Intervention de Gabriel Attal

Commission des affaires sociales — Réunion du 25 octobre 2022 : 1ère réunion
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 — Audition de M. Gabriel Attal ministre délégué auprès du ministre de l'économie des finances et de la souveraineté industrielle et numérique chargé des comptes publics

Gabriel Attal, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics :

ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics. - Je suis très heureux d'être parmi vous, mesdames, messieurs les sénateurs, pour cette audition sur le PLFSS pour 2023.

Je le dis d'emblée, je suis attaché au PLFSS. Certes, il y a un seul contribuable, mais il est très important, pour la clarté des débats, de consacrer un texte spécifique à l'ambition que nous avons pour notre système de santé et notre secteur médico-social, et aux moyens que nous leur accordons.

Je vous présente des excuses si l'ensemble des données, dans la forme prévue par la nouvelle loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale, ne vous sont pas parvenues dans les temps. Nous inaugurons une nouvelle façon de faire, ce qui a engendré un travail important pour les services des différents ministères.

Nous sommes réunis ce matin pour aborder des enjeux majeurs, visant à répondre à l'aspiration des Français de voir préserver leur système social. Notre défi est de rendre ce système plus accessible, plus efficace et plus juste.

En matière d'accessibilité, il faut d'abord améliorer l'accès aux soins. Depuis 2017, nous avons investi 53 milliards d'euros supplémentaires dans notre système de santé, l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) atteignant 244 milliards d'euros en 2023. Nous avons mis fin aux baisses de tarifs hospitaliers, déployé le 100 % Santé, supprimé le numerus clausus, soutenu le secteur de l'aide à domicile et des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). Cet effort sera poursuivi.

L'Ondam progressera de 3,7 % en 2023 et l'Ondam hospitalier de 4,1 %. C'est nettement plus que lors de la décennie 2010. Nous avons précisément tenu compte des besoins exprimés par les fédérations hospitalières et ouvert une enveloppe exceptionnelle de 800 millions d'euros en 2022 et 800 millions d'euros en 2023 pour couvrir les effets de l'inflation sur les achats hospitaliers.

Il faut aussi oeuvrer à une meilleure prise en charge de nos aînés en situation de dépendance. L'Ondam médico-social s'accroît de 5,1 % en 2023. Nous finançons le plein effet des augmentations de salaire, de la médicalisation des Ehpad, de l'embauche de milliers de soignants supplémentaires et de l'investissement renforcé dans les services à domicile. Il faudra poursuivre cet effort. Faut-il une loi spécifique au grand âge ? J'entends les débats autour de cette question. Je rappelle que l'ensemble des augmentations salariales décidées depuis la crise sanitaire représentent un effort de 3,2 milliards d'euros par an pour la cinquième branche, créée en 2021.

Nous agissons enfin pour faciliter l'accès aux modes de garde. Nous posons, avec ce PLFSS, la première pierre d'un véritable service de la petite enfance, conformément aux engagements du Président de la République. Cela passe, notamment, par la réduction drastique du reste à charge des familles pour le recours aux assistants maternels.

Tous ces progrès ne sont possibles que si nous continuons à donner la priorité au travail et à la production. Les cotisations, qui demeurent le socle du financement de notre sécurité sociale, vont progresser de 391 milliards d'euros en 2022 à 407 milliards d'euros en 2023. Nous le devons d'abord aux créations d'emplois : avec les 310 000 nouveaux emplois prévus pour 2022, notre pays devrait avoir créé, sur la période 2020-2023, malgré le retour de l'inflation et la crise, 1,2 million d'emplois.

En matière d'efficacité, parce que les besoins sont immenses, nous ne devons pas ménager nos efforts. Construire un budget, c'est faire des choix politiques. Nous assumons donc de demander des efforts à certains secteurs.

Nous assumons de demander des efforts aux laboratoires de biologie. Ce secteur a joué un rôle essentiel dans la lutte contre l'épidémie de covid. Mais il a aussi enregistré un chiffre d'affaires de 7,3 milliards d'euros au titre des tests en 2020 et 2021, alors même qu'il connaissait déjà une rentabilité élevée avant la crise. Le PLFSS prévoit donc, à l'article 27, que la Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam) négocie avec lui une baisse de prix pour, au moins, 250 millions d'euros dès 2023. En 2013, un rapport d'information du Sénat soulignait déjà que les efforts d'efficience du secteur et de régulation de la dépense étaient insuffisants.

