Commission des affaires sociales

Réunion du 25 octobre 2022 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

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La réunion

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La réunion est ouverte à 8h30

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Nous entendons ce matin M. Gabriel Attal, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics, sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2023.

Cette audition fait l'objet d'une captation vidéo, qui sera retransmise en direct sur le site du Sénat et disponible en vidéo à la demande.

Elle sera aussi l'occasion d'évoquer le projet de loi de programmation des finances publiques que nous examinerons pour avis demain matin en commission, même si nous peinons quelque peu, pour le moment, à percevoir la cohérence des deux textes dans le grand dessein du Gouvernement pour les finances publiques.

Monsieur le ministre, l'un de vos prédécesseurs récents ne faisait pas mystère de son souhait de voir disparaître le PLFSS, au profit d'un seul et même texte budgétaire, arguant qu'il s'agissait, je cite, de la « même poche ». C'est bien sûr une position que nous ne pouvons pas partager, mais, s'il est un point sur lequel nous souhaitons ardemment un alignement, c'est celui de la qualité et du format des informations transmises.

Cette année encore, vos services ont consacré beaucoup d'énergie à la préparation du rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale, dont la réunion s'est tenue après la présentation du PLFSS sans pour autant en intégrer les données. Dans le même temps, alors que nous examinerons le PLFSS en commission la semaine prochaine, votre ministère n'a pu tirer les conséquences de l'article L.O. 111-4-5 du code de la sécurité sociale, issu de la loi organique du 14 mars dernier, selon lequel « les données chiffrées utilisées pour les tableaux et graphiques contenus [...] sont publiées sous forme électronique, dans un standard ouvert aisément réutilisable et exploitable par un système de traitement automatisé. » Ces données sont pourtant présentes dans le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances. Avant que les deux textes soient unifiés, nous appelons, vous l'aurez compris, au rapprochement des méthodes, le PLFSS ne pouvant rester plus longtemps le lieu de l'approximation et de la convention.

Après ces quelques propos liminaires, je vous laisse la parole, monsieur le ministre.

Debut de section - Permalien
Gabriel Attal, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics

ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics. - Je suis très heureux d'être parmi vous, mesdames, messieurs les sénateurs, pour cette audition sur le PLFSS pour 2023.

Je le dis d'emblée, je suis attaché au PLFSS. Certes, il y a un seul contribuable, mais il est très important, pour la clarté des débats, de consacrer un texte spécifique à l'ambition que nous avons pour notre système de santé et notre secteur médico-social, et aux moyens que nous leur accordons.

Je vous présente des excuses si l'ensemble des données, dans la forme prévue par la nouvelle loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale, ne vous sont pas parvenues dans les temps. Nous inaugurons une nouvelle façon de faire, ce qui a engendré un travail important pour les services des différents ministères.

Nous sommes réunis ce matin pour aborder des enjeux majeurs, visant à répondre à l'aspiration des Français de voir préserver leur système social. Notre défi est de rendre ce système plus accessible, plus efficace et plus juste.

En matière d'accessibilité, il faut d'abord améliorer l'accès aux soins. Depuis 2017, nous avons investi 53 milliards d'euros supplémentaires dans notre système de santé, l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) atteignant 244 milliards d'euros en 2023. Nous avons mis fin aux baisses de tarifs hospitaliers, déployé le 100 % Santé, supprimé le numerus clausus, soutenu le secteur de l'aide à domicile et des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). Cet effort sera poursuivi.

L'Ondam progressera de 3,7 % en 2023 et l'Ondam hospitalier de 4,1 %. C'est nettement plus que lors de la décennie 2010. Nous avons précisément tenu compte des besoins exprimés par les fédérations hospitalières et ouvert une enveloppe exceptionnelle de 800 millions d'euros en 2022 et 800 millions d'euros en 2023 pour couvrir les effets de l'inflation sur les achats hospitaliers.

Il faut aussi oeuvrer à une meilleure prise en charge de nos aînés en situation de dépendance. L'Ondam médico-social s'accroît de 5,1 % en 2023. Nous finançons le plein effet des augmentations de salaire, de la médicalisation des Ehpad, de l'embauche de milliers de soignants supplémentaires et de l'investissement renforcé dans les services à domicile. Il faudra poursuivre cet effort. Faut-il une loi spécifique au grand âge ? J'entends les débats autour de cette question. Je rappelle que l'ensemble des augmentations salariales décidées depuis la crise sanitaire représentent un effort de 3,2 milliards d'euros par an pour la cinquième branche, créée en 2021.

