Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation

Réunion du 27 octobre 2022 à 10h30

Résumé de la réunion

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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

Nous examinons aujourd'hui le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027. Je salue Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales et rapporteure pour avis sur ce texte, qui présentera les articles dont sa commission s'est saisie.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Nous avons aujourd'hui à examiner le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, qui, comme vous le savez, a été rejeté mardi par l'Assemblée nationale.

De mon côté, tout en émettant certaines critiques, je ne proposerai pas le rejet du texte. Au contraire, je vais vous soumettre des amendements reflétant ce que je crois être la trajectoire corrigée et la bonne programmation de nos finances publiques pour les années à venir.

Commençons par le scénario macroéconomique retenu par le Gouvernement, détaillé au rapport annexé au projet de loi, à commencer par le taux de croissance retenu et l'objectif de plein emploi.

À court terme, le Gouvernement retient une hypothèse de croissance de 2,7 % en 2022 et de 1 % en 2023. Sur cette base, il estime que la croissance du PIB entre 2021 et 2023 aura principalement été portée par la consommation des ménages et, dans une ampleur moindre mais tout de même remarquable, par la consommation des administrations publiques.

À moyen terme, c'est-à-dire entre 2023 et 2027, le scénario gouvernemental s'appuie sur l'hypothèse d'une croissance de 1,7 % par an en volume et en moyenne, ce qui est au-dessus de sa prévision de croissance potentielle de 1,35 % et permettrait de refermer l'écart de production à la fin de la période de programmation.

Comme nos auditions l'ont montré, la prévision de croissance du Gouvernement à l'horizon 2027 s'appuie sur les effets attendus d'un certain nombre de réformes structurelles, notamment sur l'emploi. Sont principalement citées les réformes de l'assurance-chômage et des retraites.

À cet égard, d'après les données transmises au Conseil d'orientation des retraites, le Gouvernement considère que le taux de chômage refluera au niveau de 5 % de la population active en 2027, ce qui serait une première depuis 1978.

En parallèle, le rapport annexé indique que la population active pourrait augmenter à la faveur d'une réforme des retraites. Ainsi, d'après nos calculs fondés sur les travaux réalisés par l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) et la direction générale du Trésor, une réforme visant à reculer de deux ans l'âge d'ouverture des droits à raison d'un trimestre par génération pourrait faire augmenter la population active d'environ 0,6 % en 2027 par rapport aux projections de l'Insee.

Enfin, le Gouvernement estime que l'inflation devrait se normaliser progressivement à compter de 2025, c'est-à-dire revenir à des niveaux proches de 2 % ou inférieurs. Les taux souverains se stabiliseraient en conséquence, mais demeureraient à des niveaux très importants. Ainsi, en comparaison de la situation à la fin de l'année 2021, le taux de l'obligation assimilable du Trésor (OAT) à dix ans serait supérieur, en 2027, d'après le Gouvernement, de plus de 255 points de base.

À l'exception des prévisions en matière d'inflation, et si l'on écarte à ce stade la question des taux d'intérêts, le scénario macroéconomique du Gouvernement repose sur des hypothèses très - pour ne pas dire « trop » - favorables.

Pour commencer, la prévision de croissance de 1 % en 2023 semble en réel décalage avec le consensus des économistes. Ainsi, au mois d'octobre 2022 le Consensus Forecasts estimait la croissance du PIB à 0,3 % pour l'année 2023. Certes, l'intervalle des prévisions est large, mais celle du Gouvernement se situe dans la limite très haute, ce qui n'en renforce pas la crédibilité.

Concernant la croissance potentielle, le président Raynal et moi-même avons sollicité les estimations de plusieurs instituts de conjoncture afin de les comparer à celle du Gouvernement, qui est, je le rappelle, de +1,35 % par an. En l'occurrence, les réponses des conjoncturistes, que nous avons complétées des évaluations du Fonds monétaire international (FMI) et de la Commission européenne, convergent vers une croissance potentielle moyenne de 1,05 % par an, ce qui est très en dessous de l'estimation du Gouvernement.

On peut l'expliquer, entre autres, par le fait que le Gouvernement surestime, dans son projet de loi de programmation, les effets à court terme des réformes structurelles qu'il souhaite engager.

Que l'on me comprenne bien : l'ensemble des réformes structurelles évoquées par le Gouvernement sont absolument nécessaires. Nous avons besoin d'une réforme des retraites qui permette d'en assurer l'équilibre à long terme. Nous avons besoin de renforcer le taux d'activité des seniors. Nous avons besoin de réformer le fonctionnement de l'assurance chômage et du service public de l'emploi pour réduire le taux de chômage.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

À chaque fois que ces réformes seront proposées et que leur contenu répondra vraiment aux enjeux économiques, nous répondrons présents.

Mais il faut également garder en tête un élément de lucidité et de responsabilité : les effets positifs de ces réformes de long terme ne se feront ressentir qu'après quelques années.

Aussi, lorsque le Gouvernement indique que l'activité augmentera grâce à une réforme des retraites qu'il ne fait pour l'instant qu'annoncer, il convient de lui rappeler que, selon les modèles macroéconomiques mobilisés par la direction du Trésor, une telle réforme ne fait augmenter le PIB qu'au bout de dix ans.

Enfin, s'agissant de l'hypothèse d'une réduction du taux de chômage à 5 % en 2027, attention à ne pas confondre slogan de campagne et scénario macroéconomique rigoureux. Je souhaite à notre pays d'atteindre ce résultat, mais, à ce stade, le Gouvernement est bien seul à faire cette prévision : tant le FMI que l'OFCE considèrent que le chômage devrait se maintenir aux environ de 7,5 % d'ici à 2027. J'estime donc que le scénario macroéconomique retenu repose sur des hypothèses si favorables qu'il en devient fragile.

J'ai envisagé de réviser l'ensemble de ce scénario afin de lui préférer des hypothèses plus crédibles et proches du consensus des économistes, avant d'écarter cette option : il est primordial que le débat sur la trajectoire des finances publiques ait lieu. Or modifier le scénario macroéconomique du Gouvernement impliquerait, une fois décidées les options retenues, de réviser l'ensemble des agrégats de finances publiques : part des dépenses et des recettes dans le PIB, solde public, solde structurel, etc. En aussi peu de temps et avec les moyens dont nous disposons, cela me semble difficile. De plus, cela introduirait une véritable confusion dans nos débats, alors que je souhaite proposer une trajectoire de finances publiques alternative à celle du Gouvernement, plus rigoureuse et sérieuse, y compris à l'égard de nos partenaires européens. Je partirai donc de ce scénario macroéconomique pour pouvoir comparer notre proposition et trancher sur le véritable point essentiel : l'ampleur des efforts à réaliser pour redresser nos finances publiques.

Sous ces réserves, la trajectoire de finances publiques proposée par le Gouvernement apparaît peu ambitieuse.

Ainsi, le déficit public resterait supérieur à 3 % du déficit jusqu'en 2027. Pour rappel, nos partenaires européens repasseraient sous la barre des 3 % de déficit avant 2025.

Notre endettement public ne refluerait pas avant 2026 et resterait à des niveaux encore très importants : près de 111 % du PIB en 2027.

Je dirai quelques mots sur chacun des secteurs d'administration publique.

Le projet de loi programme une augmentation de crédits pour la plupart des missions du budget général, la seule baisse notable concernant la mission « Plan de relance », qui est, par nature, en extinction progressive. La charge de la dette aura un impact majeur dans cette trajectoire, également marquée par les principales priorités affichées, telles que la défense, l'éducation nationale et l'écologie. Le Gouvernement a choisi les politiques sur lesquelles il convient de rajouter des crédits, pas celles sur lesquelles des économies seraient possibles.

La programmation prévoit aussi une stabilité de l'emploi entre 2023 et 2027, en partant de l'année 2023, marquée par une hausse d'environ 10 000 emplois. En conséquence, aucun effort particulier n'est engagé. Quant à la masse salariale, le projet de loi de programmation ne comporte aucune mesure ni engagement. Elle connaît pourtant, en 2023, une forte progression de 4,3 %, après 4,6 % entre 2021 et 2022. La prévision de stabilité, voire de légère progression, de l'emploi de l'État au cours de la période permet d'anticiper une augmentation continue de la masse salariale durant cette même période.

