Intervention de Frédérique Puissat

Réunion du 25 octobre 2022 à 14h30
Fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi — Discussion générale

Photo de Frédérique PuissatFrédérique Puissat :

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, l’ambition du projet de loi « d’urgence » que nous présente le Gouvernement est plus limitée que son intitulé ne le suggère : il s’agit, pour l’essentiel, de proroger les règles actuelles du régime d’assurance chômage.

Ce texte soulève néanmoins des questions cruciales sur les objectifs, la gouvernance et le financement de ce régime. Il semble en effet signer l’échec de la réforme de la gouvernance de l’assurance chômage issue de la loi de 2018 : alors que les règles d’indemnisation du chômage fixées par le « décret de carence » du 26 juillet 2019 cesseront d’être applicables à compter du 1er novembre 2022, aucun processus de négociation, assorti d’un document de cadrage, n’a été engagé pour définir de nouvelles règles.

Afin de donner une base légale et réglementaire à l’indemnisation des demandeurs d’emploi après cette date, l’article 1er autorise le Gouvernement à prendre par décret en Conseil d’État les mesures d’application du régime d’assurance chômage jusqu’au 31 décembre 2023, ainsi qu’à prolonger l’application du bonus-malus sur les contributions d’assurance chômage jusqu’au 31 août 2024.

Attachée à la gestion paritaire de l’assurance chômage, la commission considère que ces mesures dérogatoires ne doivent être applicables que pour une durée proportionnée à la nécessité de l’urgence, d’autant que cette urgence résulte largement de l’abstention du Gouvernement. En conséquence, elle a avancé du 31 décembre au 31 août 2023 la date limite d’application de l’ensemble des mesures qui pourront être prises par décret.

La période d’application de ce décret devra être utilisée pour engager des concertations destinées à faire évoluer la gouvernance de l’assurance chômage, afin de tirer les leçons de l’échec de la réforme de 2018.

À cette fin, la commission a prévu d’abroger les dispositions du code du travail relatives à la procédure de négociation des accords relatifs au régime d’assurance chômage sur le fondement d’une lettre de cadrage. Elle a également défini une procédure transitoire inspirée de l’article L. 1 du code du travail, faisant intervenir le Gouvernement par le biais d’un document d’orientation, en vue de la négociation d’un accord.

Parallèlement à cette restauration du paritarisme, la commission a souhaité renforcer, à l’article 1er bis AA, le cadre de l’indemnisation du chômage.

Elle a d’abord proposé que le droit à l’allocation d’assurance ne soit pas ouvert à un demandeur d’emploi ayant refusé trois propositions de CDI à l’issue d’un CDD, au cours des douze derniers mois.

En outre, elle a jugé indispensable, pour pouvoir mettre en place une indemnisation contracyclique, d’inscrire dans le code du travail que les droits à l’allocation chômage peuvent être modulés en fonction d’indicateurs conjoncturels.

À l’article 2, la commission a entendu modifier les paramètres du bonus-malus sur les contributions d’assurance chômage en allant bien au-delà du dispositif proposé, qui prévoit la transmission aux employeurs des données individuelles servant au calcul de la modulation. En effet, tel qu’il a été conçu, le bonus-malus est inefficace, car il ne cible pas réellement les contrats courts, les CDD ne représentant que 2 % des fins de contrat prises en compte. Afin de recentrer ce dispositif sur sa vocation première de lutte contre la permittence, la commission a limité les fins de contrat prises en compte aux seuls CDD d’une durée inférieure ou égale à un mois, à l’exclusion des cas de remplacement de salariés absents, excluant donc du dispositif les fins de CDI et les fins de mission d’intérim.

En outre, afin d’atténuer les effets du bonus-malus pour les entreprises concernées, elle a limité la modulation du taux de 4, 05 % à plus ou moins 0, 5 point, au lieu de 1 point.

La commission a approuvé l’article 1er bis A, inséré par l’Assemblée nationale, qui prévoit que le salarié en abandon de poste est présumé avoir démissionné, notamment au regard des règles d’indemnisation du chômage, tout en veillant à préciser la procédure applicable.

Elle a également adopté l’article 2 bis, qui réactive l’expérimentation du CDD multi-remplacement, et inséré un article 2 ter, qui supprime la durée maximale de trente-six mois applicable aux missions d’intérim réalisées dans le cadre d’un CDI intérimaire.

Enfin, la commission a adopté un amendement de notre collègue Philippe Bas, qui prévoit une procédure plus équitable pour les collectivités territoriales auxquelles il est demandé d’indemniser un ancien agent au chômage.

Madame, monsieur les ministres, vous l’aurez compris, notre commission a souhaité redonner l’initiative aux partenaires sociaux et rendre certains dispositifs plus justes et plus adaptés aux besoins des employeurs et des salariés, dans un contexte de fortes inquiétudes pour l’emploi.

Mes chers collègues, nous vous invitons à adopter ce projet de loi modifié par la commission des affaires sociales.

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