Nous agissons enfin pour faciliter l'accès aux modes de garde. Nous posons, avec ce PLFSS, la première pierre d'un véritable service de la petite enfance, conformément aux engagements du Président de la République. Cela passe, notamment, par la réduction drastique du reste à charge des familles pour le recours aux assistants maternels.

Tous ces progrès ne sont possibles que si nous continuons à donner la priorité au travail et à la production. Les cotisations, qui demeurent le socle du financement de notre sécurité sociale, vont progresser de 391 milliards d'euros en 2022 à 407 milliards d'euros en 2023. Nous le devons d'abord aux créations d'emplois : avec les 310 000 nouveaux emplois prévus pour 2022, notre pays devrait avoir créé, sur la période 2020-2023, malgré le retour de l'inflation et la crise, 1,2 million d'emplois.

En matière d'efficacité, parce que les besoins sont immenses, nous ne devons pas ménager nos efforts. Construire un budget, c'est faire des choix politiques. Nous assumons donc de demander des efforts à certains secteurs.

Nous assumons de demander des efforts aux laboratoires de biologie. Ce secteur a joué un rôle essentiel dans la lutte contre l'épidémie de covid. Mais il a aussi enregistré un chiffre d'affaires de 7,3 milliards d'euros au titre des tests en 2020 et 2021, alors même qu'il connaissait déjà une rentabilité élevée avant la crise. Le PLFSS prévoit donc, à l'article 27, que la Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam) négocie avec lui une baisse de prix pour, au moins, 250 millions d'euros dès 2023. En 2013, un rapport d'information du Sénat soulignait déjà que les efforts d'efficience du secteur et de régulation de la dépense étaient insuffisants.

Nous assumons de demander des efforts au secteur de l'imagerie médicale, en visant une limitation des examens redondants, inappropriés ou inutiles. Là aussi, le Sénat avait souligné, dans un rapport de 2016, la nécessité de travailler avec la Haute Autorité de santé sur la pertinence des actes à conduire. Nous demandons à ce secteur de négocier un nouveau protocole avec la Cnam pour juguler la dépense de 150 millions d'euros en 2023.

Nous assumons de demander des efforts à l'industrie du médicament, à travers la pertinence des prescriptions et la baisse des prix sur les médicaments les plus anciens pour, dans le même temps, mieux récompenser l'innovation. Cette baisse des prix représentera 800 millions d'euros en 2023. Des amendements adoptés à l'Assemblée nationale sont, je crois, de nature à rassurer sur ce sujet.

Nous assumons de demander des efforts aux organismes complémentaires, dont la part dans le financement des dépenses de santé baisse tendanciellement - il est passé de 15,5 % voilà dix ans à 12,9 % en 2021. Des concertations ont été ouvertes sur cette question.

Ces efforts sont indispensables pour dégager des marges de manoeuvre budgétaires et investir prioritairement dans l'hôpital et le secteur médico-social, mais aussi pour garantir la soutenabilité et la résilience de nos comptes sociaux alors que s'ouvre une période de remontée des taux d'intérêt.

En matière de justice, nous présentons des mesures pour les familles monoparentales, plus souvent frappées par la pauvreté.

Mais la recherche d'un système plus juste passe aussi par le fait d'adresser un message de fermeté à tous les fraudeurs aux cotisations ou aux prestations. Ainsi, l'article 41 du PLFSS porte sur des pouvoirs de cyberenquête confiés à plus de 400 contrôleurs des caisses de sécurité sociale et l'article 42 sur l'extension des facultés de déconventionnement à tous les professionnels de santé en cas de fraude majeure. Par ailleurs, les échanges d'informations seront renforcés, en particulier entre les greffiers des tribunaux de commerce et les caisses de sécurité sociale. Les fraudeurs paieront désormais des frais de gestion. Nous interdirons, pour les prestations sociales soumises à condition de résidence sur le territoire, hors pensions, le versement sur des comptes bancaires situés hors de France ou de la zone Sepa (espace unique de paiement en euros) - une proposition portée, notamment, par la sénatrice Nathalie Goulet. Enfin, nous ferons reculer les abus liés aux arrêts maladie prescrits en téléconsultation, en ne prenant en charge que ceux qui auront été prescrits par le médecin traitant ou un médecin déjà consulté au cours des douze derniers mois.