Les administrations locales contribueront fortement à l'amélioration du solde public. En effet, le Gouvernement prévoit une diminution de leurs dépenses de 0,5 % par an en volume. En 2027, les administrations dégageront un excédent d'environ 0,5 point de PIB. Cet effort est particulièrement important en comparaison de la contribution que les administrations centrales seront amenées à fournir à la maîtrise des dépenses. En passant, je considère que les instruments proposés par le Gouvernement pour parvenir à ce résultat, en l'occurrence la contractualisation prévue à l'article 23, n'est pas respectueuse des collectivités locales. Nous y reviendrons.

Les administrations sociales, elles, présenteraient un excédent de l'ordre d'un point de PIB en 2027. Pour l'essentiel, ce résultat s'explique par la contribution de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades), mais aussi par une prévision d'amélioration du solde de l'Unédic qui me paraît très optimiste. En effet, comme je l'ai dit, le Gouvernement fait l'hypothèse d'atteindre le plein-emploi en 2027, ce qui est loin de faire consensus.

En parallèle, j'observe que les régimes de base de sécurité sociale continueront de présenter un déficit persistant. Je ne doute pas que notre collègue Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales et rapporteure pour avis sur ce texte, en dira un mot.

Sur l'ensemble des administrations publiques, je considère que la trajectoire de dépenses publiques présentée par le Gouvernement n'est pas assez ambitieuse et, surtout, présente un effort en trompe-l'oeil.

Un volume important de dépenses a été engagé depuis 2020 pour faire face aux différentes crises que nous avons traversées - sanitaire, économique et, aujourd'hui, énergétique. Or ces dépenses ne sont pas retraitées ni même au moins indiquées dans la présentation de la trajectoire de dépenses du Gouvernement. Il en va de même des dépenses de charge de la dette, alors que la bonne mesure d'un effort en dépense reste la dépense primaire, c'est-à-dire hors charge des intérêts de la dette.

Au final, l'ensemble de ces dépenses que je qualifierais de « non ordinaires », c'est-à-dire incluant les dépenses de crise et d'intérêts de la dette, représente près de 116 milliards d'euros en 2022. En ne retraitant pas ces dépenses, le Gouvernement s'assure de présenter une trajectoire d'évolution des dépenses publiques qui témoigne d'un effort artificiellement surestimé. Ainsi, selon le scénario présenté par le Gouvernement, les dépenses publiques diminueraient d'environ 0,2 % par an en moyenne en volume entre 2022 et 2027. Toutefois, une fois retraitées les dépenses non ordinaires, les dépenses publiques progresseront en réalité de 0,6 % par an en volume. On constate également une inversion assez spectaculaire de la dynamique des dépenses des administrations centrales, qui, plutôt que de se réduire, augmenteront de près de 0,9 % par an.

En outre, la répartition de l'effort à fournir par chacune des catégories d'administration publique pour réaliser cette trajectoire est loin d'être équitable.

Pour apprécier l'effort à réaliser, j'ai estimé un tendanciel de croissance des dépenses par catégorie d'administration publique. En effet, si la dépense d'une administration augmente tendanciellement de 1 % chaque année, lui demander de ne laisser croître que de 0,5 % cette dépense revient à lui demander de réaliser une économie équivalant à 0,5 point. À l'inverse, si la dépense d'une administration augmente tendanciellement de 1 % et qu'on lui demande d'en limiter la croissance à 2 %, alors on l'autorise, en réalité, à augmenter ses dépenses.

En l'espèce, nous aboutissons à un tendanciel pour l'ensemble des administrations publiques équivalant à 1,2 %, soit le même niveau que celui qu'a retenu le Gouvernement dans le rapport annexé. Sur cette base, la trajectoire du Gouvernement implique 25 à 27 milliards d'euros d'économies à réaliser pour les administrations locales et sociales. Les administrations centrales, elles, n'en réaliseraient pas. C'est une situation tout à fait inéquitable.

Je pars donc de ces deux constats : d'abord, la proposition du Gouvernement manque d'ambition en termes de redressement des comptes publics et de baisse de la dépense ; ensuite, il n'est pas acceptable que l'on demande moins d'effort à l'État qu'aux autres administrations publiques.

Je propose, par conséquent, une révision de la trajectoire de dépenses des administrations publiques qui vise à soumettre les dépenses de l'État, hors charge de la dette et hors coût des mesures de crise - c'est-à-dire le périmètre des dépenses ordinaires -, à une norme d'évolution en volume de - 0,5 %, comme cela est demandé aux administrations locales.

Cette proposition répond à quatre objectifs : faire refluer le déficit et l'endettement public plus rapidement que ne le prévoit le Gouvernement ; assurer la pleine contribution des administrations centrales ; préserver les dépenses sociales et régaliennes ; conserver des marges d'intervention face à la crise.

Au final, cette trajectoire conduirait les dépenses publiques ordinaires à n'évoluer que de 0,1 % par an, contre 0,6 %, comme le propose le Gouvernement. Cette trajectoire impliquerait de réaliser des efforts dès 2023, à hauteur de 3,8 milliards d'euros en l'état actuel du projet de loi de finances.

Au cours des années 2023 à 2027, nous devrons trouver de nouvelles sources d'économies en mettant en oeuvre des réformes structurelles : baisse à long terme des effectifs ; engagement d'une réforme des retraites plus ambitieuse que celle annoncée hier par le Président de la République ; réorganisation de certains services publics, comme celui de l'audiovisuel ; décalage dans le temps des trajectoires programmatiques d'évolution des crédits de certaines politiques publiques non régaliennes ; réformes des prestations sociales ; maîtrise des dépenses de l'assurance maladie.

Pour mémoire, notre commission des finances a rendu, depuis 2015, 109 rapports riches de mesures, qui viendront nourrir nos réflexions.

Quoi qu'il en soit, les efforts que je propose d'engager au travers de cette trajectoire parfaitement crédible nous permettraient de réduire significativement notre déficit et notre endettement dès 2023. Ainsi, à recettes constantes, notre déficit reviendrait sous la barre des 3 % de PIB dès 2025, comme la plupart de nos partenaires européens, et nous atteindrions 1,7 % en 2027. Quant à l'endettement, il se situerait 3,1 points en dessous de ce que prévoit le Gouvernement.

Cette modification de la trajectoire constitue l'évolution majeure que je propose dans ce projet de loi de programmation. Elle se traduit dans plusieurs des amendements que je vous propose, puisque cela modifie à la fois l'évolution du solde structurel, l'effort structurel et différents objectifs fixés aux administrations publiques, comme l'évolution de leur solde par sous-secteur, le niveau de dépenses ou d'endettement.

Vous l'aurez compris, cet effort de redressement des comptes publics concerne uniquement l'État et les autres administrations centrales. Les administrations sociales ne sont pas touchées ; au demeurant, la trajectoire proposée par le projet de loi repose déjà sur un scénario optimiste, en particulier pour l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam). Mme Doineau, rapporteure au nom de la commission des affaires sociales et, surtout, rapporteure générale de cette même commission, pourra nous en dire quelques mots. Nous proposons un amendement identique afin d'étendre jusqu'à 2026 - faute de connaître le montant pour l'année 2027 -, la trajectoire de l'objectif de dépenses des régimes obligatoires de base de sécurité sociale (Robss) telle que présentée par le Gouvernement. Il s'agit là de faire respecter la toute récente disposition introduite à l'occasion de la révision de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale (LOLFSS), que le Gouvernement ne respecte déjà pas. Les autres mesures proposées par la commission des affaires sociales au travers de ses amendements recueillent mon accord.

