La France n'a pas à rougir de son savoir-faire. Je crois à l'utilité de cet avion pour la dissuasion nucléaire comme pour nos exports. De tels programmes sont toujours longs et compliqués, mais je ne partage pas l'avis de certaines formations politiques peu représentées au Sénat qui dénoncent ce programme a priori. En revanche, nous devons nous engager franchement dans une telle coopération et dire clairement ce qu'on veut. Cela vaut aussi pour le char.
Concernant les PME et la relocalisation, pour une filière de munitions de petit calibre, c'est le covid plus encore que l'Ukraine qui nous en a rappelé la nécessité pour notre souveraineté ; cela fait partie de la feuille de route du DGA. Il ne faut plus de fragilités dans les stocks, les sous-traitances, ou les outils de production. Il n'est plus aberrant d'évoquer les risques de sabotage. La galaxie de l'économie de guerre est globale et le combat ne se gagnera pas en un soir. Notre modèle industriel est imbriqué avec notre modèle d'armée ; après-guerre, communistes et gaullistes ont su coopérer pour construire cette souveraineté française.
Monsieur Vaugrenard, je vous rassure : les chiffres sortis dans la presse sont faux. On ne part pas de la courbe, mais des effets militaires réels. Jadis, on partait de la courbe parce qu'elle diminuait. Désormais, la LPM se traduit par des augmentations de crédit. Le vrai sujet, c'est quel modèle d'armée on veut avoir ; il faut en déduire la courbe. Je ne pourrais pas proposer au Sénat de coconstruire la nouvelle LPM si une cible chiffrée était déjà arrêtée ! Du moins, je peux vous dire qu'on ne va pas se mettre à diminuer des moyens qu'on vient d'augmenter. La pente de croissance actuelle, ce n'est pas déjà si mal.
Quant à Exxelia, monsieur Allizard, ils ont des activités qui nous intéressent directement du point de vue stratégique. La disposition dite « Montebourg » permet à l'État de s'immiscer dans une transaction s'il estime qu'elle peut nuire à notre souveraineté. Les équipes du DGA et mon cabinet procèdent actuellement à des tours de table pour défendre nos intérêts ; je ne peux pas vous en dire plus aujourd'hui, mais j'ai bon espoir de pouvoir être plus précis avant la fin de l'année.
Le déménagement de la DGSE n'est pas qu'un changement de bâtiment, monsieur Vaugrenard ; il s'accompagne aussi d'une réorganisation profonde de ce service, dont l'identité militaire est clé. La réforme voulue par Bernard Émié permet de s'adapter aux nouvelles menaces et à leurs géographies. Il faudra, pour la prochaine LPM, s'interroger sur les moyens nouveaux à donner à la DGSE, notamment dans le domaine cyber, pour que nos agents puissent craquer les codes quantiques de demain.
Quant aux comparaisons avec les Britanniques et les Allemands en matière de renseignement, une réponse détaillée pourrait ne pas être très diplomatique ni adaptée à une audition ouverte... Disons simplement que nous n'avons pas à rougir de ce que nous faisons !
Concernant le montant des crédits alloués au MCO, monsieur Cigolotti, il est toujours bienvenu qu'ils augmentent ; il reviendra au chef d'état-major des armées de déterminer s'ils sont suffisants. Nos armées ont mené un travail délicat, en se concentrant sur les urgences. Les crédits que nous vous demandons pour 2023 iront directement sur le terrain, qu'il s'agisse d'aéronautique ou de munitions. Cela s'accompagne aussi des renforts prévus dans la LPM pour les équipes qui suivent les munitions.
Madame Gréaume, merci pour votre fidélité au SSA. Je vous communiquerai les chiffres que vous me demandez au plus vite. À mes yeux, le SSA est crucial. On ne peut pas avoir un engagement durci et cohérent si ce service de soutien vital ne suit pas. Or ce service a été abîmé et sollicité à l'excès, y compris par moi-même en tant que ministre des outre-mer... Nos soldats prennent des risques parce qu'ils savent qu'ils recevront les meilleurs soins : dans le contrat opérationnel, le SSA n'est pas un à-côté. Dès lors, dans le cadre de la nouvelle LPM, il nous faudra une copie complètement nouvelle pour ce service, avec un bond spectaculaire sur la réserve, de manière à nous adapter au niveau d'intensité auquel nous sommes confrontés : il pourrait y avoir à la fois une pandémie, un attentat de masse et un besoin opérationnel en Opex... En 2023, le SSA se verra attribuer 289 millions d'euros, contre 282 millions cette année, augmentation déjà significative.
Monsieur Guerriau, le groupe de travail que nous allons constituer avec vous sur la nouvelle LPM s'intéressera à la réserve. On ne peut pas parler de haute intensité sans un modèle beaucoup plus cohérent pour nos réserves. Doubler la réserve, c'est aussi faire en sorte que les réservistes ne la quittent pas. Cela dépend de beaucoup de choses, d'une unité à l'autre, d'un groupement de gendarmerie à l'autre ! Il faut s'interroger sur la doctrine politique de la réserve. Y voit-on un devoir pour les signataires d'un engagement à servir dans la réserve (ESR), ou un droit pour chaque citoyen de participer à la défense du pays ? Si c'est un droit, les limites d'âge et les conditions physiques doivent être revues en profondeur. Aujourd'hui, nous refusons des personnes atteintes d'obésité qui veulent servir dans les services cyber, parce que telles sont les règles ! Les états-majors travaillent aussi à une logique territorialisée de la réserve, pour remédier aux « déserts militaires » que sont devenus certains départements.
Madame Carlotti, la NPRM repose sur une approche plus indemnitaire qu'indiciaire. Vous avez raison d'insister sur le pouvoir d'achat des militaires, mais il nous faut être très pédagogues : la NPRM procède à une rationalisation, à une simplification et à une hausse du régime indemnitaire, à hauteur de 500 millions d'euros. La question indiciaire demeure, mais je ne suis pas sûr qu'elle soit partout centrale pour l'attractivité des armées. Elle l'est sans doute davantage dans les métiers nouveaux, notamment cyber, où les enjeux de fidélisation sont très clairs.
Quant au nouveau plan Famille, j'ai déjà quelques idées, notamment sur la manière dont on peut associer les collectivités territoriales à cet enjeu. Un travail peut être mené sur les rentrées scolaires, le ministère des armées étant celui qui connaît le plus de mutations. On peut encore fluidifier les choses en la matière. Il faut aussi travailler sur l'hébergement, où des bailleurs civils peuvent être mis à contribution.