J'en viens à un sujet sur lequel le Sénat a également produit un rapport - voyez comme nous sommes attentifs aux propositions que vous portez ! La troisième partie du PLFSS, sur laquelle le Gouvernement a engagé sa responsabilité à l'Assemblée nationale, retient un amendement relatif au transfert du recouvrement des cotisations de retraite complémentaire. Cette proposition répond précisément à la recommandation du rapport rédigé par M. René-Paul Savary et Mme Cathy Apourceau-Poly au nom de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss) et de votre commission : nous reportons le transfert à 2024 et clarifions les responsabilités entre l'Agirc-Arrco et les Urssaf.

Dans le cadre de cet amendement, nous demandons également à l'Agirc-Arrco et aux Urssaf de conclure rapidement une convention inscrivant noir sur blanc le partage de responsabilités. Les Urssaf, soyons clairs, ont vocation à assurer le recouvrement, pas à verser les retraites ; l'Agirc-Arrco conservera un rôle primordial en termes de fiabilisation des données individuelles des salariés.

Je rappelle que ce transfert s'inscrit dans un projet plus large du Gouvernement visant, dans un but de simplification, à confier le recouvrement social, de manière unifiée, aux Urssaf et le recouvrement fiscal à la direction générale des finances publiques (DGFiP). Si nous parvenons à améliorer ne serait-ce que d'un demi-point le taux de recouvrement, ce seront des centaines de millions d'euros supplémentaires qui seront collectés !

Nous allons dans les jours à venir débattre de ce PLFSS et l'enrichir. Indépendamment de vos opinions, couleurs politiques, territoires d'origine, vous avez un rôle à jouer dans la refondation de notre système social, que nous voulons tous plus simple, plus efficace et plus juste. Ensemble, faisons de ce PLFSS un texte utile aux Français dans une période de grande bascule, une « brique » dans la construction d'un pays plus uni et plus solidaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Elisabeth Doineau

Nous sommes heureux de constater à quel point vous vous êtes inspiré des travaux du Sénat, monsieur le ministre... Je débuterai néanmoins mon propos par quelques reproches, dans la même veine que ceux de Mme la présidente : les réponses aux questions que j'avais posées m'ont été communiquées seulement hier et elles sont souvent partielles, voire elliptiques. C'est gênant !

Il en va de même pour la mise à disposition, prévue par la loi organique, du format exploitable des données chiffrées ayant servi à l'élaboration des annexes du PLFSS. J'espère que, dès l'année prochaine, on répondra plus rapidement à nos besoins utiles. Il nous faut des données fiables pour pouvoir examiner les comptes !

Première observation, le PLFSS pour 2023 est tout à fait séduisant, mais assez paradoxal. Ainsi, la très nette amélioration du déficit pour 2023 - il est estimé à 6,8 milliards d'euros - est suivie d'une dégradation, puis d'un plateau autour de 12 milliards d'euros au cours des années suivantes.

Deuxième observation, comme le Haut Conseil des finances publiques, je juge les prévisions optimistes, à commencer par le budget consacré à l'épidémie de covid-19 : 1 milliard d'euros, c'est peu par rapport aux années précédentes ! Ce constat vaut pour l'évolution des recettes comme pour celle des dépenses, à l'image de la courbe pluriannuelle fixée pour l'Ondam dans un contexte inflationniste. Je suis de nature optimiste, mais il me semble, là, que l'on manque d'une certaine prudence.

Le Sénat et sa commission des affaires sociales souhaiteront se donner les moyens de tenir les objectifs financiers affichés et de contrôler qu'il n'y ait pas de dérive des comptes sans retour devant le Parlement.

Pour l'heure, je vous soumets quelques questions simples.

Premièrement, pouvez-vous préciser l'impact financier, en recettes et en dépenses, d'une éventuelle réforme des retraites pour la période couverte par le projet de loi de programmation ?

Deuxièmement, pouvez-vous faire un point sur les transferts à la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) qui doivent encore être effectués au titre de la loi de 2020 ? Le montant de 92 milliards d'euros devrait effectivement être atteint au vu des déficits attendus.

Troisièmement, pouvez-vous nous indiquer si un rejet du projet de loi de programmation des finances publiques serait susceptible de remettre en cause le financement par l'Union européenne de 6 milliards d'euros pour les investissements du quotidien ?