S'agissant des administrations locales, je ne prévois pas de modifications sur la trajectoire des concours financiers, même si - ne soyons pas dupes - leur évolution en valeur cache, en réalité, une contraction en volume. Je vous propose, en revanche, un amendement pour faire sortir la TVA affectée aux régions de l'enveloppe normée des concours financiers. En effet, il convient d'éviter que, en cas d'évolution supérieure aux prévisions du produit de TVA affectée, la différence ne soit retranchée des autres concours financiers.

À cela s'associe un objectif d'évolution de la dépense locale (Odedel) intégrant l'effort de baisse de 0,5 % en volume des dépenses de fonctionnement auquel j'ai fait référence. Depuis des années, les collectivités territoriales ont pris leur part dans le redressement des comptes publics ; elles gèrent efficacement leurs budgets. Elles ont réalisé 11 milliards d'euros d'économies sur leurs dépenses de fonctionnement sur la période 2019-2021, alors même que les contrats de Cahors n'ont pas été appliqués en 2020 et 2021. Dans le projet de loi, le Gouvernement propose une contrainte à la fois sur l'évolution de leurs dépenses et sur la progression de leurs ressources, avec une trajectoire de diminution des concours financiers de l'État. Nous ne pouvons accepter ces termes que si l'État fait de même. Ce sera l'objet de mes amendements.

Par ailleurs, je considère le mécanisme de l'article 23 comme inacceptable. Il vise à garantir le respect de l'Odedel par ce qui a été présenté par le Gouvernement comme un « pacte de confiance » dans l'association des collectivités territoriales au redressement des comptes publics, mais s'avère finalement très comparable aux anciens contrats de Cahors - ce que j'appelle le « Cahors 2 ». Certes, le dispositif se donne l'apparence de la différence en prévoyant une année d'observation de l'évolution des dépenses et en distinguant les catégories de collectivités à l'échelle nationale, avant d'envisager l'application de mécanismes de correction individuels pour les collectivités ou groupements appartenant à une catégorie ayant dépassé l'objectif. Je trouve cela très étonnant : suivant la situation de la catégorie à laquelle appartient la collectivité vis-à-vis de l'Odedel, la collectivité pourrait se voir ou non appliquer des sanctions si elle-même dépasse l'objectif.

Les mécanismes de correction ressemblent quant à eux à ceux des contrats de Cahors, en particulier au regard des éléments prévus dans les accords de retour à la trajectoire qui devront être signés par les collectivités ou leurs groupements.

Mais cet article contient surtout une innovation inacceptable : l'exclusion des collectivités concernées, avant même la signature de tout contrat, de l'octroi de certaines dotations d'investissement de l'État. Une telle proposition est, au demeurant, parfaitement contradictoire avec la philosophie affichée du dispositif et du discours gouvernemental qui prétend faire porter l'effort de maîtrise des dépenses sur la seule section de fonctionnement, sans affecter l'investissement local.

Par ailleurs, la mise en oeuvre d'un mécanisme de contrôle et de sanction aussi rigide est pour le moins inadaptée à la situation actuelle. Les incertitudes sont fortes pour tous - ménages, entreprises mais aussi collectivités - face à la hausse des prix et à la crise énergétique dans un contexte de guerre en Ukraine. Le poids de ces contraintes exogènes devrait inexorablement peser sur les dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales dans une mesure encore inconnue ou difficile, voire impossible à évaluer.

Pour toutes ces raisons, je vous proposerai la suppression pure et simple de l'article 23. Il s'agit d'un système inacceptable de surveillance de la dépense locale et de sanction, loin du principe de libre administration des collectivités territoriales et de la relation de confiance qu'attendent les collectivités territoriales et leurs groupements.

Je vous proposerai ensuite plusieurs amendements qui s'inscrivent dans un objectif de plus grande rigueur dans la maîtrise de la dépense.

Ainsi, à l'article 9, qui définit une nouvelle norme de dépense avec le « périmètre des dépenses de l'État », je propose de préciser que les montants prévus pour chaque année constituent non pas des cibles, mais des plafonds de dépenses. De même, un amendement à l'article 10 tend à faire de la stabilité en exécution des schémas d'emplois de l'État un plafond d'emplois, et non une simple cible.

Sur ce point, comme je l'ai déjà indiqué, les efforts affichés restent limités, alors qu'en 2023 serait ainsi crantée la création de 10 000 nouveaux emplois. Pour autant, la dernière loi de programmation, qui prévoyait une baisse de 50 000 emplois, n'a absolument pas été respectée, comme j'ai eu l'occasion de le démontrer à maintes reprises. Je n'exclus pas d'évoluer vers une disposition plus exigeante d'ici à l'examen en séance.

Concernant le « périmètre des dépenses de l'État », j'ai également déposé un amendement pour que la présentation de cette nouvelle norme dans le PLF opère une distinction entre différentes composantes : crédits du budget général tels que prévus dans ce périmètre, impositions de toutes natures plafonnées, budgets annexes, etc.

Outre les amendements rédactionnels ou de correction technique du texte, qui sont, pour l'essentiel, des reprises d'amendements adoptés par l'Assemblée nationale, je vous propose aussi des amendements guidés par un souci de vigilance quant à la mise en oeuvre effective des mesures que nous adoptons. Souvent, les bonnes intentions affichées dans les lois de programmation ne se reflètent pas dans l'application. Les cinq années écoulées en sont une bonne illustration.

D'abord, l'article 15 prévoit que les créations ou modifications de dispositifs d'aides aux entreprises ne soient applicables que pour une durée maximale de cinq années et que leur extension ou prolongation soit précédée d'une évaluation présentée au Parlement. Je propose qu'un arrêté établisse la liste des dispositifs concernés, faute de quoi le contrôle de l'application effective de cet article ne sera pas possible. Un autre amendement en restreint le périmètre aux dispositifs d'aide aux entreprises de l'État.

Ensuite, l'article 21 prévoit que le Gouvernement remet chaque année au Parlement un ensemble d'évaluations portant sur l'efficacité de l'action publique et des dépenses publiques. Le dispositif est peu précis et incantatoire. Considérant qu'il pourrait toutefois constituer le point de départ utile à l'évaluation des politiques publiques, je propose divers compléments pour le rendre plus opérationnel, notamment que l'on dispose d'une liste de ces évaluations à réaliser tous les ans.

Enfin, je précise dans un amendement le contenu de ce qui sera attendu dans les bilans des lois de programmation des finances publiques prévus à l'article 25.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

Madame la rapporteure générale de la commission des affaires sociales, je vous donne la parole, puisque notre rapporteur a fait appel à deux reprises à vos lumières !

Debut de section - PermalienPhoto de Elisabeth Doineau

La commission des affaires sociales s'est saisie des articles 17 à 20 et de l'article 24 de ce texte.

Comme vous, nous sommes sceptiques vis-à-vis de la trajectoire financière des régimes obligatoires de base et du Fonds de solidarité vieillesse, et plus spécifiquement de celle de l'Ondam. Celui-ci devrait frôler les 250 milliards d'euros dès 2024, soit cinq fois plus que le budget de la défense et quatre fois plus que celui de l'Éducation nationale.

La trajectoire affichée est pour le moins ambitieuse et, en tout cas, difficilement tenable.

Difficilement tenable, car les incertitudes sont grandes sur l'impact financier de la crise sanitaire en 2023 et dans les années suivantes.

Difficilement tenable, car nous voyons bien l'ampleur des besoins de santé, l'ampleur des attentes en matière de rénovation de l'hôpital, mais aussi l'ampleur de l'impact financier que représente le choc d'innovation dans le secteur du médicament, nécessaire pour relocaliser notre industrie et assurer notre autonomie.

Difficilement tenable, car le contexte inflationniste rend le taux réel de progression de l'Ondam bien moindre que celui qui est affiché. Si le ministre chargé des comptes publics considère que l'inflation ne se reproduit pas de manière identique sur les dépenses de santé, celle-ci est parfois plus forte encore sur certaines des charges principales des hôpitaux, comme l'énergie.

