Notre collègue rapporteur pour avis a dit l'essentiel : l'argent est important, mais il ne fait pas tout. L'éducation ne peut fonctionner sans valeurs partagées entre jeunes, enseignants et parents. C'est le bon fonctionnement de cette trinité qui peut améliorer la situation.
Cela dit, il faut bien reconnaître que, dans la société d'aujourd'hui, le métier d'enseignant continue d'avoir une productivité faible : former un jeune prend toujours autant de temps et coûte toujours autant d'argent. Cependant, l'intelligence artificielle, l'informatique, le numérique sont utiles, mais ne remplacent pas l'implication personnelle de l'enseignant envers ses élèves et l'écoute de l'enseignant par les élèves. C'est une singularité dont il faut tenir compte.
Nous souhaitons tous connaître l'avis de M. le ministre. Ce n'est pas un homme politique : c'est un « rechercheur », un homme cultivé, et une démonstration vivante de la dimension internationale de notre culture. Il y a chez cet homme des promesses, dont on aimerait qu'elles se transforment en engagements et en convictions personnelles affichés publiquement. C'est la raison pour laquelle j'attends le débat en séance avec beaucoup d'impatience. Le parcours de Jean-Michel Blanquer, qui avait été enseignant, chef d'établissement, recteur, directeur au ministère, était beaucoup plus balisé.
Monsieur le rapporteur général, s'il y a plus de sorties en cours de carrière, il n'y en a pas beaucoup. En revanche, phénomène assez sympathique, il y a des entrées en cours de carrière, notamment parmi les contractuels - des hommes et femmes cadres qui, à un certain âge, décident de se reconvertir dans l'enseignement. Pourquoi la sortie en cours de carrière est-elle rare ? C'est la contrepartie positive d'un système de rémunération qui favorise largement l'ancienneté. Avec le temps, non seulement les enseignants sont mieux payés, mais ils ont plus de chances de travailler près du soleil, de la mer ou d'une ville universitaire - leurs destinations préférées. Le risque n'est donc pas excessif.
S'agissant du rôle des collectivités locales à l'égard des AESH, il est évident que nous avons le devoir absolu d'assurer une coordination entre les conseils départementaux, responsables des MDPH, et l'éducation nationale au sens large : le recteur, qui a une vision globale, les directeurs départementaux et les chefs d'établissement. Nous avons les mêmes difficultés de recrutement dans le secteur social dans nos départements.
D'ailleurs, le Gouvernement a intégré, dans son recours à l'article 49 alinéa 3 de la Constitution sur la seconde partie du projet de loi de finances, un amendement portant revalorisation de 10 % des revenus des AESH, pour un coût total de 80 millions d'euros. Il convient de saluer l'effort, mais, si c'est pour priver l'aide sociale à l'enfance (ASE) de jeunes dont elle a besoin, le match sera vraiment « nul », au sens propre du terme ! Il faut vraiment une coordination entre l'Assemblée des départements de France (ADF) et le ministère sur la question des AESH. Sans cet accord, on risque de voir des compétitions stupides... Cela rejoint la préoccupation de Michel Canévet, qui souhaiterait une décentralisation plus large. Je suis complètement d'accord avec cette idée.
Le tutorat commence à exister pour la formation des enseignants, notamment grâce à la préprofessionnalisation, mais on pourrait imaginer qu'il soit beaucoup plus systématique et qu'il y ait en quelque sorte une formation des enseignants par apprentissage, ce qui est un peu la tendance. Cela mériterait une réflexion plus approfondie.
Pour répondre à M. Delahaye, les taux d'encadrement sont plutôt faibles par rapport aux moyennes européennes. C'est vrai dans le primaire comme dans le secondaire. Dans le premier degré, nous avons un professeur pour 19 élèves, contre une dizaine en Italie ou en Belgique. Dans le second degré, nous avons 24 élèves par classe, ce qui nous place parmi les mauvais élèves de l'Europe, aux côtés du Royaume-Uni notamment.
Les baisses d'effectifs que nous allons connaître pourront entraîner une baisse du nombre d'enseignants, mais certainement pas de façon parfaitement homothétique et strictement proportionnelle - il existe, d'ailleurs, des problèmes géographiques. Je confirme à Didier Rambaud que les effectifs diminueront de 50 000 par an lors des huit à dix prochaines années.