Quatrièmement - c'est une question récurrente au Sénat, car nous ne trouvons pas ce transfert judicieux -, comment justifiez-vous le transfert pérenne d'une partie des indemnités journalières du congé de maternité de la branche maladie à la branche famille ?

Cinquièmement, quel objectif visez-vous avec la réforme de la fiscalité du tabac ? Est-ce uniquement un objectif de rendement ? On voit très bien, dans d'autres pays, qu'un accroissement en proportion suffisante de cette fiscalité entraîne une réduction de la consommation. À cet égard, permettez-moi une observation personnelle : même si ce n'est pas politiquement correct au sein de notre assemblée, je suis gênée que l'on prenne des dispositions sur le tabac, et pas sur l'alcool.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Mouiller

rapporteur pour la branche autonomie et en remplacement de Mme Corinne Imbert, rapporteure pour la branche assurance maladie. - Je vous soumets tout d'abord trois questions au nom de ma collègue Corinne Imbert, rapporteure pour la branche assurance maladie.

Le PLFSS présente une trajectoire de redressement rapide des comptes, alors que, voilà un an à peine, le directeur de la Cnam estimait que dix ans de déficits importants s'annonçaient pour la branche. Faut-il voir dans ce solde amélioré des recettes cachées ou des efforts en dépenses dissimulés ?

Le taux d'évolution de l'Ondam à l'horizon de 2025 et 2027 peut paraître favorable : il est respectivement de 2,7 % et 2,6 %, alors que la cible avant la crise s'établissait à 2,3 %. Cette tendance, qui représente une augmentation des dépenses de 5 milliards d'euros par an, ne paraît pas tenable, au regard des incertitudes liées à la crise du covid-19 ou à l'inflation, des besoins de santé du pays et de la nécessaire rénovation d'un système de soins au bord de la rupture. Quelles économies sous-tendent cette trajectoire très ambitieuse ?

Le projet de loi de programmation des finances publiques prévoit une mise en réserve d'au moins 0,3 % des crédits de l'Ondam. Or l'Ondam de ville n'est jamais régulé ; c'est systématiquement l'Ondam hospitalier qui est sollicité. Cette mise en réserve a-t-elle un sens dans le contexte actuel ? Si oui, comment faire en sorte que l'hôpital ne supporte pas seul cet effort en termes de maîtrise de la dépense ?

J'ajoute deux questions concernant la branche autonomie, dont je suis le rapporteur.

Selon l'annexe B du PLFSS, cette branche devrait retrouver une situation excédentaire en 2024. En parallèle, des objectifs ambitieux sont fixés, tels que la création de 50 000 postes et le financement du temps dédié au lien social. Dans un tel contexte, que reste-t-il pour faire évoluer la prise en charge des personnes âgées ? Quid des personnes handicapées, parents pauvres de ce PLFSS ?

Enfin, la question du grand âge ne peut être présentée uniquement sous l'angle du financement. S'il doit y avoir une loi sur le grand âge, il faut aussi l'envisager sous l'angle de l'organisation. Je peux même donner une piste au ministre que vous êtes : l'efficience des moyens publics engagés dans le domaine médico-social impose de se pencher sur ces questions d'organisation !

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Henno

On trouverait presque le PLFSS plus cohérent en vous écoutant, monsieur le ministre, qu'en le lisant. Mais notre rôle de parlementaire veut que nous posions les questions et conservions notre esprit critique.

Je salue les avancées réalisées au bénéfice des familles monoparentales : extension du complément de libre choix du mode de garde aux enfants de 6 à 12 ans et revalorisation de 50 % de la pension alimentaire minimale.

Je partage également avec vous l'ambition affichée sur le service public de la petite enfance. Mais la réalité nous rattrape ! On dénombre déjà 10 000 emplois non pourvus dans le secteur de la garde d'enfants, 20 000 salariés doivent prochainement partir à la retraite et, si l'on veut ouvrir 200 000 places de garde supplémentaires, il faut créer 70 000 emplois. Voyez l'enjeu !

Parallèlement, alors que la branche famille est en bonne santé, d'importantes ponctions devraient venir réduire son excédent de 2,5 milliards d'euros à 0,5 milliard d'euros. Il y a de toute évidence contradiction entre les ambitions affichées et ces ponctions répétées sur la branche. Qu'en est-il précisément ?