Difficilement tenable, enfin et surtout, car le Gouvernement comme le directeur de la Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam) reconnaissent qu'il faudra prendre des mesures fortes d'économies pour garantir le respect de cette trajectoire. Quelles seraient ces mesures ? Nous n'avons obtenu aucune information sur ce point. Régulera-t-on enfin l'Ondam de ville et, si oui, comment ? À moins que cela ne signe le retour explicite d'économies sur l'hôpital...

Quant au reste des régimes obligatoires de base de sécurité sociale, je ne peux là encore que regretter le caractère particulièrement lacunaire des informations transmises par le Gouvernement. Pour m'en tenir à l'exemple le plus significatif, l'évolution des dépenses de la branche vieillesse est censée intégrer dès 2023 les effets d'une réforme des retraites, mais ni ses paramètres ni même son impact financier ne sont précisés dans un quelconque document. Et, malgré mes demandes réitérées, je n'ai eu aucune précision - pas plus que votre commission, semble-t-il.

Néanmoins, eu égard au rôle qui doit être celui d'une loi de programmation, c'est à dire, en premier lieu, permettre au Gouvernement de vérifier chaque année si la trajectoire fixée est respectée ou non, la commission des affaires sociales a émis un avis défavorable à l'adoption des articles dont elle était saisie, sous réserve de l'adoption de cinq amendements, que je vais vous présenter brièvement.

À l'article 17, la commission des affaires sociales a adopté deux amendements dont l'objet est de prolonger la trajectoire des dépenses des Robss et de l'Ondam. En effet, le « compteur des écarts » entre les dépenses prévues par le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) et celles figurant dans la loi de programmation des finances publiques (LPFP) doit concerner toutes les lois de financement de la sécurité sociale (LFSS) jusqu'à l'année 2027. La nouvelle rédaction de l'article L.O. 111-4 du code de la sécurité sociale fait même de ce « compteur des écarts » un élément obligatoire de la LFSS de l'année. Il importe donc que l'horizon de programmation ne se limite pas à l'année 2025.

À l'article 18, nous avons adopté un simple amendement de précision.

J'évoquerai plus en détail l'article 19, qui porte sur la « mise en réserve » de l'Ondam. Le montant minimal est fixé, depuis 2010, à « au moins 0,3 % » et suit en réalité ce taux. Pour 2022, cela représente 710 millions d'euros. Or, mes chers collègues, dans le silence de la loi, comment cette réserve a-t-elle été concrètement mise en oeuvre jusqu'à présent ? Pour 47 %, cette année, au moyen du « coefficient prudentiel » appliqué sur les tarifs hospitaliers, qui permet de les minorer en début d'année. Pour 21 %, en gelant une partie des dotations hospitalières. Pour 0 % sur l'Ondam de ville, parce que cela n'a pas de sens de mettre en réserve le remboursement des feuilles de soins et qu'aucun mécanisme de régulation n'existe sur les rémunérations, mêmes forfaitaires, des professionnels de santé.

L'hôpital porte donc en réalité 68 % des mises en réserve, ce qui représente un gel de 0,51 % de ses crédits. Dans ces conditions, notre commission a souhaité dire qu'il fallait cesser de faire porter les débordements de l'Ondam de ville par la régulation de l'hôpital.

À cette fin, nous proposons, d'une part, de fixer le taux de la mise en réserve : ce serait non plus un « plancher », mais un taux fixe ; d'autre part, d'inscrire de manière claire que la mise en réserve est homogène sur l'ensemble des sous-objectifs, de manière à mettre fin à l'effort supplémentaire demandé à l'hôpital.

Enfin, l'article 24 propose que le Gouvernement transmette chaque année au Parlement une décomposition du solde du sous-secteur des administrations de sécurité sociale (Asso), tout en précisant les différents éléments de cette décomposition. En cohérence avec la création des lois d'approbation des comptes de la sécurité sociale, notre commission a adopté un amendement dont l'objet principal est d'assurer qu'une telle décomposition soit également transmise au Parlement, pour ce qui concerne l'exercice clos chaque année, avant le 1er juin, soit au moment du dépôt du projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale.

Mes chers collègues, j'espère que la commission des finances partagera notre approche et pourra intégrer ces amendements dans le texte qu'elle établira à l'issue de cette réunion.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Capo-Canellas

Qu'adviendra-t-il si ce projet de loi n'est pas adopté, compte tenu du vote de l'Assemblée nationale ?

En tout état de cause, la trajectoire proposée par le rapporteur nous paraît plus vertueuse pour endiguer la dérive des finances publiques et plus cohérente s'agissant des efforts demandés aux collectivités locales. Reste la question éternelle : comment procède-t-on ? Quelles dépenses vise-t-on ?

Debut de section - PermalienPhoto de Sébastien Meurant

Ce débat me fait penser à Churchill, qui disait ne croire les statistiques que lorsqu'il les avait lui-même falsifiées...

Ma question est simple : les lois de programmation ont-elles jamais été respectées ?

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

La réponse est dans la question, mon cher collègue...

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Delcros

Le taux de 1 % de croissance du PIB en 2023 retenu par le Gouvernement et conservé par le rapporteur me semble raisonnable.

L'effort demandé à l'État doit être au même niveau que celui qui est demandé aux collectivités locales. Nous sommes sur la même ligne de redressement, mais, à notre sens, il faut non seulement une baisse des dépenses, mais également une augmentation des recettes. Nous ferons des propositions en ce sens.

Vous proposez une baisse de 3,8 milliards d'euros de dépenses non régaliennes. Pouvez-vous être plus précis sur le périmètre que vous envisagez ?

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Le rapporteur est en forme. C'est un véritable tapis de bombes qu'il a lâché sur le Gouvernement en reprenant, en quelque sorte, le programme du quinquennat non avenu de Mme Pécresse. Vous avez franchi le Rubicon, pour reprendre l'expression d'un ancien Président de la République issu de vos rangs. J'entendais récemment Mme Louwagie regretter le manque d'ambition du Gouvernement sur les finances publiques. Vous en avez pour lui...

S'agissant des collectivités locales, vous ne dites rien sur la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). J'imagine donc que vous allez voter les amendements de rétablissement que nous allons proposer...

La dette a progressé, sous le quinquennat, précédent de 203 milliards d'euros, dont 7 % du fait des collectivités locales. C'est très injuste de les faire payer de nouveau.

Plus globalement, où pensez-vous faire des économies ? Sur la santé ? L'école ? La justice ? Je sais que vous finissez toujours par réduire les dépenses sociales, mais je ne saurais trop vous conseiller de regarder ce qui s'est passé au Royaume-Uni avec Mme Truss.

Debut de section - PermalienPhoto de Christine Lavarde

Je ne suis pas mécontente d'entendre la référence que vous faites à Mme Pécresse. La trajectoire que propose M. le rapporteur nous convient parfaitement et ne me parait pas comparable avec celle présentée, il y a quelques semaines, par Elizabeth Truss au Royaume-Uni. Aucune modification de l'Ondam ou des dépenses de santé n'est proposée, mais nous partageons les inquiétudes de Mme la rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Il faudra que le Gouvernement nous apporte des explications.

Debut de section - PermalienPhoto de Rémi Féraud

L'Assemblée nationale n'ayant pas adopté le texte, c'est la première fois que nous ne savons pas si nous aurons une loi de programmation des finances publiques. Ce n'est pas parce que les LPFP ne sont jamais respectées qu'il ne faut pas en avoir...

Votre trajectoire des recettes ressemble quand même fort à celle du Gouvernement. Êtes-vous d'accord avec lui à cet égard, exception faite de la CVAE ?

Il y a un côté inachevé dans la copie du Gouvernement et vous ne répondez pas aux questions qui se posent.

À quoi bon baisser de 3 points l'endettement si l'on n'arrive pas à remettre à niveau un certain nombre de services publics ?

S'agissant des dépenses régaliennes que vous souhaitez sanctuariser, je regrette, en tant que rapporteur spécial, que vous ne mentionniez pas les crédits de l'action extérieure de l'État. Compte tenu de l'évolution du monde, cette faiblesse pose problème.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

J'apprécie les efforts du rapporteur, mais je suis sceptique sur les lois de programmation. C'est, à mon sens, un concours de beauté un peu vain. Qu'en reste-t-il à l'arrivée ?