M. Jeansannetas me rappelle que le quantitatif d'hier permet le qualitatif d'aujourd'hui. Je lui donne acte de son optimisme et de sa confiance. Il faut d'ailleurs reconnaître que ce n'est pas complètement faux...
Les contractuels sont non pas un risque, mais une chance : l'introduction, à l'école, d'hommes et de femmes qui ont une autre expérience permet à la communauté éducative une ouverture sur d'autres formations, d'autres parcours. Le taux de contractuels est de 8 %. C'est significatif, mais ce n'est pas une tragédie. Compte tenu des évolutions à venir, c'est même, pour la commission des finances, la certitude de pouvoir réadapter progressivement les effectifs aux besoins réels.
Vous avez mille fois raison sur l'affectation du socle et la contrepartie du pacte. Nous sommes tous d'accord sur ce sujet.
M. Segouin a posé une question majeure : celle de l'autorité du professeur. Il faut installer l'établissement comme un lieu disposant d'une véritable identité dans le territoire où il sert. Le fait d'être un établissement public n'interdit nullement cette identité. Il faut sans doute évoluer sur les responsabilités du chef d'établissement. Je rappelle toujours l'exemple des lycées agricoles : ces établissements publics ont un directeur qui a de l'autorité, un conseil d'administration qui a une certaine liberté et un président de conseil d'administration qui a la faculté d'aider l'établissement. Cela change complètement les relations entre les dirigeants, les enseignants et leurs élèves. Le climat est fondamentalement différent quand les parents et les élèves savent que leurs enseignants sont écoutés par un directeur qui dispose d'une autorité et de moyens d'intervention. Pour rétablir le respect, il faut que toute la hiérarchie des adultes soit solidaire et puisse répondre de manière homogène. Quand l'éducation nationale exige, au nom de l'obligation scolaire, que le chef d'établissement recase dans un autre établissement l'élève dont il ne veut pas, il se prive de la possibilité d'écarter un élève. Or il suffit d'un enquiquineur pour perturber toute une classe...
Il faut une solidarité entre adultes : parents, enseignants, membres du conseil d'administration, mais aussi élus, doivent intégrer l'établissement comme étant le leur, et non comme une enclave de la rue de Grenelle sur leur territoire. Il faut rechercher tout ce qui peut renforcer les liens entre l'établissement et le tissu des élus et des professionnels d'un secteur. Je cite toujours l'exemple des lycées agricoles. Je pense que donner au proviseur la faculté de soutenir ses enseignants face aux élèves changerait pas mal de choses. Ce serait encore mieux si les parents cessaient d'avoir peur de leurs enfants...
Pour que les professeurs soient heureux, il faut qu'ils aient la certitude d'être soutenus. Or ils ont la certitude de ne pas l'être. Les remontées du terrain montrent que le « pas de vague » ruine la qualité de l'enseignement.
M. Lefèvre nous dit que les villes sont mieux traitées que les territoires éducatifs ruraux. Il a sans doute raison, mais j'apporterai une nuance : les territoires ruraux bénéficient le plus souvent de taux d'encadrement très supérieurs au milieu urbain. En territoire rural, on a moins d'argent, mais la relation humaine est plus solide. On respecte encore les enseignants. Les parents connaissent les enseignants, ceux-ci se connaissent entre eux et connaissent les parents. À cet égard, maintenir des collèges qui n'accueillent guère plus de 100 élèves est un non-sens pédagogique, mais c'est un confort sur le plan humain. Le milieu urbain est tout de même beaucoup plus difficile du fait de l'hétérogénéité des populations et de comportements qui ne sont pas spontanément favorables au respect de l'enseignant.
Concernant les territoires éducatifs ruraux, pour l'instant, le PLF pour 2023 prévoit une hausse de 2 millions d'euros pour l'expérimentation lancée en 2021 dans 23 territoires. Le coût total en 2023 sera d'environ 4 millions. C'est bien, mais ce n'est pas cela qui fera la différence. Je pense que notre monde rural est privilégié en termes de qualité d'enseignement, dès lors que l'on a des enseignants stables.