Debut de section - Permalien
Gabriel Attal, ministre délégué

Avant de répondre aux questions, une réaction à l'observation de Mme la rapporteure générale concernant les déficits. Il y a une forme d'« effet ciseau » dans nos prévisions : un point d'inflation supplémentaire représente 3 milliards d'euros de dépenses en plus dans notre système social, quand un point de masse salariale supplémentaire représente 2 milliards d'euros de recettes en plus. Cela explique la dégradation du solde sur plusieurs années. Cette dégradation est par ailleurs largement tirée par le déficit du régime de retraite, lié à un nombre important de départs à la retraite dans les prochaines années.

Mme la rapporteure générale estime que le montant de 1 milliard d'euros consacré à l'épidémie de covid-19 est insuffisant. Nous avons accumulé des stocks, notamment de vaccins, au cours des derniers mois et un travail très important a été réalisé pour avoir une prévision la plus réaliste possible. Néanmoins, s'il faut réajuster à la hausse, nous le ferons.

S'agissant des retraites, le Président de la République s'est engagé sur un report progressif de l'âge légal de départ à la retraite à raison de quatre mois par an à partir de l'été 2023, pour atteindre une limite de 65 ans au bout de dix ans. Cette mesure a été chiffrée au moment de la campagne présidentielle : nous en attendons un gain « brut » - c'est-à-dire sans le financement de certains engagements concernant les carrières complètes ou pénibles - de plus de 8 milliards d'euros à l'horizon de 2027.

J'insiste aussi sur le gain indirect d'une telle réforme. Celle-ci vise évidemment à améliorer l'équilibre de notre régime de retraite, mais aussi à améliorer le taux d'emploi dans notre pays, ce qui engendrera cotisations sociales et recettes fiscales supplémentaires. Ainsi, la direction générale du Trésor nous a récemment remis une étude dans laquelle elle estime les recettes sociales et fiscales attendues d'ici à 2027, en lien avec ce report d'âge, à un niveau compris entre 15 et 20 milliards d'euros. Contrairement à ce que l'on peut lire ou entendre, le recul de l'âge légal de départ à la retraite ne se traduit pas par une diminution du taux d'emploi des seniors. Au contraire ! Toutes les études réalisées sur la réforme de 2010 ont montré qu'elle avait été suivie d'une amélioration de ce taux de plus de 10 points en dix ans.

Sur les transferts à la Cades, le PLFSS fixe à 17,7 milliards d'euros l'objectif d'amortissement de la dette sociale en 2023. La dette restant à amortir devrait s'élever à 154,9 milliards d'euros au début de l'année. Au total, 241,6 milliards d'euros ont déjà été amortis depuis la création de la Cades. Nous ne prévoyons pas de nouvelle loi sur le sujet.

Par ailleurs, ne pas adopter le projet de loi de programmation des finances publiques serait envoyer un mauvais signal. Tous les pays européens se dotent d'une telle loi et il est important d'avoir de la visibilité sur l'évolution de nos dépenses. Nous pouvons avoir des désaccords sur les politiques menées, mais ne pas établir de programmation des finances publiques serait problématique. Certains de nos financements européens sont conditionnés, par exemple, à l'établissement d'un dispositif d'évaluation pérenne de la qualité de la dépense publique, dispositif prévu dans le projet de loi précité. Mon souhait est donc que nous puissions l'adopter, sachant que le vote solennel a lieu cet après-midi à l'Assemblée nationale et que les oppositions ont choisi de voter contre. Nous comptons beaucoup sur la responsabilité des sénatrices et des sénateurs !

Le transfert des indemnités journalières postnatales de la branche maladie à la branche famille ne constitue pas une ponction. Il est cohérent avec des dépenses déjà incluses dans la branche famille, comme les indemnités journalières versées pendant le congé de paternité. Il me semble d'ailleurs que, par amendement, la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale a adopté un amendement visant le transfert des indemnités journalières pour congé d'adoption. Aucune autre mesure de ce type n'est prévue dans les années à venir.

S'agissant de la fiscalité du tabac, nous partageons tous l'objectif de réduire la prévalence du tabagisme dans notre pays. Le signal-prix est effectivement un bon levier, même si la prévention est aussi très importante. La mesure prévue dans le PLFSS n'est pas une mesure de rendement ; il s'agit de faire en sorte que les efforts réalisés au cours des dernières années ne soient pas annihilés par l'inflation. Aucune nouvelle trajectoire fiscale n'est envisagée, mais je suis très attentif à faire reculer la contrebande et les trafics dans le pays. Je travaille sur un nouveau plan dans ce domaine.