Cependant, s'il n'y a pas de volonté réelle du Gouvernement de trouver une voie de passage avec le Parlement, c'est problématique, surtout après tous les discours sur le compromis qu'il nous adresse.

Je suivrai, malgré tout, les recommandations du rapporteur, car elles me paraissent plus réalistes et rigoureuses.

Le Gouvernement est-il prêt à avancer avec le Sénat sur les collectivités locales et la baisse des dépenses publiques ?

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Joly

En dix ans, le président Macron aura réduit les recettes fiscales potentielles de 400 milliards d'euros, soit plus d'un budget annuel.

Dans quel secteur envisagez-vous de réduire les emplois publics ? Connaissez-vous l'impact économique des dépenses de l'État, qui participent aussi aux cycles économiques ?

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Breuiller

Je remercie le ministre des finances Jean-François Husson d'avoir proposé une trajectoire pour les finances publiques dans les cinq ans à venir... Trêve de plaisanterie : s'il y a un seul point sur lequel je suis d'accord avec le rapporteur, c'est la suppression de l'article 23.

Il est louable de demander autant d'efforts à l'État qu'aux collectivités locales, mais, pour ma part, j'en aurais demandé moins à ces dernières, car celles-ci ne sont pas responsables de la situation. C'est injuste de les traiter ainsi.

Avec la trajectoire proposée, on peut dire que nous arriverons à l'effondrement en bonne santé financière... C'est la récession annoncée !

Pour ce qui concerne la réduction du nombre d'emplois publics, j'ai bien vu ce qui s'est passé avec l'Office national des forêts (ONF). Pendant des années, on a sabré dans les effectifs. Résultat : avec les méga-feux de cet été, on s'est aperçu que la forêt française n'était pas assez entretenue.

Il faut bien préciser où vous comptez faire des économies, monsieur le rapporteur.

Enfin, pour moi, la nécessité d'une réforme des retraites n'est pas évidente. Nos concitoyens partiront, de fait, avec des pensions moindres, ce qui sera bénéfique pour les finances publiques, mais injuste socialement et humainement.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Savoldelli

Il semble y avoir unanimité sur la suppression de l'article 23, ce qui est plutôt positif.

Cela dit, le rapporteur a eu une position très politique, en nous proposant un résumé du pacte de stabilité. Il a aussi laissé entendre qu'il approuvait le Gouvernement sur un certain nombre de réformes.

Monsieur le rapporteur, j'ai quatre questions à vous poser. Quid des recettes ? Vous ne proposez pas de contre-programmation. Quid de l'inflation dans vos projections ? Quid des taux d'intérêt de la dette à dix ans ? Êtes-vous d'accord avec l'évolution annoncée par le Gouvernement de la balance commerciale ?

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

Il me semble qu'il y a une réelle volonté du Gouvernement de voir une loi de programmation votée, notamment pour l'image que nous renverrons à nos partenaires européens - il faut dire aussi que certains financements européens sont subordonnés à l'adoption d'une telle programmation. Je pense qu'il manifestera la volonté de trouver une solution avec le Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

J'abonde dans votre sens, monsieur le président.

On ne peut pas tourner le dos à l'Europe. Ce serait suicidaire. Quand ça souffle, il faut tenir le cap, et je ne veux pas me tromper de combat. Il nous faut un texte. Aussi, faisons entendre la voix du Sénat : c'est la voix de la responsabilité en ces temps graves. Notre assemblée a une représentativité différente, mais nous sommes tout aussi légitimes dans ce débat.

Monsieur Delcros, je vous l'indique, les grands sujets régaliens sont la justice, la sécurité, l'éducation et la santé.

S'agissant des économies possibles, nous avons rendu 109 rapports depuis 2015 : nous avons donc des pistes.

J'entends les critiques et je les respecte, mais nous devons tous faire des efforts ; nous avons connu l'époque du rabot, méthode imparfaite qui avait toutefois le mérite de trancher quand personne ne voulait prendre de décision.

La guerre aux portes de l'Europe aura des conséquences qui pourraient exiger une forme de ralentissement des lois de programmation, d'autant plus qu'avant même que ne commence cette guerre, à l'été 2021, une crise énergétique majeure a débuté. Je suis intervenu à de nombreuses reprises, ces dernières années, pour rappeler au Gouvernement le terrible impact de la crise énergétique sur le commerce extérieur. Il y a quelques années, plus de la moitié du déficit de la balance commerciale extérieure était liée à celui de la balance énergétique.

Après dix ans d'errements et de renoncements sur la question du nucléaire, chacun doit balayer devant sa porte. Les Français, s'ils ne trouvent pas mille et une vertus au nucléaire, ont le sentiment d'avoir été dépossédés de leur indépendance et de leur souveraineté énergétiques - et que cela leur coûte très cher ! Nous sommes tous interpellés sur cette question, et le ralentissement ne se fera pas du jour au lendemain.

Il est normal de tenir des comptes et de tenter d'alléger le poids de la dette, mais nous avons également la responsabilité de régler la dette écologique et environnementale, dont nous n'évaluons pas très bien le montant à l'échelle du pays et du monde.

Nous devons sortir des débats d'estrade et du bavardage intempestif et privilégier les résultats. Dans le cas contraire, cela pourrait se terminer dans la rue, à l'image de l'épisode des « gilets jaunes ».

Les semaines et les mois qui viennent comportent leur lot d'imprévisibilité et nous poussent à adopter une méthode solide et à nous exprimer clairement pour trouver la bonne ligne d'action. Il est important de bien définir notre trajectoire budgétaire.

Des réformes structurelles sont nécessaires. Sur les retraites, ma conviction est la suivante : l'espérance de vie en bonne santé a augmenté depuis le sortir de la Seconde Guerre mondiale et nous entrons plus tard sur le marché du travail ; nous devons donc cotiser plus longtemps pour toucher une meilleure retraite. En revanche, il n'est pas acceptable de faire travailler les gens plus longtemps pour une retraite plus faible. Les Français ont eu l'impression d'être pris dans une souricière sur cette question. Un débat serein doit être mené, avec pédagogie.

En ce qui concerne les recettes, je souscris aux déclarations du président du Sénat sur la suppression de la CVAE. Nous sommes dans une économie de guerre où la question énergétique est primordiale ; le bouclier énergétique prévu par le Gouvernement doit être à la hauteur. Soit nous mettons les moyens sur ce bouclier énergétique, soit nous supprimons la CVAE.

J'assume cet arbitrage et le dis aux chefs d'entreprises que je rencontre : nous devons maîtriser la dépense publique pour redresser notre balance commerciale et limiter notre endettement. Si notre effort démarre dès 2023, il sera moins douloureux que si nous attendons 2027.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Avis défavorable à l'amendement de suppression COM-68.

L'amendement COM-68 n'est pas adopté.

L'article 1er est adopté sans modification.

Article 2

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Je suis défavorable à l'amendement de suppression COM-69.

L'amendement COM-69 n'est pas adopté.

L'amendement COM-94 est adopté.

L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 3

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

J'émets un avis défavorable à l'amendement de suppression COM-70.

L'amendement COM-70 n'est pas adopté.

Mon amendement COM-95 revoit la trajectoire comme expliqué dans mon exposé introductif.

L'amendement COM-95 est adopté.

L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 4

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Avis défavorable à l'amendement de suppression COM-71.

L'amendement COM-71 n'est pas adopté.

L'amendement COM-96 est adopté.

L'article 4 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 5

L'article 5 est adopté sans modification.

Article 6

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Je suis défavorable aux amendements identiques de suppression COM-1 et COM-72.

Les amendements identiques COM-1 et COM-72 ne sont pas adoptés.

J'émets un avis défavorable à l'amendement COM-2.

L'amendement COM-2 n'est pas adopté.

L'article 6 est adopté sans modification.

