Mes chers collègues, le comportement russe est funeste pour l’Ukraine, pour l’Europe, ainsi que pour l’ensemble de la stabilité internationale. Si le monde entier a conscience des implications de cette guerre quant à l’ordre mondial, le rôle de la France et de l’Europe est particulièrement important.
Nos alliés américains étant soumis à de nouvelles élections d’ici à quelques semaines, l’on ne peut assurer que les moyens déployés seront renouvelés. Dans ce contexte, l’Europe et la France constituent un pôle de stabilité, ce qui nous oblige. Nous ne pouvons fuir notre responsabilité face à la guerre et face au monde.
Le Sénat, monsieur le président, peut apporter sa modeste, mais efficace contribution à travers les relations diplomatiques, tissées notamment grâce au groupe d’amitié France-Ukraine, dont je salue la présidente. La coopération décentralisée pourrait également jouer un rôle important dès lors qu’elle serait coordonnée.
La France a pris sa part, madame la Première ministre, en affirmant sa volonté d’une solution diplomatique dans un passé pas si lointain. En 2014, sous François Hollande, a été mis en place ce qu’on appelle le « format Normandie », qui réunissait les différents acteurs durant la guerre du Donbass. La France était alors en position de médiateur pour favoriser un dialogue et trouver une sortie de crise.
L’année suivante, la suspension de la livraison de Mistral à la Russie pour protester contre l’annexion de la Crimée n’a pas été une décision facile à prendre. J’étais alors au gouvernement et je me souviens de l’opposition de certains.
Ce type d’initiatives et, à travers elles, l’affirmation de notre volonté pacificatrice et du rôle que la France peut jouer dans l’ordre mondial me semblent déterminants. D’autant que Vladimir Poutine compte sur nos failles.
Ce n’est pas seulement l’intégrité du peuple ukrainien qui est attaquée. Pénétrer par la force dans un pays, c’est ouvrir l’ère des ambitions et des conflits à travers le monde. Sans citer l’ensemble des conflits larvés, il faut néanmoins souligner les inquiétudes qui sont les nôtres après le congrès du parti communiste chinois quant à la question de Taïwan. Toutes ces tensions sont autant de torches qui risquent d’embraser le monde. Une fois l’incendie déclaré, il est beaucoup plus difficile à éteindre.
Le reste du monde est ébranlé, et cela est particulièrement vrai en Europe. La crise énergétique qui nous frappe est une conséquence directe de la guerre – cela a été dit à plusieurs reprises. Si notre engagement ne peut être remis en cause – heureusement ! – nous pouvons nous demander si le périmètre des conséquences est défini, ou du moins circonscrit.
En France, l’opinion est solidaire et je tiens à saluer le soutien dont nos concitoyens et nos élus font preuve à l’égard du peuple ukrainien. Notre résilience impressionne, mais qu’en sera-t-il si notre engagement doit perdurer ? L’acceptation de la position de la France a-t-elle des limites ? Nous savons que nous sommes à un moment charnière. Les revers militaires russes s’enchaînent – je l’ai dit –, mais la position de Poutine se durcit, nous devons donc nous mobiliser encore plus.
Une autre menace m’inquiète, qui est celle de l’habitude et de la lassitude. Si la crise devient la norme, si le non-respect de la souveraineté des peuples ne nous révolte plus, alors nous nous dirigions tout droit vers un monde où la loi du plus fort régnera.
Mes chers collègues, sachons construire la victoire de l’intelligence contre l’obscurantisme. Sachons construire la victoire de l’humanité contre la barbarie. Sachons construire la victoire du droit contre la force et pour y parvenir, madame la Première ministre, au nom des collègues qui suivent particulièrement ce dossier, je voudrais vous poser cinq questions précises.
Premièrement, je souhaite bien comprendre les propos tenus par Emmanuel Macron, le Président de la République, dimanche dernier : « Une paix est possible, celle-là seule que les Ukrainiens décideront quand ils le décideront. » Faut-il comprendre que les Ukrainiens auraient seuls la responsabilité de la paix et à quel prix pour leurs frontières ?
Deuxièmement, l’Ukraine demande plus d’armes, mais combien pouvons-nous encore en fournir ? Nos stocks ne sont-ils pas menacés ?
Troisièmement, en cas de déclenchement de l’arme nucléaire, quelles seraient notre capacité et notre volonté de réponse et quelles mesures de sécurité nucléaire ont été mises en œuvre ?
Quatrièmement, sous quelle forme la France apporte-t-elle un soutien direct à la population ukrainienne, notamment à l’approche de la période hivernale ?
Cinquièmement, quelle nouvelle initiative diplomatique la France entend-elle prendre ?