J'en viens aux questions exposées par M. Mouiller pour le compte de Mme Imbert. En 2025 et 2026, l'Ondam progressera plus rapidement que l'inflation et, pour avoir participé au quinquennat de François Hollande au sein du ministère de la santé, je vois mal comment on peut qualifier d'austère notre politique de santé : on en aurait rêvé à l'époque où les socialistes étaient au pouvoir ! J'entends qu'il faut faire plus, mais nous investissons massivement, tout en continuant à rechercher des leviers d'économies.

Des moyens importants ont été alloués aux Ehpad au cours des dernières années, comme les 500 millions d'euros attribués, entre 2017 et 2021, au renforcement de leur médicalisation. Dans le cadre de la campagne présidentielle, nous nous sommes engagés sur la création de 50 000 postes supplémentaires. Nous franchissons une première marche cette année, avec 170 millions d'euros visant à financer 3 000 équivalents temps plein (ETP), 50 millions d'euros pour faire basculer 200 Ehpad au tarif global et près de 60 millions d'euros destinés à la création de nouvelles places en Ehpad. Je suis néanmoins conscient de la nécessité de renforcer l'attractivité des métiers, d'où les 3,2 milliards d'euros alloués au secteur depuis 2020.

Enfin, je vous confirme que nous allons continuer à investir dans la politique familiale de notre pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Deseyne

en remplacement de M. René-Paul Savary, rapporteur pour la branche vieillesse. - Finalement, le Gouvernement a rejoint les positions de la Mecss quant au transfert aux Urssaf de l'activité de recouvrement de l'Agirc-Arrco, repoussé en 2024. C'est très bien ! Pouvez-vous vous engager sur le fait que l'Agirc-Arrco conservera la responsabilité de la fiabilisation des déclarations sociales nominatives (DSN) ? Dans un tel cas, pourquoi le PLFSS prévoit-il de réserver aux seuls organismes de sécurité sociale, à l'exclusion, notamment, de l'Agirc-Arrco, la possibilité d'émettre une DSN de substitution dans le cas où l'employeur ne procéderait pas aux corrections des anomalies détectées ? Comment justifiez-vous le transfert aux Urssaf, par amendement et sans étude d'impact ni examen préalable, du recouvrement des cotisations à l'association pour l'emploi des cadres (Apec) et des cotisations des expatriés ?

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Chasseing

Augmenter l'Ondam de 4,1 %, c'est effectivement beaucoup mieux que de le faire de 2 %, comme ce fut le cas entre 2012 et 2017... Mais il faut tempérer ce constat car l'inflation, même si elle n'a pas d'effet partout, n'est pas non plus sans impact.

Bien sûr, il faut des cotisations pour que la sécurité sociale dispose de recettes. Mais, ayant beaucoup moins de moyens que notre voisin allemand n'en a pour soutenir ses entreprises, nous risquons de perdre en compétitivité et de connaître quelques difficultés sur le marché de l'emploi.

Le ministre François Braun estime qu'il faut mobiliser les médecins et favoriser le cumul entre emploi et retraite. Les médecins préférant bénéficier d'une offre de services des Urssaf sont soumis à une limite de chiffre d'affaires de 19 000 euros. Ce plafond ne pourrait-il pas être augmenté ? Les autres cotisent à fonds perdus. Est-ce possible de faire un effort sur ce point ?

S'agissant de l'emploi dans les Ehpad, allez-vous mettre en place un plan pluriannuel pour accélérer la création des 50 000 emplois prévus ? Je signale aussi qu'il reste des oubliés du Ségur de la santé à prendre en compte...

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Jomier

Les hypothèses macroéconomiques défendues par le Gouvernement sont optimistes - il a une longue pratique en la matière. Quand vous nous expliquez qu'en 2025 et 2026 nous serons au-dessus de l'inflation, nous savons que ce genre d'hypothèses sont faites pour être démenties. Mais, y compris sur l'exercice 2023, vos hypothèses sont optimistes. Tous les chiffres que vous affichez sont inférieurs aux projections d'inflation et personne parmi les acteurs que j'ai interrogés n'indique être sous-exposé à l'inflation. Je veux bien que l'on présente les choses de la manière la plus séduisante possible, mais, en réalité, nous sommes devant un budget très contraint et nous voyons mal comment celui-ci pourra être mis en oeuvre.

S'agissant des recettes, les exonérations de cotisations étaient légèrement inférieures à 40 milliards d'euros en 2018 ; elles atteignent 71 milliards d'euros en 2023. Ne faut-il pas discuter de cette question ?

