Intervention de Maryse Carrère

Réunion du 25 octobre 2022 à 14h30
Fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi — Discussion générale

Photo de Maryse CarrèreMaryse Carrère :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme l’écrivait Françoise Giroud, « le chômage est comme une marée noire qui recouvre l’herbe verte, là où elle a poussé ».

Atteindre le plein emploi est un objectif que visent tous les gouvernements, mais, malgré un retour massif de personnes sur le marché du travail, le taux de chômage en France se maintient à 7, 4 %, alors que les entreprises n’ont jamais éprouvé autant de difficultés à recruter. La situation est inédite.

Nous connaissons bien les effets délétères du chômage : perdre son emploi revient à perdre une partie de son identité sociale. Vécu comme un échec, le chômage peut être un vrai traumatisme pour tous ceux qui y sont confrontés.

C’est dans cet esprit que vous avez souhaité, monsieur le ministre, mettre en place une stratégie globale pour que le chômage de masse ne soit plus une fatalité. Le projet de loi que vous nous présentez aujourd’hui en est la première étape et d’autres chantiers suivront.

À cette occasion, permettez-moi de saluer le travail des maisons de l’emploi, qui constituent aujourd’hui l’un des dispositifs d’insertion professionnelle les plus efficaces. En mettant en œuvre de véritables politiques de l’emploi à l’échelon territorial, elles permettent à de nombreuses personnes de retrouver une activité professionnelle. Nous espérons donc que leur financement sera assuré par le projet de loi de finances dont nous débattrons prochainement.

Je reviens au projet de loi. Au sein de ce texte particulièrement resserré, une mesure cristallise toutes les tensions : l’article 1er, qui vise à prolonger les règles d’indemnisation de l’assurance chômage adoptées en 2019, mais aussi et surtout à engager une concertation avec les partenaires sociaux pour établir de nouvelles règles d’indemnisation. Bien que vous vous soyez engagé, monsieur le ministre, à ne pas toucher au montant des allocations, je ne vous cache pas que les sénateurs du groupe du RDSE sont partagés sur cette disposition.

Nous regrettons d’avoir à légiférer dans l’urgence sur l’assurance chômage, mais, si nous ne faisons rien, des millions de chômeurs ne pourront plus percevoir leurs indemnités, les règles d’indemnisation fixées par le décret de carence cessant d’être applicables après le 1er novembre 2022.

Surtout, certains de mes collègues déplorent que l’article 1er dépouille les partenaires sociaux de leurs prérogatives de gestion paritaire, ce qui revient en quelque sorte à vous signer un chèque en blanc. Comme le souligne en effet le Conseil d’État dans son avis, « le projet de loi ne comporte aucune limitation directe ou indirecte quant à l’objet ou à la portée des dispositions du futur décret ». C’est pourquoi le groupe du RDSE défendra plusieurs amendements visant à redonner toute sa place au dialogue social.

Nous regrettons également que la commission des affaires sociales ait introduit un nouvel article pour priver les salariés d’indemnisation du chômage en cas de refus répétés de CDI. Cette remise en cause des droits à l’assurance chômage nous semble particulièrement dangereuse. Elle est de nature à modifier profondément les règles de l’assurance chômage, et ce sans garde-fou ni discussion préalable : elle n’a, à notre avis, pas sa place dans ce texte d’urgence.

Nous regrettons enfin que, à l’occasion de ce projet de loi, nous ne puissions traiter du dispositif « territoire zéro chômeur de longue durée » sous peine que nos amendements soient déclarés irrecevables au titre de l’article 45 de la Constitution. C’est d’autant plus incompréhensible que l’Assemblée nationale a, pour sa part, permis que ce texte soit utilisé comme véhicule législatif pour réactiver l’expérimentation du CDD multi-remplacement. Nous avons pourtant été alertés sur la nécessité d’alléger la procédure pour habiliter de nouveaux territoires et permettre la poursuite du développement de l’expérimentation.

Le RDSE se félicite en revanche de la réforme de la VAE, qui permet à toute personne d’obtenir un diplôme grâce à son expérience. Souvent jugé trop complexe par les entreprises et trop chronophage par les candidats, ce dispositif ne s’est pas imposé dans le paysage de la formation professionnelle. Ce formidable outil est pourtant la preuve que l’on acquiert des compétences tout au long de sa vie et que tout n’est pas joué à l’issue de la formation initiale.

Monsieur le ministre, les sénateurs du groupe du RDSE seront particulièrement attentifs aux débats et décideront de leur vote en fonction du sort qui sera réservé à leurs amendements.

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