Nous assumons de demander des efforts au secteur de l'imagerie médicale, en visant une limitation des examens redondants, inappropriés ou inutiles. Là aussi, le Sénat avait souligné, dans un rapport de 2016, la nécessité de travailler avec la Haute Autorité de santé sur la pertinence des actes à conduire. Nous demandons à ce secteur de négocier un nouveau protocole avec la Cnam pour juguler la dépense de 150 millions d'euros en 2023.

Nous assumons de demander des efforts à l'industrie du médicament, à travers la pertinence des prescriptions et la baisse des prix sur les médicaments les plus anciens pour, dans le même temps, mieux récompenser l'innovation. Cette baisse des prix représentera 800 millions d'euros en 2023. Des amendements adoptés à l'Assemblée nationale sont, je crois, de nature à rassurer sur ce sujet.

Nous assumons de demander des efforts aux organismes complémentaires, dont la part dans le financement des dépenses de santé baisse tendanciellement - il est passé de 15,5 % voilà dix ans à 12,9 % en 2021. Des concertations ont été ouvertes sur cette question.

Ces efforts sont indispensables pour dégager des marges de manoeuvre budgétaires et investir prioritairement dans l'hôpital et le secteur médico-social, mais aussi pour garantir la soutenabilité et la résilience de nos comptes sociaux alors que s'ouvre une période de remontée des taux d'intérêt.

En matière de justice, nous présentons des mesures pour les familles monoparentales, plus souvent frappées par la pauvreté.

Mais la recherche d'un système plus juste passe aussi par le fait d'adresser un message de fermeté à tous les fraudeurs aux cotisations ou aux prestations. Ainsi, l'article 41 du PLFSS porte sur des pouvoirs de cyberenquête confiés à plus de 400 contrôleurs des caisses de sécurité sociale et l'article 42 sur l'extension des facultés de déconventionnement à tous les professionnels de santé en cas de fraude majeure. Par ailleurs, les échanges d'informations seront renforcés, en particulier entre les greffiers des tribunaux de commerce et les caisses de sécurité sociale. Les fraudeurs paieront désormais des frais de gestion. Nous interdirons, pour les prestations sociales soumises à condition de résidence sur le territoire, hors pensions, le versement sur des comptes bancaires situés hors de France ou de la zone Sepa (espace unique de paiement en euros) - une proposition portée, notamment, par la sénatrice Nathalie Goulet. Enfin, nous ferons reculer les abus liés aux arrêts maladie prescrits en téléconsultation, en ne prenant en charge que ceux qui auront été prescrits par le médecin traitant ou un médecin déjà consulté au cours des douze derniers mois.

J'en viens à un sujet sur lequel le Sénat a également produit un rapport - voyez comme nous sommes attentifs aux propositions que vous portez ! La troisième partie du PLFSS, sur laquelle le Gouvernement a engagé sa responsabilité à l'Assemblée nationale, retient un amendement relatif au transfert du recouvrement des cotisations de retraite complémentaire. Cette proposition répond précisément à la recommandation du rapport rédigé par M. René-Paul Savary et Mme Cathy Apourceau-Poly au nom de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss) et de votre commission : nous reportons le transfert à 2024 et clarifions les responsabilités entre l'Agirc-Arrco et les Urssaf.

Dans le cadre de cet amendement, nous demandons également à l'Agirc-Arrco et aux Urssaf de conclure rapidement une convention inscrivant noir sur blanc le partage de responsabilités. Les Urssaf, soyons clairs, ont vocation à assurer le recouvrement, pas à verser les retraites ; l'Agirc-Arrco conservera un rôle primordial en termes de fiabilisation des données individuelles des salariés.

Je rappelle que ce transfert s'inscrit dans un projet plus large du Gouvernement visant, dans un but de simplification, à confier le recouvrement social, de manière unifiée, aux Urssaf et le recouvrement fiscal à la direction générale des finances publiques (DGFiP). Si nous parvenons à améliorer ne serait-ce que d'un demi-point le taux de recouvrement, ce seront des centaines de millions d'euros supplémentaires qui seront collectés !

Nous allons dans les jours à venir débattre de ce PLFSS et l'enrichir. Indépendamment de vos opinions, couleurs politiques, territoires d'origine, vous avez un rôle à jouer dans la refondation de notre système social, que nous voulons tous plus simple, plus efficace et plus juste. Ensemble, faisons de ce PLFSS un texte utile aux Français dans une période de grande bascule, une « brique » dans la construction d'un pays plus uni et plus solidaire.

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