Article 7

L'amendement rédactionnel COM-97 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Je suis favorable à l'amendement COM-3, qui vise à réduire à trois années le bornage dans le temps des dépenses fiscales.

L'amendement COM-3 est adopté. En conséquence, l'amendement COM-83 rectifié bis devient sans objet.

L'amendement COM-49 tend à présenter une évaluation lors de toute prorogation d'une dépense fiscale : avis favorable.

L'amendement COM-49 est adopté.

Je sollicite le retrait de l'amendement COM-4 ; à défaut, j'émettrai un avis défavorable.

L'amendement COM-4 n'est pas adopté.

L'article 7 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Après l'article 7

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Je demande le retrait de l'amendement COM-50 ; à défaut, avis défavorable.

L'amendement COM-50 n'est pas adopté.

Article 8

Les amendements identiques COM-98 et COM-51 sont adoptés.

L'article 8 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Après l'article 8

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

À titre personnel, je suis favorable aux amendements identiques COM-24 et COM-52, de même qu'à l'amendement COM-25, mais je demande à ce qu'ils soient retirés afin que l'on puisse en débattre en séance publique.

Les amendements identiques COM-24 et COM-52 ne sont pas adoptés, non plus que l'amendement COM-25.

Article 9

Les amendements identiques COM-99 et COM-53 sont adoptés.

L'amendement COM-100 est adopté.

Les amendements identiques COM-101 et COM-54 sont adoptés.

L'amendement COM-102 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Je demande le retrait de l'amendement COM-84 rectifié bis ; à défaut, avis défavorable.

L'amendement COM-84 rectifié bis n'est pas adopté.

L'amendement COM-103 est adopté.

L'article 9 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 10

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Avis défavorable aux amendements identiques de suppression COM-5 et COM-73.

Les amendements identiques COM-5 et COM-73 ne sont pas adoptés.

Je sollicite le retrait des amendements COM-26 et COM-85 rectifié bis, au profit de mon amendement COM-104.

Les amendements COM-26 et COM-85 rectifié bis ne sont pas adoptés. L'amendement COM-104 est adopté.

L'article 10 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 11

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Je demande le retrait des amendements identiques de suppression COM-6, COM-27 et COM-74 ; à défaut, j'émettrai un avis défavorable.

Les amendements identiques COM-6, COM-27 et COM-74 ne sont pas adoptés.

Avis favorable à l'amendement COM-55.

L'amendement COM-55 est adopté.

L'article 11 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 12

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Je suis défavorable aux amendements identiques de suppression COM-7 et COM-75.

Les amendements identiques COM-7 et COM-75 ne sont pas adoptés.

Je demande le retrait de l'amendement COM-28 ; à défaut, avis défavorable.

L'amendement COM-28 n'est pas adopté.

L'article 12 est adopté sans modification.

Article 13

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Avis défavorable aux amendements identiques de suppression COM-8 et COM-76.

Les amendements identiques COM-8 et COM-76 ne sont pas adoptés.

J'émets un avis défavorable à l'amendement COM-86 rectifié, au profit de mon amendement COM-105.

L'amendement COM-86 rectifié n'est pas adopté. L'amendement COM-105 est adopté.

Je suis favorable à l'amendement COM-56.

L'amendement COM-56 est adopté.

L'article 13 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 14

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Avis favorable à l'amendement COM-29.

L'amendement COM-29 est adopté.

Je demande le retrait des amendements COM-9 et COM-30, au profit des amendements identiques COM-31 et COM-87 rectifié, pour lesquels j'émets un avis favorable.

Les amendements COM-9 et COM-30 ne sont pas adoptés. Les amendements identiques COM-31 et COM-87 rectifié sont adoptés.

L'article 14 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 15

L'amendement COM-106 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Je demande le retrait des amendements COM-10 et COM-88 rectifié ; à défaut, avis défavorable.

Les amendements COM-10 et COM-88 rectifié ne sont pas adoptés.

L'amendement COM-107 est adopté.

L'article 15 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 16

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Avis défavorable aux amendements identiques de suppression COM-12, COM-32 et COM-77.

Les amendements identiques COM-12, COM-32 et COM-77 ne sont pas adoptés.

Je suis défavorable à l'amendement COM-13.

L'amendement COM-13 n'est pas adopté.

L'article 16 est adopté sans modification.

Après l'article 16

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

J'émets un avis défavorable aux amendements COM-57 et COM-89 rectifié.

Les amendements COM-57 et COM-89 rectifié ne sont pas adoptés.

Article 17

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Avis défavorable aux amendements identiques de suppression COM-14 et COM-78.

Les amendements identiques COM-14 et COM-78 ne sont pas adoptés.

Je suis favorable à l'amendement COM-58.

L'amendement COM-58 est adopté.

Les amendements identiques COM-93 et COM-44 sont adoptés.

Avis favorable à l'amendement COM-59.

L'amendement COM-59 est adopté.

J'émets un avis favorable à l'amendement COM-45.

L'amendement COM-45 est adopté.

L'article 17 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 18

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Avis défavorable à l'amendement de suppression COM-79.

L'amendement COM-79 n'est pas adopté.

Avis favorable à l'amendement COM-46.

L'amendement COM-46 est adopté.

L'article 18 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 19

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Je suis défavorable aux amendements identiques de suppression COM-15 et COM-80.

Les amendements identiques COM-15 et COM-80 ne sont pas adoptés.

Avis favorable à l'amendement COM-47.

L'amendement COM-47 est adopté. En conséquence, l'amendement COM-60 devient sans objet.

L'article 19 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 20

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Je demande le retrait de l'amendement COM-16 ; à défaut, avis défavorable.

L'amendement COM-16 n'est pas adopté.

L'article 20 est adopté sans modification.

Article 21

L'amendement COM-108 est adopté.

L'article 21 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 22

L'article 22 est adopté sans modification.

Article 23

Les amendements identiques de suppression COM-109, COM-17, COM-23, COM-81 et COM-90 rectifié sont adoptés. En conséquence, les amendements COM-61 et COM-82, les amendements identiques COM-18, COM-42 rectifié et COM-91, les amendements identiques COM-19, COM-43 rectifié et COM-92, l'amendement COM-33, l'amendement COM-34, les amendements identiques COM-20 et COM-35, les amendements COM-36, COM-62, COM-40, COM-63, COM-37, COM-64, COM-38 et COM-65, les amendements identiques COM-21 et COM-39, les amendements COM-22, COM-66 et COM-41 deviennent sans objet.

L'article 23 est supprimé.

Article 24

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Avis favorable à l'amendement COM-48.

L'amendement COM-48 est adopté. En conséquence, l'amendement COM-67 devient sans objet.

L'article 24 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 25

L'amendement COM-110 est adopté.

L'article 25 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 26

L'amendement COM-111 est adopté.

L'article 26 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le projet de loi est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

En ce qui concerne la recevabilité des amendements de séance, je vous informe que, pour la loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, un périmètre n'est pas défini au titre de l'article 45 de la Constitution. Le périmètre des lois de programmation des finances publiques est, en effet, défini par les articles 1 A à 1 G de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf) depuis sa dernière révision. Aussi, en application de l'article 45 du Règlement du Sénat, je serais conduit à déclarer irrecevables les amendements qui n'entreraient pas dans le périmètre défini par la loi organique.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

TABLEAU DES SORTS

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

Nous examinons le rapport spécial de notre collègue Marc Laménie sur la mission « Ancien combattants, mémoire et liens avec la Nation » du projet de loi de finances pour 2023.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laménie

Les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » continuent de diminuer : ils sont en baisse de 161 millions d'euros en 2023, tombant ainsi à 1,9 milliard d'euros.

Deux caps symboliques sont franchis cette année : les crédits de la mission sont désormais inférieurs à 2 milliards d'euros et, pour la première fois, le montant consacré par l'État à la retraite du combattant est inférieur à celui qui est consacré à la demi-part fiscale des anciens combattants et de leurs veuves, principal crédit d'impôt en faveur des anciens combattants.

