Intervention de Jean-Baptiste Lemoyne

Réunion du 5 octobre 2022 à 21h30
Cinq plans pour reconstruire la souveraineté économique — Débat sur les conclusions d'un rapport d'information de la commission des affaires économiques

Photo de Jean-Baptiste LemoyneJean-Baptiste Lemoyne :

Notre idée est de reprendre le contrôle en tant que Français bien sûr, mais aussi en tant qu’Européens, et non pas comme on l’a tenté de l’autre côté de la Manche, c’est-à-dire de façon solitaire. Soyons non pas des objets de l’histoire qui s’écrit, mais bien des sujets qui maîtrisent leur avenir.

Rebâtir la souveraineté économique et l’indépendance industrielle de la France est au cœur des politiques conduites depuis 2017. Et les résultats sont là, tangibles et réels. Je pense notamment aux baisses de l’impôt sur les sociétés, qui seront poursuivies par la diminution de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE).

La France est dorénavant le premier État de l’Union européenne en termes d’investissements directs étrangers. Désormais, on ouvre dans notre pays plus d’usines que l’on n’en ferme, et de l’emploi industriel est recréé.

En outre, l’État s’est réarmé – je pense notamment aux plans France relance et France 2030. Exemple très concret, nous investissons massivement, face à la concurrence sino-américaine, dans la filière microélectronique. Et le site de STMicroelectronics à Crolles en Isère accueillera une nouvelle usine de semi-conducteurs, qui créera 1 000 emplois supplémentaires d’ici à quatre ans – c’est l’un des plus grands investissements industriels de ces dernières années.

Voilà qui n’est pas une « maigre annonce » ou un « affichage politique », pour reprendre les termes inutilement taquins utilisés dans le rapport d’information de la commission. Ce sont des mesures qui conduiront à une réindustrialisation massive de la France, avec pour objectif de retrouver en 2030 un niveau d’industrialisation manufacturière de 12 % – nous sommes tombés autour de 9 % –, ce qui permettra la création de 431 500 emplois.

À l’échelon européen, le réveil a sonné également. L’Europe a commencé comme une construction économique, et il serait absurde qu’elle se fasse dicter sa loi et qu’elle renonce à être une puissance économique qui s’assume comme telle.

Comment faire ? En forgeant nos propres standards et en évitant d’être les idiots utiles du village global. Il faut pour cela mener un certain nombre de révolutions coperniciennes, en conduisant par exemple des politiques industrielles au niveau européen, ce qui était inenvisageable il y a seulement quelque temps, ou en nous dotant de nouvelles règles en matière de politique commerciale, pour ne pas être ouverts aux quatre vents, sans réciprocité.

Réciprocité : voilà un terme qui était encore un gros mot il y a quelques années dans les instances européennes et qui est enfin à l’ordre du jour avec les « clauses miroirs », qui visent à garantir la réciprocité des normes environnementales et avec l’instrument de réciprocité sur les marchés publics, le fameux IPI, qui a été adopté après plus de dix ans de négociations et qui réinstaure des conditions de concurrence équitable pour les entreprises européennes vis-à-vis de leurs homologues étrangères.

Pour l’avenir, les sénateurs du groupe RDPI seront heureux d’être au rendez-vous sur bon nombre des recommandations issues du rapport d’information de la commission des affaires économiques.

En matière de souveraineté des approvisionnements, nous devons consolider l’effort public en direction de l’exploration de notre sous-sol, pour connaître précisément ses ressources.

Dans le domaine agricole, nous ne voulons pas remettre totalement en cause la stratégie dite de la ferme à la fourchette, comme le craint Joël Labbé, mais nous sommes favorables à des ajustements. Le ministre de l’agriculture a récemment rappelé que cette stratégie avait été adoptée six mois avant la guerre en Ukraine. Un débat doit être envisagé au niveau européen sur cette stratégie.

En matière d’infrastructures énergétiques, nous devons assurer et consolider notre souveraineté nucléaire.

En matière de souveraineté des métiers et des compétences, nous devons assurer un financement pérenne et ambitieux de l’apprentissage. Nous avons déjà obtenu des résultats, et l’objectif d’un million de contrats sera atteint grâce à l’enveloppe de 5 milliards d’euros qui est prévue dans le prochain budget.

En matière de souveraineté commerciale, nous sommes évidemment favorables, je l’ai dit, au déploiement de clauses miroirs dans les législations européennes.

En matière de souveraineté des entreprises, la cinquième feuille de route proposée par les rapporteurs, nous devons mettre en place une véritable démarche d’intelligence économique.

C’est un sujet qui m’est cher, et sur lequel je travaille avec Marie-Noëlle Lienemann : les Français doivent muscler leur jeu, par exemple en créant un programme national d’intelligence économique impliquant l’ensemble des acteurs, afin de mieux assurer la défense et la promotion de nos intérêts économiques, industriels et scientifiques. Les Américains agissent fermement en ce sens, et nous gagnerions à examiner cette question de plus près, de manière transpartisane.

Pour conclure, je dirais que la prise de conscience a eu lieu en matière de souveraineté et que des actions ont déjà été lancées. Il nous faut maintenir l’effort et même accélérer. Il existait les douze travaux d’Hercule ; nous avons maintenant les cinq plans de souveraineté du Sénat ! Nous serons aux côtés de la commission et du Gouvernement pour avancer.

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