Intervention de Charles Guené

Réunion du 18 octobre 2022 à 14h30
Finances locales — Débat organisé à la demande de la commission des finances

Photo de Charles GuenéCharles Guené :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’avenir des finances des collectivités locales nous interpelle dans l’immédiat, mais également à moyen terme. Pour l’heure, j’évoquerai tout d’abord le traitement dont elles font l’objet dans le cadre du projet de loi de finances, en mettant en exergue en particulier le bloc communal.

Le Gouvernement, conforté par l’appréciation de la Cour des comptes, vient d’évoquer leur bonne situation financière et leurs excédents, qui friseraient l’insolence, au sortir de la crise financière. Je nuancerai cette assertion et en montrerai le caractère relatif.

Les collectivités locales ne sont pas régies par les mêmes règles de gestion que l’État, et c’est tant mieux. Bordées par la règle d’or, elles ne peuvent créer de la dette à des fins de fonctionnement et doivent gérer leurs finances par la pratique de mise en réserve et d’une gestion prévisionnelle pluriannuelle.

Il est donc curieux que l’État observe la situation des collectivités à l’aune de règles qui ne s’appliquent pas à elles, alors qu’il devrait plutôt songer à s’inspirer de leurs pratiques vertueuses et s’astreindre à faire ce qu’il entend imposer aux autres. Je veux parler ici du contrat dit de confiance.

Je rappelle à cet égard que notre République garantit la libre administration des collectivités locales aux termes de l’article 72 de la Constitution, comme l’a indiqué Roger Karoutchi précédemment.

Durant le quart de siècle écoulé, les collectivités ont consenti des efforts financiers sans précédent. Il m’apparaît de bonne justice de les évoquer, d’autant que les fonds qu’elles ont ainsi épargnés entrent positivement dans le solde maastrichtien, pour le plus grand bénéfice de la France.

Afin de permettre à notre pays de conserver une trajectoire acceptable, les collectivités ont ainsi renoncé progressivement à la taxe professionnelle comme à la taxe d’habitation, en contrepartie de dotations moins dynamiques. Elles ont subi durant quatre ans la contribution au redressement des finances publiques, qui a entraîné une amputation drastique de leur DGF, pour la voir ensuite figée et contributrice à la péréquation verticale. Si l’on avait paramétré pour elles une loi de programmation spécifique sur cette période, on constaterait qu’elles ont consenti une perte de l’ordre de 50 milliards d’euros au bénéfice de la Nation.

Malgré l’inflation et la crise énergétique, nous ne revendiquerons pas l’indexation d’une DGF en état de déliquescence avancée et nous admettrons le principe d’un filet de sécurité et de dotations ciblées sur les plus vulnérables, mais nous disons haut et fort que le compte n’y est toujours pas et que les collectivités n’admettent pas d’être fustigées par un État impécunieux.

Force est de constater que les collectivités n’ont aujourd’hui aucune visibilité sur leur avenir à moyen terme, dans un système financier désormais menacé d’obsolescence. Je veux m’en expliquer.

La suppression de la taxe d’habitation et la perspective de celle de la CVAE ont totalement achevé la désarticulation du cadre sous-tendu par des indices désormais privés de sens. Les collectivités ne disposent plus des perspectives nécessaires pour gérer leur dynamique et doivent s’en remettre à la diligence de la direction générale des collectivités locales pour la mise en œuvre d’une péréquation au fil de l’eau.

Ainsi que vient de le confirmer la Cour des comptes dans son rapport, réalisé à la demande de notre commission des finances, le système est aujourd’hui « complexe et à bout de souffle ».

Les collectivités locales sont désormais à la merci de la suppression ou de l’affectation nouvelle d’un impôt, décidée d’en haut. Elles n’ont plus aucune visibilité dans un monde désormais aléatoire et complexe, alors qu’elles sont aux prises avec un système financier devenu incohérent.

Nous nous sommes attelés, au Sénat, à résoudre cette équation, mais elle est devenue insoluble, faute d’une boussole, face aux scénarios aussi pluriels que ceux que la Cour a évoqués dans ses travaux. Il faudrait que l’État mette fin au démantèlement erratique des ressources des collectivités et pose les bases d’une réforme dans le cadre d’un dialogue construit avec elles et d’une nouvelle gouvernance.

Les collectivités le méritent, car elles sont des actrices majeures de notre République d’un point de vue démocratique et sociétal. Par ailleurs, elles réalisent 70 % de l’investissement public.

Madame la ministre, quand allez-vous mettre cet ouvrage sur le métier ?

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