Les crédits affectés aux pensions viagères - la retraite du combattant et les pensions militaires d'invalidité - poursuivent leur inexorable baisse, tant en valeur absolue que rapportée à l'inflation. La revalorisation exceptionnelle, au 1er janvier 2022, du point d'indice des pensions militaires d'invalidité, dit « point PMI », n'a pas atteint son objectif de rattraper l'effet de l'inflation entre 2018 et 2021, à cause d'une hypothèse d'inflation trop faible pour 2021 - d'autant moins que le point d'indice, indexé sur les rémunérations publiques, décroche face à l'inflation depuis 2012. De la même manière, la revalorisation de droit commun de 4 % devant avoir lieu au 1er janvier 2023 est inférieure à l'inflation de l'année 2022.

Les baisses de crédits liées à ces deux pensions expliquent celle des crédits de la mission - de même, bien sûr, que la baisse démographique.

Les crédits du programme 158, qui recouvrent les indemnisations liées aux violences et spoliations antisémites et aux actes de barbarie commis durant la Seconde Guerre mondiale, suivent une trajectoire similaire : de moins en moins de dossiers sont déposés à la Commission pour l'indemnisation des victimes de spoliations intervenues du fait des législations antisémites en vigueur pendant l'Occupation (CIVS) et des crédit-rentiers dont le nombre s'effrite de plus en plus pour les rentes viagères. Les conséquences budgétaires sont cependant moindres, car ce programme est plus modeste : il est doté de 91,5 millions d'euros de crédits en 2023.

Je proposerai un amendement en première partie du projet de loi de finances visant à consolider la base juridique qui fonde l'exonération d'impôt dont profitent déjà les allocations versées au titre du programme 158.

Les économies constatées sur la mission pourraient cependant réapparaître sous la forme de dépenses fiscales. L'Assemblée nationale a ainsi adopté un article additionnel 3 quinquies, conservé par le Gouvernement après l'application de l'article 49-3 de la Constitution, visant à ouvrir le bénéfice de la demi-part fiscale aux veuves dont l'époux ancien combattant est décédé entre 60 et 65 ans. Cette mesure, dont le coût est estimé à 133 millions d'euros, contrebalance presque entièrement les baisses de crédits de la mission.

Les autres pans de la mission sont généralement en hausse, sous l'effet de l'inflation, en particulier les crédits liés à la politique de mémoire, qui augmentent de 17 % à cause de la forte dimension immobilière de cette mission - celle-ci comporte l'entretien et la valorisation des carrés militaires, des nécropoles nationales et des hauts lieux de la mémoire nationale.

L'Institution nationale des Invalides (INI) est également très exposée au renchérissement des coûts immobiliers, car elle s'est engagée dans une rénovation quasi intégrale de ses locaux. Le coût total de ces travaux s'élève aujourd'hui à 73 millions d'euros.

Ayant réalisé un contrôle budgétaire sur l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG), j'aborderai cet opérateur tout à l'heure, après l'examen des crédits de la mission « Anciens combattants ».

Enfin, la politique de reconnaissance et de réparation envers les rapatriés a été renforcée de manière exceptionnelle au travers de deux mesures. Tout d'abord, le montant des allocations de reconnaissance et des allocations viagères dont bénéficient les harkis, les autres rapatriés et leurs veuves a été doublé par voie réglementaire. Ensuite, la loi n° 2022-229 du 23 février 2022 portant reconnaissance de la Nation envers les harkis et les autres personnes rapatriées d'Algérie a créé une réparation au titre du préjudice subi du fait des conditions indignes d'accueil sur le territoire national dans des camps ou des hameaux de forestage.

En conséquence, les crédits en faveur des rapatriés ont presque quadruplé entre la prévision initiale du projet de loi de finances pour 2022 et celle pour 2023. La majeure partie de cette hausse est toutefois liée à la nouvelle indemnité de réparation, qui représente 60 % des crédits de la programmation 2023 et qui a vocation à disparaître une fois les demandes traitées.

Dans cette même logique de reconnaissance et de réparation en faveur des rapatriés, je présente un amendement de crédits, très modeste, visant à indemniser 22 rapatriés qui se sont vu refuser une allocation de reconnaissance sur le fondement d'une loi depuis déclarée inconstitutionnelle. Le dispositif est désormais forclos et, mal conseillés, ces rapatriés n'avaient pas contesté la décision de refus dans les temps. Ils ne souhaitent pas se lancer dans une procédure contentieuse. Ainsi, je propose une indemnité de 4 195 euros pour ces personnes.

Je vous invite, mes chers collègues, à adopter les crédits de la mission modifiés par l'amendement de crédits.

Enfin, un article additionnel est rattaché à la mission : l'article 41, qui tend à étendre les droits reconnus aux victimes d'un acte terroriste commis après le 1er janvier 1982 aux victimes d'actes de terrorisme commis avant cette date, dont le statut est pour l'heure moins favorable. Cette mesure d'équité est modeste sur le plan budgétaire : elle coûte 1 million d'euros.

Je vous propose d'adopter cet article sans modification.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Canevet

Cette mission est l'une des seules dont le montant diminue. Monsieur le rapporteur spécial, la réforme du système d'information des services des retraites de l'État entraîne une économie de 45,5 millions d'euros : des retraites étaient-elles versées indûment ? Dans le cas contraire, comment s'explique une telle économie ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laménie

Je vous remercie pour votre profond attachement au devoir de mémoire et à la reconnaissance des anciens combattants.

La refonte du système d'information des services des retraites repousse les dépenses sur l'année 2024, d'où cette économie pour 2023. Les crédits de l'année 2024 connaîtront ainsi une moindre baisse.

Article 27

L'amendement n° 1 est adopté.

La commission décide de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », sous réserve de l'adoption de son amendement.

EXAMEN DE L'ARTICLE RATTACHÉ

Article 41

La commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, l'article 41.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

Nous allons maintenant entendre une communication de M. Marc Laménie, rapporteur spécial de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », sur l'Office national des anciens combattants et des victimes de guerre (ONACVG).

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laménie

L'ONACVG est un opérateur plus que centenaire, créé lors de la Première Guerre mondiale et disposant de compétences diverses. Il est présent dans chaque département, en outre-mer, en Algérie et au Maroc, grâce à un réseau de 104 antennes locales. Il est chargé de mettre en oeuvre la politique de solidarité de la Nation à l'égard de ses ressortissants : anciens combattants, victimes civiles de guerre, pupilles et victimes d'actes de terrorisme.

Il instruit différentes mentions honorifiques : « Mort pour la France », « Mort pour le service de la Nation » et « Mort pour le service de la République ».

Il verse les pensions du programme 158 pour les orphelins de victimes de violences antisémites ou d'actes de barbarie commis durant la Seconde Guerre mondiale.

Il met en oeuvre la politique commémorative au niveau local et entretient le patrimoine mémoriel combattant de l'État : 2 200 carrés militaires, 289 nécropoles nationales et 10 hauts lieux de la mémoire nationale.

Pour l'entretien du patrimoine mémoriel, l'Office travaille en partenariat avec l'association Le Souvenir Français, qui doit notamment assurer une « veille mémorielle » et rendre de nombreux rapports à l'Office. Au regard de la nature associative du Souvenir Français, je propose une simplification de ses obligations déclaratives.

Je propose également une réaffectation d'une partie des économies constatées sur les missions traditionnelles de l'Office à l'animation de la politique commémorative locale, les moyens consacrés à cette dernière étant particulièrement faibles : 300 000 euros pour l'intégralité du territoire national.

Depuis 2013, l'Office sert de guichet unique pour les aides aux rapatriés d'Afrique du Nord et il a été désigné comme service instructeur de l'indemnité de réparation au titre des conditions indignes d'accueil sur le territoire national dans des camps ou hameaux de forestage.

Il est un partenaire de l'éducation nationale pour l'organisation de concours scolaires, notamment le concours national de la Résistance et de la Déportation, le concours « Bulles de mémoire » et le concours des Petits artistes de la mémoire.

