Intervention de Renaud Villard

Commission des affaires sociales — Réunion du 26 octobre 2022 à 9h00
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 — Audition de Mm. éric Blachon président et renaud villard directeur général de la caisse nationale d'assurance vieillesse cnav

Renaud Villard, directeur général de la Caisse nationale d'assurance vieillesse :

Monsieur le rapporteur, je vous rejoins sur la lenteur de montée en charge des réformes : la réforme Touraine l'achèvera en 2035, tandis que la réforme Woerth l'a achevée en 2017. Pour éviter tout effet « Big Bang », nous sommes sur des rythmes très lents. Cette forte inertie dans la montée en charge des réformes paramétriques impose de les anticiper suffisamment en amont.

Le nombre de départs anticipés pour carrière longue présente une évolution en dents de scie. Au lancement du dispositif, en 2003, nous avons connu un démarrage extrêmement rapide, suivi par un ralentissement en 2009, lié au durcissement des conditions d'accès, puis par un redémarrage en 2012 sous l'effet de leur assouplissement par le président Hollande. Mais, en réalité, l'érosion du dispositif est désormais forte. Elle résulte notamment de la loi Touraine, puisque celle-ci prévoit une augmentation de la durée d'assurance, ce qui permet à de moins en moins d'assurés d'être éligibles à la retraite anticipée pour carrière longue, à moins d'avoir commencé à travailler avant 17 ans. Par ailleurs, les nouvelles générations, nées après la crise pétrolière, ont connu des conditions de scolarité et de carrière bien différentes des générations précédentes, avec des entrées plus tardives dans la vie active et des carrières plus « hachées ».

On estime que les retraités partant avec une décote représentent entre 8 et 10 % du flux. Il y a un attachement culturel très fort au taux plein, conjugué à l'impact financier lourd du départ avec décote. C'est pourquoi, d'ailleurs, nous vérifions toujours avec l'assuré qu'il est bien certain de vouloir partir de manière définitive avec une décote. Cette précaution allonge la démarche, mais nous semble de droit, au regard de l'impact de cette décision sur le montant de la pension.

Nous vous devons effectivement, monsieur le rapporteur, le chiffrage d'une combinaison entre allongement de la durée d'assurance et report de l'âge de départ à la retraite. Nous réparerons cet oubli le plus rapidement possible.

S'agissant de la fraude, trois leviers ont été employés pour améliorer nos performances. Premièrement, les effectifs de contrôleurs assermentés, ayant des prérogatives proches de celles des officiers de police judiciaire, sont passés d'une cinquantaine à près d'une centaine de personnes. Deuxièmement, des contrôleurs assermentés ont été recrutés. Troisièmement, nous avons accru la performance de nos outils de repérage des risques de fraude.

J'en viens aux difficultés dans les démarches administratives. Malheureusement, entre 5 % et 10 % des dossiers que nous traitons sont un peu kafkaïens. Ils ne doivent toutefois pas faire oublier les 90 % à 95 % d'autres !

Deux évolutions majeures sont à noter à ce propos. D'une part, nous avons considérablement réduit les délais : alors que, voilà cinq ans, un départ en retraite au 1er avril devait être mis en paiement avant le 30 mai, cette échéance a été ramenée au 31 mars. D'autre part, nous avons mis en place un service de réclamation, pour lequel nous avons des délais opposables. Nous devons encore nous améliorer sur la détection, le plus en amont possible, des dossiers qui n'entreront pas dans les bonnes cases et demanderont des délais de traitement longs.

En revanche, je m'inscris en faux sur l'absence d'interlocuteurs : nous répondons à plus de 85 % des appels qui nous sont adressés, avec un délai moyen de 5 minutes d'attente. Nous pouvons toujours nous améliorer, mais nous répondons !

Les maisons France Services ont toutes noué un partenariat avec nous, qui leur garantit un contact privilégié. Autrement dit, madame Gruny, la théorie vous contredit... La pratique, elle, vous donne raison ! Afin d'améliorer la situation, les ministres Stanislas Guerini et Caroline Cayeux nous ont récemment annoncé le déploiement - de mémoire - d'un demi-effectif par département pour animer, resserrer ce partenariat et éviter qu'il ne soit désincarné.

La loi sur les contrats de retraite supplémentaire en déshérence est bel et bien mise en oeuvre. Le droit à l'information inclut donc désormais ces contrats. Je n'ai pas d'éléments sur l'impact en termes de non-recours, mais plus de 80 % des contrats sont remontés à la date de juillet dernier, ce qui devrait nous offrir un levier très puissant sur la question des droits en déshérence.

Enfin, j'ai regardé trop rapidement l'étude de l'Institut Montaigne. Leur proposition me semble assez proche de la dynamique envisagée en 2018 et 2019, c'est-à-dire une articulation entre durée d'assurance et âge de départ à la retraite. Cela donne un modèle très pur en termes mathématiques, mais difficilement compréhensible pour les assurés.

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