Intervention de Jérôme Durain

Réunion du 11 octobre 2022 à 14h30
Orientation et programmation du ministère de l'intérieur — Discussion générale

Photo de Jérôme DurainJérôme Durain :

Mais, monsieur le ministre, au risque d’en surprendre certains, je dirais que votre projet de loi n’est pas, à ce stade, le texte sur la sécurité le plus déséquilibré que nous ayons eu à étudier au Parlement ces dernières années. Cela tient à son architecture, qui se compose d’une partie budgétaire, d’une partie sur l’orientation, avec un rapport annexé, et d’une partie normative, avec les autres dispositions.

Dans la partie budgétaire, le groupe socialiste se félicite des moyens accordés au ministère de l’intérieur alors que nos forces de l’ordre sont soumises à une pression quotidienne, dans une société souvent décrite comme confrontée à plus de violence.

Notre groupe veut profiter du débat pour exprimer à nouveau un soutien sans réserve à nos forces de l’ordre – police, gendarmerie, police municipale –, qui ne comptent bien souvent ni leurs heures ni leurs efforts pour assurer la tranquillité de nos concitoyens, à Nantes comme au Creusot, à Saint-Denis comme à Dijon, Besançon ou ailleurs.

La plupart des candidats à l’élection présidentielle s’étaient engagés à accorder davantage de moyens à la lutte contre l’insécurité. Les 15 milliards d’euros annoncés dans ce texte constituent donc une bonne nouvelle, et nous ne ferons pas la fine bouche, même si nous serons vigilants sur l’application du texte dans les années qui viennent, dans un contexte économique toujours incertain.

La partie relative à l’orientation constitue, en quelque sorte, le mode d’emploi de ces 15 milliards d’euros. Il y a une cohérence dans le rapport annexé qui nous est fourni. On comprend la filiation avec le livre blanc de la sécurité intérieure et le Beauvau de la sécurité.

La place octroyée au numérique, même si nous comprenons les inquiétudes de certains agents échaudés par les échecs passés, nous semble légitime. Si nous ne croyons pas dans le solutionnisme technologique, nous sommes convaincus qu’il faut donner à la police les moyens d’affronter la criminalité à armes égales.

Sur les moyens plus classiques, nous attendons d’être rassurés sur la méthode, notamment en ce qui concerne les déploiements des brigades de gendarmerie. Nous avons pris bonne note des orientations annoncées s’agissant des rapports entre police et population, comme sur la formation, mais nous pensons que davantage pourrait être fait.

Nous avons en outre quelques interrogations sur le caractère exact du continuum de sécurité. Les associations d’élus aiment à rappeler que les collectivités doivent agir en complémentarité avec les forces de l’ordre et non en substitution. Mon collègue Hussein Bourgi reviendra sur ce point dans quelques instants.

Comme beaucoup de groupes, nous profiterons du rapport annexé pour proposer des amendements. Sans surprise, ce sera pour nous l’occasion d’aborder la question de la réforme de la police et de la place de la police judiciaire, qui suscite une levée de boucliers massive, n’en déplaise au directeur général de la police nationale (DGPN).

Sur la partie normative, je tiens d’abord à saluer le travail des rapporteurs. J’ai lu ici ou là que le Sénat avait durci le texte. Cela ne me semble pas correspondre à la réalité. Sur plusieurs articles, les rapporteurs ont tenté d’apporter des éléments de cadrage. Je pense par exemple au dépôt de plainte par visioconférence, à l’abandon des ordonnances pour la radio ou aux précisions apportées sur l’amende forfaitaire délictuelle.

Notre groupe comprend et partage la volonté des rapporteurs d’aligner les sanctions pour violences sur des élus sur celles qui sont encourues pour des violences commises sur d’autres dépositaires de l’autorité publique.

Pour autant, le groupe SER ne se satisfait pas du texte issu des travaux de la commission des lois. Nous défendrons dans ce débat nos exigences sur plusieurs points qui nous paraissent essentiels, comme les amendes forfaitaires délictuelles ou la réponse aux rançongiciels. Nous proposerons également de créer une juridiction spécialisée dans les violences sexuelles et sexistes infligées aux femmes et aux enfants. Nous proposerons aussi de revenir sur des articles dont la commission a effectivement durci le texte, comme ceux qui sont relatifs au refus d’obtempérer ou aux rodéos urbains. Nous ne croyons pas que, sur ces sujets difficiles, la réponse réside dans un simple durcissement de la punition.

Sur ce point, comme sur l’ensemble du projet de loi, je pense que nous aurons une discussion parlementaire sereine. Si notre chambre n’a pas été renouvelée au mois de juin, soyez assuré, monsieur le ministre, qu’elle est parfaitement consciente de l’état du pays et de la nécessité d’avoir un dialogue parlementaire constructif. Le Sénat était déjà partisan du parlementarisme de fait avant la majorité introuvable sortie des urnes en 2022 !

Nous ne doutons pas que vous saurez y contribuer avec nous. Nous observerons en tout cas cette nécessaire prise en compte du Parlement dans sa diversité au moment de décider de notre vote.

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