Vous affichez pour le budget hospitalier une progression de 4,1 %, taux inférieur à celui de l'inflation en 2023. Nous connaissons tous la situation de l'hôpital - depuis quelques jours, c'est la pédiatrie qui fait l'actualité, avec des alertes très inquiétantes... Ce budget n'a même pas commencé à être appliqué que l'on peut déjà voir qu'il sera insuffisant ! Dans le rapport de la commission d'enquête sénatoriale sur l'hôpital public, une mesure essentielle avait été proposée : la revalorisation du travail de nuit et de week-end. Aucune disposition n'a été prise sur ce sujet. Au-delà de l'application des mesures issues du Ségur de la santé, rien n'apparaît dans ce PLFSS en faveur de l'hôpital public. Est-ce tenable ?

Enfin, quelles dispositions seront prises sur la question de l'énergie ? Le Gouvernement a fait des annonces pour les PME. Qu'en est-il des établissements hospitaliers ?

Debut de section - PermalienPhoto de Nadia Sollogoub

Vous annoncez un PLFSS plus juste, tout en prévoyant que certains arrêts maladie prescrits en téléconsultation ne soient plus remboursés. Je suis élue d'un territoire dans lequel de nombreux patients ne trouvent pas de médecin traitant. Cette mesure pourrait y être accueillie comme une très grande injustice. D'après le ministre François Braun, peu de patients sont concernés. Si tel est le cas, pourquoi ne pas lâcher sur ce déremboursement ?

Il y a par ailleurs un enjeu très fort autour de la formation des médecins. Certes, le numerus clausus a été supprimé, mais, pour former des médecins, il faut des professeurs de médecine. Or, actuellement, un nombre très important d'enseignants-chercheurs démissionnent de leur chaire, au motif qu'ils manquent de moyens pour mener leurs travaux. Je vous demande d'être attentif à ce sujet.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Lubin

Je n'avais pas prévu d'intervenir, mais votre rhétorique extraordinaire en matière de retraite me pousse à le faire. Vous nous dites qu'il est prouvé que le report de l'âge de la retraite fait progresser les statistiques de l'emploi des seniors : c'est une lapalissade ! Vous nous dites que cet emploi des seniors s'est considérablement amélioré : je ne vois pas bien ce qui s'est passé depuis le rapport que j'ai établi avec René-Paul Savary en 2019 ! Vous nous dites que, plus les gens travaillent, mieux c'est pour les comptes sociaux, ce qui justifie à nouveau le report de l'âge légal de départ à la retraite. C'est aussi évident ! Mais, dans ce cas, pourquoi continuez-vous de désocialiser tout ce qui peut l'être ? En contrepartie, on va expliquer à des personnes travaillant depuis plus de quarante ans qu'elles vont devoir continuer à le faire... Bravo pour la rhétorique !

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Imbert

Veuillez tout d'abord excuser mon retard. Dans la continuité des propos de notre collègue Bernard Jomier, je rappelle que nous avons déjà été échaudés, voilà quelques années, par une annonce de déblocage de crédits tombée la veille ou pendant l'examen du PLFSS. Personne ne conteste les besoins de la pédiatrie en France, mais pouvez-vous nous indiquer d'où viennent les 150 millions d'euros annoncés pour cette discipline le week-end dernier, soit quinze jours avant l'ouverture du débat sur le PLFSS au Sénat ?

Debut de section - Permalien
Gabriel Attal, ministre délégué

Je commence par la question de la mise en réserve de l'Ondam, à laquelle je n'ai pas répondu. Effectivement, la médecine de ville est aujourd'hui exonérée de cette mise en réserve et nous devons trouver une meilleure répartition de l'effort. Nous y travaillons avec François Braun et Jean-Christophe Combe.

Par ailleurs, je réaffirme que la fiabilisation des données individuelles des salariés restera la prérogative de l'Agirc-Arrco, une convention devant être établie sur ce point. Le transfert des cotisations Apec et des cotisations des expatriés, corrélé à celui des retraites complémentaires, est lui aussi décalé à 2024. J'insiste sur le fait que, avec les évolutions envisagées, nous répondons tant aux revendications des partenaires sociaux qu'aux préconisations établies dans le rapport sénatorial précédemment cité. J'attends désormais une coopération loyale entre l'Agirc-Arrco et Urssaf Caisse nationale (ex-Acoss).

