Les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » continuent de diminuer : ils sont en baisse de 161 millions d'euros en 2023, tombant ainsi à 1,9 milliard d'euros.
Deux caps symboliques sont franchis cette année : les crédits de la mission sont désormais inférieurs à 2 milliards d'euros et, pour la première fois, le montant consacré par l'État à la retraite du combattant est inférieur à celui qui est consacré à la demi-part fiscale des anciens combattants et de leurs veuves, principal crédit d'impôt en faveur des anciens combattants.
Les crédits affectés aux pensions viagères - la retraite du combattant et les pensions militaires d'invalidité - poursuivent leur inexorable baisse, tant en valeur absolue que rapportée à l'inflation. La revalorisation exceptionnelle, au 1er janvier 2022, du point d'indice des pensions militaires d'invalidité, dit « point PMI », n'a pas atteint son objectif de rattraper l'effet de l'inflation entre 2018 et 2021, à cause d'une hypothèse d'inflation trop faible pour 2021 - d'autant moins que le point d'indice, indexé sur les rémunérations publiques, décroche face à l'inflation depuis 2012. De la même manière, la revalorisation de droit commun de 4 % devant avoir lieu au 1er janvier 2023 est inférieure à l'inflation de l'année 2022.
Les baisses de crédits liées à ces deux pensions expliquent celle des crédits de la mission - de même, bien sûr, que la baisse démographique.
Les crédits du programme 158, qui recouvrent les indemnisations liées aux violences et spoliations antisémites et aux actes de barbarie commis durant la Seconde Guerre mondiale, suivent une trajectoire similaire : de moins en moins de dossiers sont déposés à la Commission pour l'indemnisation des victimes de spoliations intervenues du fait des législations antisémites en vigueur pendant l'Occupation (CIVS) et des crédit-rentiers dont le nombre s'effrite de plus en plus pour les rentes viagères. Les conséquences budgétaires sont cependant moindres, car ce programme est plus modeste : il est doté de 91,5 millions d'euros de crédits en 2023.
Je proposerai un amendement en première partie du projet de loi de finances visant à consolider la base juridique qui fonde l'exonération d'impôt dont profitent déjà les allocations versées au titre du programme 158.
Les économies constatées sur la mission pourraient cependant réapparaître sous la forme de dépenses fiscales. L'Assemblée nationale a ainsi adopté un article additionnel 3 quinquies, conservé par le Gouvernement après l'application de l'article 49-3 de la Constitution, visant à ouvrir le bénéfice de la demi-part fiscale aux veuves dont l'époux ancien combattant est décédé entre 60 et 65 ans. Cette mesure, dont le coût est estimé à 133 millions d'euros, contrebalance presque entièrement les baisses de crédits de la mission.
Les autres pans de la mission sont généralement en hausse, sous l'effet de l'inflation, en particulier les crédits liés à la politique de mémoire, qui augmentent de 17 % à cause de la forte dimension immobilière de cette mission - celle-ci comporte l'entretien et la valorisation des carrés militaires, des nécropoles nationales et des hauts lieux de la mémoire nationale.
L'Institution nationale des Invalides (INI) est également très exposée au renchérissement des coûts immobiliers, car elle s'est engagée dans une rénovation quasi intégrale de ses locaux. Le coût total de ces travaux s'élève aujourd'hui à 73 millions d'euros.
Ayant réalisé un contrôle budgétaire sur l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG), j'aborderai cet opérateur tout à l'heure, après l'examen des crédits de la mission « Anciens combattants ».
Enfin, la politique de reconnaissance et de réparation envers les rapatriés a été renforcée de manière exceptionnelle au travers de deux mesures. Tout d'abord, le montant des allocations de reconnaissance et des allocations viagères dont bénéficient les harkis, les autres rapatriés et leurs veuves a été doublé par voie réglementaire. Ensuite, la loi n° 2022-229 du 23 février 2022 portant reconnaissance de la Nation envers les harkis et les autres personnes rapatriées d'Algérie a créé une réparation au titre du préjudice subi du fait des conditions indignes d'accueil sur le territoire national dans des camps ou des hameaux de forestage.
En conséquence, les crédits en faveur des rapatriés ont presque quadruplé entre la prévision initiale du projet de loi de finances pour 2022 et celle pour 2023. La majeure partie de cette hausse est toutefois liée à la nouvelle indemnité de réparation, qui représente 60 % des crédits de la programmation 2023 et qui a vocation à disparaître une fois les demandes traitées.
Dans cette même logique de reconnaissance et de réparation en faveur des rapatriés, je présente un amendement de crédits, très modeste, visant à indemniser 22 rapatriés qui se sont vu refuser une allocation de reconnaissance sur le fondement d'une loi depuis déclarée inconstitutionnelle. Le dispositif est désormais forclos et, mal conseillés, ces rapatriés n'avaient pas contesté la décision de refus dans les temps. Ils ne souhaitent pas se lancer dans une procédure contentieuse. Ainsi, je propose une indemnité de 4 195 euros pour ces personnes.
Je vous invite, mes chers collègues, à adopter les crédits de la mission modifiés par l'amendement de crédits.
Enfin, un article additionnel est rattaché à la mission : l'article 41, qui tend à étendre les droits reconnus aux victimes d'un acte terroriste commis après le 1er janvier 1982 aux victimes d'actes de terrorisme commis avant cette date, dont le statut est pour l'heure moins favorable. Cette mesure d'équité est modeste sur le plan budgétaire : elle coûte 1 million d'euros.
Je vous propose d'adopter cet article sans modification.