Intervention de Laurence Cohen

Réunion du 25 octobre 2022 à 14h30
Fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi — Discussion générale

Photo de Laurence CohenLaurence Cohen :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans la continuité de la motion présentée par Cathy Apourceau-Poly, je souhaite dénoncer la philosophie qui sous-tend ce projet de loi, selon laquelle les chômeurs ne voudraient pas « traverser la rue » pour trouver un emploi.

Vous considérez les privés d’emploi comme des fainéants et des profiteurs, alors même qu’un tiers d’entre eux ne font pas valoir leurs droits. Le chômage est source de souffrance et de mal-être, et il entraîne le plus souvent une perte de confiance en soi, ce que vous refusez obstinément de prendre en compte.

Faut-il rappeler ici que l’assurance chômage est un droit ? Les difficultés de recrutement invoquées par les entreprises ne justifient pas une remise en cause globale des droits de l’ensemble des salariés. Ce n’est pas en modulant les indemnités chômage que vous allez trouver des électriciens, des couvreurs ou des aides à domicile. Pour y parvenir, il faut investir dans la formation professionnelle et améliorer l’attractivité des métiers, notamment en revalorisant les salaires et en améliorant les conditions de travail.

L’article 1er suspend la gouvernance paritaire du régime d’assurance chômage au profit du Gouvernement, qui pourra décider seul de moduler l’indemnisation chômage. La modulation de cette indemnisation selon la conjoncture et les territoires entraînera une fracture géographique et une disparité temporelle entre les droits au chômage.

La modulation est une remise en cause du principe d’égalité. Le Gouvernement peut donc remercier la majorité de droite au Sénat, jamais avare d’un recul social supplémentaire, d’avoir inscrit dans le texte le principe de contracyclicité. Un article du journal Les Échos du 20 octobre dernier analysait ainsi la situation : « Les sénateurs LR ont-ils sauvé la mise à la réforme de l’assurance chômage ? Ils ont ajouté un article au projet de loi pour que les paramètres liés à l’ouverture des droits à l’allocation et à la durée d’indemnisation puissent évoluer en fonction d’indicateurs conjoncturels sur le marché du travail. »

Ce recul s’ajoute à l’adoption, à l’Assemblée nationale, sous pression du Medef (Mouvement des entreprises de France) et du groupe Les Républicains, de la présomption de démission en cas d’abandon de poste, que les rapporteurs de notre commission ont tenté d’encadrer, sans s’attaquer toutefois au problème de fond. En effet, en l’absence de données statistiques et d’études sur les abandons de poste en France, la disposition repose sur une instrumentalisation de cette notion. Elle aurait surtout pour effet de créer une procédure déséquilibrée pour les salariés et totalement inadaptée à la réalité de la justice prud’homale.

Ne se satisfaisant pas des régressions de ce projet gouvernemental, la droite sénatoriale a ajouté un article qui supprime l’indemnisation chômage des salariés en CDD en cas de refus à trois reprises d’un contrat à durée indéterminée. Autrement dit, il faudrait accepter n’importe quoi, quels que soient les conditions de travail, le trajet ou les salaires proposés. Cette remise en cause des droits à l’assurance chômage n’est pas acceptable ! Elle l’est d’autant moins que ce sont les mêmes qui, hier, ont favorisé le développement des CDD et ont refusé l’augmentation des salaires, et, aujourd’hui, souhaitent pénaliser les salariés.

De la même manière, la majorité de droite de la Haute Assemblée veut favoriser le recours à l’intérim, alors que ce type de contrat déséquilibre lourdement le financement du système et contribue à la précarité dans notre pays.

Enfin, la droite a tué le dispositif de bonus-malus du Gouvernement, en limitant tellement le malus que celui-ci a quasiment disparu.

Face aux projets du Gouvernement et de la droite sénatoriale, nous portons un autre projet, qui passe par de nouveaux moyens de financement et par une lutte effective contre la précarité et les licenciements.

Pour les salariés, il est indispensable de rétablir les cotisations sociales à l’assurance chômage, en supprimant en contrepartie la CSG, et de financer un service public unifié de l’emploi et de la formation professionnelle. Pour les privés d’emploi, il faut mettre en place une véritable sécurité sociale professionnelle, qui repose sur l’universalité de l’ensemble des salariés, afin de permettre à ceux-ci d’acquérir des droits individuels entièrement transférables et garantissant un montant d’indemnisation chômage pendant vingt-quatre mois. Bref, un projet aux antipodes de celui qui est proposé par le Gouvernement et la majorité sénatoriale…

Voilà autant de raisons pour lesquelles les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste voteront contre ce projet de loi.

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