J'en viens au cumul entre emploi et retraite de certains médecins. Compte tenu de l'âge actuel des médecins, nous devons rapidement dégager du temps médical supplémentaire. Nous avons pris des mesures importantes en termes de formation, mais il faut « faire le pont », d'où la nécessité d'encourager les médecins libéraux à rester en activité. Par amendement, il a donc été proposé d'exonérer pendant un an les médecins de cotisations vieillesse.

S'agissant des oubliés du Ségur de la santé, nous avons choisi de réserver l'extension des accords aux soignants et professionnels exerçant à titre principal des fonctions d'accompagnement socio-éducatif. Les personnels administratifs et techniques ne sont pas prioritairement concernés.

Par ailleurs, pour prévoir la prise en charge de l'inflation dans les budgets des établissements de santé, nous avons travaillé avec les fédérations, notamment hospitalières. Celles-ci ont évalué les besoins pour 2022 et 2023 dans une fourchette comprise entre 700 millions d'euros et 1,1 milliard d'euros. La loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2022 prévoyait déjà une enveloppe de 100 à 200 millions d'euros au titre de l'inflation, complétée dans le projet de budget rectificatif par 800 millions d'euros supplémentaires, soit environ 1 milliard d'euros pour 2022. Nous y ajoutons 800 millions d'euros en 2023. J'entends les comparaisons entre l'Ondam et l'inflation, mais, j'y insiste, celle-ci n'a pas un impact uniforme sur l'ensemble des dépenses de santé. Elle affecte principalement les achats hospitaliers et les coûts de l'énergie.

Les exonérations et baisses de cotisations favorisent l'emploi et la compétitivité de notre pays. J'entendrais les critiques sur nos choix en la matière si nous avions une explosion du chômage, mais ce n'est pas le cas. Notre taux de chômage est le plus bas depuis quinze ans ! Cela étant, il est tout à fait sain de s'interroger sur les exonérations sociales ou fiscales. D'ailleurs, il est prévu, dans le cadre de la programmation des finances publiques, un renforcement de l'encadrement de ces dispositifs, avec une obligation d'évaluation au bout de trois ans. Nous sommes donc tout à fait ouverts sur la question.

Nous sommes préoccupés par la crise de la pédiatrie. Une enveloppe de 150 millions d'euros a été annoncée et nous menons actuellement un travail interministériel avec les services de Matignon pour pouvoir vous éclairer sur ses sources. Nous aurons des informations d'ici au début de l'examen au Sénat.

Je ne dirais pas que ce PLFSS ne contient aucune mesure en faveur de l'hôpital public, ne serait-ce que parce que nous y assurons le financement des mesures massives arrêtées dans le cadre du Ségur de la santé.

Les charges supplémentaires qui pourraient affecter les établissements de santé en termes d'énergie sont intégrées dans les enveloppes consacrées à l'inflation.

S'agissant des arrêts maladie prescrits via les téléconsultations, que nous entendons réguler, ils représentent 1 % des arrêts maladie, mais leur part double chaque année. Cette croissance très forte est due, non pas aux habitants de territoires ruraux privés d'accès à un médecin traitant, mais à des habitants de zone urbaine. Disons-le, il s'agit d'un nomadisme numérique par lequel des personnes cherchent à trouver un professionnel de santé acceptant de leur délivrer un arrêt maladie. Je préfère que nous traquions certaines dérives tant qu'elles sont marginales !

Pour répondre à la question concernant les professeurs de médecine, il faut se pencher sur le budget des universités et des organismes de recherche. Celui-ci est en augmentation et nous disposons d'une loi de programmation de la recherche extrêmement ambitieuse. Il faut aller plus loin ; j'y travaille avec ma collègue Sylvie Retailleau.

Enfin, madame Lubin, je ne pense pas que mon constat selon lequel le report de l'âge légal de départ à la retraite a un impact positif sur le taux d'emploi des seniors soit une lapalissade. On entend beaucoup dans le débat public que ce report tendrait à créer plus de chômeurs. Or c'est bien une amélioration du taux d'emploi qui a été constatée par le passé. Cependant, il faut continuer à agir pour favoriser cet emploi des seniors. Vous estimez que rien n'a été fait depuis 2018. Je mentionnerai, pour ma part, un effort massif en termes de formation, avec le plan d'investissement dans les compétences, qui s'accompagne d'un changement culturel au sein des entreprises.