Intervention de Jean-Pierre Corbisez

Réunion du 12 octobre 2022 à 21h30
Politique énergétique de la france — Déclaration du gouvernement suivie d'un débat

Photo de Jean-Pierre CorbisezJean-Pierre Corbisez :

N’oublions pas que les collectivités sont des acteurs majeurs dans le dynamisme de l’économie locale, grâce notamment à leurs investissements. La crise énergétique hypothèque nombre de projets, reportés ou parfois même abandonnés, y compris ceux qui sont orientés vers le développement des énergies renouvelables.

J’en viens donc au projet de loi à venir relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, lequel, sous couvert d’« accélération », comporte des dispositions qui doivent nous interpeller. Il est difficile d’entendre qu’un retard imputable à l’État lui-même, lequel ne se donne pas les moyens humains et financiers d’instruire les dossiers, serve de caution pour remettre en cause les principes de la consultation citoyenne, ainsi que la protection de la biodiversité et des paysages !

Toutefois, Mme Agnès Pannier-Runacher, à qui je souhaite un prompt rétablissement, nous a rassurés voilà une dizaine de jours. Concédons que nos procédures administratives sont parfois inutilement lourdes et retardent les projets.

De ce point de vue, la qualification de « raisons impératives d’intérêt public majeur » prévue dans le texte constitue un véritable recul en termes de démocratie participative, ainsi qu’un danger pour la préservation de notre environnement, sauf à ne l’utiliser que pour ce qui concerne la rénovation des anciens parcs éoliens, en augmentant leur puissance.

Sur le fond, il serait illusoire, voire mensonger, de laisser penser que cette accélération des EnR serait la solution à nos difficultés. Le recours aux énergies naturelles ne pourra en aucun cas constituer une solution à la demande d’énergie, puisque celles-ci sont par nature intermittentes !

En outre, il est dommageable que le texte fasse l’impasse sur un point important, celui de la constitution de véritables filières du renouvelable. Acter le principe d’une accélération de ces énergies renouvelables est une chose, mais créer les conditions de sa réussite nécessite de sécuriser toute la chaîne afin de la pérenniser, d’autant que l’éolien est aujourd’hui recyclable à plus de 97 %.

Il nous faut garantir un soutien financier durable et prévisible de l’État, assurer une politique de formation efficiente, travailler à l’attractivité de ces filières et lutter efficacement contre les malfaçons avec une politique de labels.

Pour autant, au sein du RDSE, nous nous saisirons de ce texte, parce que nous sommes conscients de l’urgence, en tentant d’en corriger les excès, et pour y introduire des améliorations conciliant le développement des énergies renouvelables et la préservation de la nature.

Les sujets sont techniques et complexes en matière d’énergie. Je pense à l’hydroélectricité, absente du projet de loi sur l’accélération des EnR. Je pense aussi à l’agrivoltaïsme. Je pense enfin à la question du biogaz et au gaz vert, grande oubliée du projet de loi sur les EnR.

Ce matin même, madame la Première ministre, je posais à Arras la première pierre d’Eurametha, centre de méthanisation des déchets ménagers de la communauté urbaine d’Arras. Et je ne comprenais pas que les boues de la station d’épuration toute proche ne pouvaient pas être méthanisées, alors que, en Allemagne, les boues des stations d’épuration sont méthanisables depuis plus de quinze ans !

Toutes les pistes doivent être étudiées et l’ensemble des acteurs écoutés, si l’on veut atteindre les objectifs fixés dans les déclarations du Président de la République à Belfort et repris dans le plan de sobriété.

Je reste convaincu que la solution réside dans la diversité du mix énergétique. C’est l’occasion pour moi de soulever ce qui constitue à mon sens une autre incohérence : pourquoi mobiliser un projet de loi différent pour ce qui concerne le volet nucléaire de notre approvisionnement énergétique ?

Il nous faut travailler dans l’articulation des modes de production, et il aurait été plus logique de traiter la question énergétique dans un seul et même texte, après avoir discuté de la programmation pluriannuelle de l’énergie, comme l’a dit M. Bruno Retailleau tout à l’heure.

Projeter un développement du parc nucléaire est une chose, mais nous sommes ici sur du moyen terme, voire du long terme, surtout si l’on se réfère au douloureux épisode du premier EPR. Assurer le redémarrage de la moitié de notre parc, aujourd’hui en maintenance, en est une autre. Madame la Première ministre, vous nous avez donné des assurances, mais pourrons-nous réellement compter sur ce renforcement avant l’hiver ?

La renationalisation d’EDF représente également une chance pour reprendre en main notre avenir industriel et relancer le nucléaire, mais à quelle échéance et à quel prix ? S’accompagnera-t-elle d’un retour au tarif réglementé pour les collectivités ?

Si la France, ainsi que d’autres États membres, a pris position en faveur d’un découplage des prix de l’électricité et gaz, la réforme du marché européen de l’électricité pourra-t-elle être mise en place avant que les conséquences sur nos entreprises et nos concitoyens ne soient désastreuses ?

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