Intervention de Éliane Assassi

Réunion du 18 octobre 2022 à 22h00
Intervention des cabinets de conseil privés dans les politiques publiques — Article 3

Photo de Éliane AssassiÉliane Assassi :

On ne saurait sous-estimer l’importance de l’amendement déposé par le Gouvernement à cet article : il acte le recul du Gouvernement quant à la transparence des prestations de conseil. Il faut d’ailleurs le replacer dans son contexte, qui a été évoqué lors de la discussion générale : nous sommes dans une situation où, par exemple, un journal, Le Monde, est obligé d’aller devant le tribunal administratif pour obtenir des informations…

En pratique, les ministères ne répondent pas aux sollicitations des journalistes : ils refusent de communiquer les documents demandés. Ils perdent devant la Commission d’accès aux documents administratifs (Cada), mais jouent la montre – ils savent que les procédures judiciaires engagées prennent des mois, voire des années, et qu’ils seront « tranquilles » dans l’intervalle… C’est ainsi que les choses se passent, notamment pour le rapport McKinsey sur l’avenir du métier d’enseignant, que le Gouvernement refuse toujours de publier.

D’une manière générale, nous assistons à un retour de l’opacité depuis que la commission d’enquête a achevé ses travaux. L’amendement présenté par le Gouvernement vise, sous des airs techniques, à supprimer au moins quatre garanties de transparence prévues par notre texte.

Première garantie : la publication des bons de commande. Ces documents sont bel et bien communicables, en vertu d’un principe rappelé par la Cada ; pour qu’ils puissent être transmis, il suffira de biffer le nom du fonctionnaire en charge, ce qui ne me semble pas insurmontable à l’heure du numérique…

Nous demandons aussi, deuxièmement, l’établissement d’une cartographie des ressources humaines (RH) des ministères, afin que l’État puisse mieux mobiliser ses compétences internes et moins recourir aux consultants extérieurs, ainsi que, troisièmement, l’inclusion des informations relatives aux prestations de conseil dans le rapport social unique des administrations concernées, document transmis aux représentants du personnel, afin que ces derniers puissent en débattre.

Nous souhaitons, quatrièmement, que les données rendues publiques fassent l’objet d’une consolidation sur cinq ans. Le Gouvernement, quant à lui, propose que cette durée soit réduite à deux ans et que l’information ainsi retracée soit décentralisée au niveau de chaque établissement public, ce qui reviendrait à la rendre éparse. Les établissements publics sont certes autonomes sur le plan administratif, mais ils sont rattachés à l’État via leur ministère de tutelle.

Le Gouvernement propose également d’ajouter des exceptions à la transparence afin d’éviter la publication de certains documents – je n’y reviens pas dans le détail, il y a déjà été fait référence. Les informations basiques – objet résumé des prestations de conseil, montant – dont nous demandons la communication ne sont pas couvertes par le secret des affaires. Au regard des règles de la commande publique, elles devraient d’ailleurs déjà faire l’objet d’une publication. Elles recoupent la liste dont la commission d’enquête a préconisé la publication sans que cela soulève de difficultés.

Le Gouvernement ne saurait donc se cacher derrière le secret des affaires pour refuser cette publication : une telle position serait à la fois juridiquement infondée et démocratiquement contestable.

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