L'Office est également un partenaire essentiel de la direction du service national et de la jeunesse (DSNJ) : il met son réseau à sa disposition et il est chargé de former les personnels qui doivent intervenir lors de la Journée défense et mémoire du service national universel. Je propose, dans ma quatrième recommandation, d'individualiser les crédits de la mission « Anciens combattants » dédiés à ces actions à finalité pédagogique, qui n'apparaissent pas au budget de l'État et qui sont entièrement financées par la fongibilité asymétrique.

L'ONACVG gère également l'oeuvre nationale du Bleuet de France, bien que celle-ci doive être transformée en fonds de dotation au 1er janvier 2023. L'ONACVG restera cependant représenté au sein du conseil d'administration du nouveau fonds de dotation. Ce contrôle a une fois de plus mis en lumière la trop faible connaissance du Bleuet par le grand public ; je recommande donc un renforcement de l'effort de communication à son profit.

Enfin, l'Office s'ouvre à de nouveaux partenariats avec les armées, notamment l'armée de terre, afin de permettre une gestion plus efficace des demandes de carte du combattant par les militaires lorsqu'ils quittent l'institution. Il travaille également avec l'armée de terre pour retrouver les militaires qui ont quitté l'institution sans réaliser de demande de carte du combattant alors qu'ils remplissent les conditions nécessaires pour y prétendre. Je salue très vivement ces initiatives et je propose, dans ma troisième recommandation, de les étendre aux autres corps d'armée.

À l'inverse de ce que pourrait laisser penser cette variété de missions, l'Office est un opérateur méconnu du grand public, dont les moyens, notamment humains, sont très modestes. Ce sont en effet 470 équivalents temps plein travaillé (ETPT) qui sont chargés de mettre en oeuvre ses missions : 70 ETPT « métiers » au sein de la direction générale, qui incluent les postes régionalisés, et 400 ETPT répartis - pour ne pas dire « éparpillés » - sur le réseau de 104 antennes locales.

S'agissant de son fonctionnement courant, l'Office bénéficie d'une dotation pour charges de service public de 60 millions d'euros.

Ces moyens sont le résultat d'une trajectoire baissière inscrite au contrat d'objectifs et de performance (COP) de l'Office 2020-2025. Cette trajectoire se justifie par une recherche d'économies et par la baisse du nombre de ressortissants de l'Office. En particulier, le COP prévoit une réduction significative des ETPT de l'Office, qui doivent diminuer de 878 ETPT en 2018 à 764 ETPT en 2025. La majeure partie de la baisse a déjà été réalisée et les effectifs devraient rester relativement stables au cours des deux prochaines années.

Cette diminution d'ETPT a été permise, en plus de la baisse du nombre de ressortissants, par une numérisation à marche forcée de l'Office, laquelle a permis de centraliser le traitement de la majeure partie des dossiers dont l'ONACVG a à connaître au département de la reconnaissance et de la réparation. Je tiens ici à souligner les gains d'efficacité qui ont découlé de cette numérisation : le délai moyen de traitement d'une demande de carte du combattant a chuté de plus de 130 jours à 90 jours. Cette avancée a été perçue et saluée par les associations d'anciens combattants que j'ai rencontrées au cours de ce contrôle.

Cependant, malgré ces gains d'efficacité, les moyens, notamment les moyens humains de l'Office, atteignent aujourd'hui un niveau plancher si l'on veut maintenir son réseau territorial. En effet, avec 400 ETPT répartis sur 104 antennes, la majorité des services locaux disposent d'un nombre très réduit d'agents, et la qualité du service doit beaucoup à l'engagement très fort des personnes qui y travaillent. L'accueil et le contact direct avec les ressortissants restent nécessaires. Beaucoup de ressortissants sont très âgés et ne maîtrisent pas l'informatique, ce qui représente une limite importante à la politique de numérisation de l'Office.

De plus, si la mission historique de l'Office tend à diminuer en importance, cette baisse de charge est compensée par le développement et l'attribution de nouvelles compétences. On peut citer comme exemples récents le nouveau dispositif d'indemnisation des rapatriés, la mission ATHOS, qui sera confiée à l'Office en 2023, ou la mention « Mort pour le service de la République » et le suivi des pupilles qui s'y rattache.

Or, si ces missions peuvent être confiées à l'Office, c'est précisément grâce à son réseau local et à son expertise particulière. Cette situation plaide pour une stabilisation des moyens de l'Office, afin qu'il puisse continuer à accomplir ses missions actuelles tout en conservant sa capacité à absorber un nouveau dispositif important comme la nouvelle indemnisation des rapatriés. C'est le sens de la recommandation principale de ce contrôle, la recommandation n° 6, qui vise à sanctuariser les ETPT de l'Office lors du prochain COP.

Par ailleurs, pour les associations regroupant des anciens des opérations extérieures (Opex) comme pour le ministère des armées, il est important de conserver à cet opérateur une masse critique suffisante pour rassurer les militaires sur la reconnaissance et l'assistance que l'État pourra leur apporter après leur service.

À titre plus prospectif, une seconde question se pose à moyen et long terme pour l'Office, celle des modalités de sa gouvernance. L'Office est dirigé par un conseil d'administration présidé par le ministre en charge des anciens combattants, au sein duquel les associations d'anciens combattants sont majoritaires. Or, avec la diminution du nombre des anciens combattants, l'affaiblissement de leurs associations et la multiplication des missions de l'Office, les associations historiques seront de moins en moins représentatives, tant au regard de la population des ressortissants de l'Office qu'au regard de son action. Qui devra alors être représenté au sein du conseil d'administration ?

À plus court terme, la présidence du conseil d'administration de l'Office par le ministre chargé des anciens combattants est contestée au plan juridique par le Conseil d'État et le ministère des armées. Ma recommandation n° 7 propose donc un point d'équilibre pour les relations entre l'Office, le ministre chargé des anciens combattants et les anciens combattants eux-mêmes.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Canevet

Au regard de l'évolution des effectifs, sera-t-il possible de conserver les 104 antennes locales de l'Office ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Delcros

Comment se répartissent les quelque 400 postes qui ne sont pas affectés aux antennes locales ?

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

La recommandation n° 6 propose de sanctuariser les ETPT de l'Office, alors que le rapport indique que la baisse des effectifs n'a posé aucun problème. Est-ce cohérent ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laménie

On compte actuellement une antenne de l'ONACVG dans chaque département. Il est indispensable de conserver cette proximité, d'autant que certains départements sont des déserts militaires et que l'action sociale de l'Office mérite d'être davantage connue.

Les antennes de l'Office sont généralement de petite taille. À Vannes, dans le Morbihan, le bureau compte quatre personnes, dont une directrice. Entre les rendez-vous, les permanences, le lien avec le monde combattant et l'éducation nationale, les agents ne manquent pas de travail.

Les dossiers d'indemnisation des harkis et autres personnes rapatriées d'Algérie issus de la loi du 23 février 2022 représentent aussi un travail supplémentaire pour les personnels de l'Office.

Hors antennes locales, le personnel de l'Office se répartit entre son siège à Paris, son service instructeur des dossiers d'indemnisation, situé à Caen, qui emploient 170 ETPT. Le reste travaille dans les hauts lieux de la mémoire nationale.

La recommandation n° 6 de sanctuarisation des effectifs se justifie principalement par les nouvelles missions confiées à l'ONACVG, qu'il s'agisse du dispositif d'indemnisation des rapatriés issu du texte de février 2022, des actions de l'Office auprès des armées, de l'éducation nationale, de son action pour appuyer le développement du service national universel, ou encore de l'essor des travaux de mémoire sur l'Afrique du Nord et les Opex. Par ailleurs, de nombreuses antennes locales n'emploient que trois agents, et il est presque impossible de maintenir un bureau ouvert avec un effectif plus faible.

Cette sanctuarisation ne vaudrait, au demeurant, que jusqu'en 2030, avant que la question d'une éventuelle réduction du réseau ne se pose à partir de 2035.

La commission adopte les recommandations du rapporteur spécial et autorise la publication de sa communication sous la forme d'un rapport d'information.

La réunion est close à 12 h 45.