou dans un tribunal limitrophe, sans condition de résidence, tout en prévoyant un régime dérogatoire spécial fixé par décret en Conseil d’État pour les tribunaux non limitrophes.
En l’état de la législation, les juges en exercice et les anciens juges doivent justifier dans tous les cas d’une domiciliation ou d’une résidence dans le ressort du tribunal où ils candidatent ou d’un tribunal limitrophe.
Je confesse une hésitation sur cette dernière question, car les conditions actuelles résultent de la loi du 11 octobre 2021 permettant la réélection des juges consulaires dans les tribunaux de commerce, et il pouvait paraître injustifié de les retoucher aussi rapidement en l’absence d’élément nouveau.
Toutefois, le ministère de la justice et la Conférence générale des juges consulaires de France ont fait valoir que 307 juges consulaires ne pourraient plus se représenter aux élections si la règle était maintenue. Il s’agit de personnes qui étaient domiciliées dans le ressort du tribunal dans lequel elles étaient élues en raison de leur activité professionnelle et qui, après la retraite, ne disposent plus de cette domiciliation. Il leur serait donc désormais difficile de se porter candidat, sauf à se faire domicilier chez un tiers.
Compte tenu de cette information, la commission a choisi une solution d’équilibre : elle a levé la condition de résidence lorsque le juge veut se représenter dans son tribunal d’origine ou dans un tribunal limitrophe. Elle a cependant maintenu cette condition pour les candidatures dans des tribunaux non limitrophes. Il lui apparaît en effet nécessaire que le candidat conserve un lien géographique minimal avec le tissu économique local du tribunal dans lequel il souhaite exercer.
Tel est, mes chers collègues, le texte modifié que la commission vous invite à adopter. Je forme le vœu qu’il permette aux juridictions commerciales de bénéficier d’un vivier élargi de candidats aux fonctions de juge consulaire.