Intervention de Joël Guerriau

Commission des affaires européennes — Réunion du 11 octobre 2022 à 8h35
Institutions européennes — Conseil européen des 20 et 21 octobre 2022 - Audition de Mme Laurence Boone secrétaire d'état auprès de la ministre de l'europe et des affaires étrangères chargée de l'europe

Photo de Joël GuerriauJoël Guerriau :

Alors que nous sortons d'une réunion informelle du Conseil européen vendredi dernier à Prague, les dossiers à l'ordre du jour du Conseil européen des 20 et 21 octobre restent inchangés : à la crise ukrainienne vient se greffer la crise énergétique, dont nous ne connaissons pas encore l'ampleur. Déjà, nos territoires et les citoyens font face à une première vague de conséquences. Les réponses européennes nous honorent. Deux jours après le début du conflit, la première réunion du Sénat était marquée par une belle unanimité. Tous les pays intervenaient spontanément dans la même direction, beau présage de solidarité européenne. Mais cette guerre nous plonge également face à nous-mêmes et aux lacunes de notre système énergétique. Vous avez évoqué une plateforme d'achats, mais encore faut-il que nous nous accordions sur la chaîne d'approvisionnement : cela ne sera pas facile.

La guerre en Ukraine exacerbe ce qui était latent. Le marché intérieur de l'énergie est inachevé et surtout à réorienter. Si les dispositions actuelles semblent aller dans le bon sens, une réflexion très profonde reste à mener. Les enseignements de la réunion de Prague sont intéressants : des accords restent difficiles à trouver ; ce sommet était une sorte de pré-Conseil européen. Si les points essentiels, tels que le plafonnement du prix du gaz ou les aides financières, ont été évoqués, il reste du travail afin de se mettre d'accord avant le 20 octobre.

Nous voyons l'Allemagne s'éloigner de la solidarité qui incombe à l'Europe. Lorsque la France conduit le destin européen, elle pense « Europe » ; lorsque c'est l'Allemagne qui le conduit, elle pense plutôt « Allemagne ». Qu'en est-il du moteur franco-allemand dans cette nouvelle crise ? Les deux pays avaient réussi à entraîner l'Europe et à faire voter des textes nécessaires lors de la pandémie de covid-19. Quels sont les derniers obstacles à un accord ? Nous devrons réfléchir plus profondément. La structure de notre système est à revoir. Nous devons faire de cette crise un point de départ vers les transitions que nous nous sommes nous-mêmes fixées - je pense surtout aux aides et aux prêts qui pourraient être accordés. Il faut réformer notre système tout en préservant nos acquis, malgré des volontés d'indépendance et de souveraineté face au reste du globe. Nous, Européens, sommes encore trop exposés au tumulte du monde. Nous devons renforcer nos solidarités. Concrètement, nos citoyens souffrent de la crise énergétique, de même que les collectivités. Les entreprises sont fortement exposées à un risque de perte de compétitivité. Un tel choc pourrait s'accompagner d'une désindustrialisation massive si des usines européennes fermaient à cause du prix de l'énergie, mais aussi d'une inflation galopante. Serons-nous capables de produire pour répondre à nos besoins ? Nous devrons importer. Mais si nous n'avons plus d'engrais et que nous produisons moins, notre souveraineté alimentaire sera affaiblie. Comment les collectivités s'en sortiront-elles ? Comment les peuples européens passeront-ils cet hiver et le suivant ? Avons-nous des objectifs de stockage ainsi que des exigences sur les origines de nos approvisionnements ?

Nous devons avoir une politique extérieure européenne plus ambitieuse, comme je l'ai dit à plusieurs reprises, notamment lors de la parution de la boussole stratégique européenne. Depuis presque huit mois, les lacunes de la défense européenne apparaissent au grand jour, que nos infrastructures aient été soumises à des actes de sabotage ou non. Nous devons prendre en compte nos voisins russes et la menace d'une guerre atomique. La France porte une lourde responsabilité. Nous devons renforcer la cohérence de la réponse européenne et des politiques étrangères des États membres, notamment au sein des instances internationales, avec une Europe qui parle d'une seule voix.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion