Nous recevons ce matin Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics, sur le projet de loi de finances rectificative (PLFR) pour 2022, qui a été présenté hier en conseil des ministres.
Ce PLFR ne remet pas en cause le cadrage macroéconomique retenu en septembre dernier, puisque les prévisions de croissance à 2,7 % pour 2022 et d'inflation, à 5,3 %, sont inchangées. Le déficit public serait très légèrement revu à la baisse, à 4,9 % du PIB au lieu de 5 %, et la dette resterait estimée à 111,5 % du PIB en fin d'année. Pour autant, ce PLFR comporte des mesures nouvelles en dépenses, notamment pour faire face à la hausse des prix de l'énergie, financées par des recettes plus élevées qu'attendu, et des annulations de crédits.
Je cède sans plus attendre la parole au ministre pour qu'il nous expose le détail de ces mouvements en recettes et en dépenses.
ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics. - Après vous avoir quitté nuitamment sur la loi de programmation des finances publiques (LPF), je vous retrouve ce matin pour le PLFR 2. Nous retournons dans le présent immédiat, pour un texte classique de fin de gestion pour l'année 2022. Au-delà de sa dimension technique, ce PLFR s'inscrit dans une logique de complément, de rallonge par rapport au PLFR présenté cet été et largement enrichi par le travail parlementaire. Ce premier PLFR a constitué un effort de soutien majeur de 44 milliards d'euros de crédits supplémentaires, dont 20 milliards d'euros qui ont été consacrés à la protection du pouvoir d'achat.
Le texte que je vous présente aujourd'hui est, certes, plus modeste, mais il comporte des mesures de protection et d'ajustement.
Comme le PLFR 1, il traduit d'abord une volonté de soutenir et de protéger dans un contexte de forte inflation. Une large majorité peut être rassemblée derrière cet objectif. Notre principal défi est d'aider l'économie française à résister face à la flambée des prix de l'énergie. Comme l'a rappelé Mme la Première ministre, les prix du gaz et de l'électricité seront l'an prochain plus de 10 fois supérieurs à ceux de 2020. Pour faire face à ce choc, des dispositions supplémentaires ont été ajoutées par l'Assemblée nationale au nouveau bouclier tarifaire pour 2023. Il s'agit de soutenir aussi bien les ménages, comme nous nous y employons depuis l'automne 2021, que les entreprises : il faut les encourager à produire, à investir et à embaucher. Les mesures mises en place sont coûteuses, mais de nature à consolider l'objectif de croissance fixé à 1 % pour l'an prochain. On peut débattre indéfiniment de la pertinence d'une prévision, mais la croissance dépendra surtout de la confiance et des réformes que nous pourrons insuffler au service de l'activité économique. Le présent texte contribue à créer de la confiance, car il montre que l'État continue à lutter sans relâche contre l'inflation et ses effets.
Pour renforcer le soutien aux ménages, ce PLFR met en oeuvre l'annonce de la Première ministre, le 16 septembre dernier, concernant le versement d'un chèque énergie exceptionnel à 12 millions de ménages. Pour faire face à l'augmentation de 15 % des prix de l'électricité et du gaz en début d'année, les bénéficiaires du chèque énergie classique recevront 200 euros, tandis que les ménages des troisième et quatrième déciles percevront 100 euros. En outre, la LFR 1 a prévu un budget de 230 millions d'euros pour les ménages se chauffant au fioul. Cette aide se traduit par l'attribution, à partir du 8 novembre, d'un chèque spécifique : 200 euros pour les bénéficiaires du chèque énergie ; 100 euros pour les ménages des troisième à cinquième déciles.
Par ailleurs, la Première ministre a annoncé une prolongation jusqu'à la mi-novembre de la ristourne de 30 centimes par litre de carburant pour tenir compte du blocage des raffineries et des difficultés d'approvisionnement. Cela représente un coût de 440 millions d'euros. Entre le 15 novembre et 31 décembre, la ristourne sera réduite à 10 centimes par litres. Pour autant, l'année 2023 ne sera pas synonyme de l'arrêt brutal du soutien apporté à nos automobilistes. Les « gros rouleurs », qui ont besoin de leur voiture pour aller travailler, seront favorisés : nous mettrons en place un dispositif ciblé - il sera assez proche de l'indemnité carburant travailleurs -, dont les modalités seront définies précisément au cours des prochaines semaines. Il s'agit de concentrer l'argent public sur celles et ceux qui en ont le plus besoin. Le « combien ça coûte » n'a jamais voulu dire que nous laisserions les Français à la merci de l'inflation. Seulement, dans un contexte où les taux de nos emprunts avoisinent les 2,5 % à 3 %, il serait déraisonnable de verser l'argent public sans distinction. À cet égard, le Parlement a adopté cet été un doublement du plafond du chèque carburant défiscalisé. Nous souhaitons que les entreprises se saisissent de cette possibilité à compter de 2023.
Ce PLFR soutient aussi les universités, les établissements de recherche et les centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires (Crous). Un crédit de 275 millions d'euros sera immédiatement débloqué pour les opérateurs du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche. Avec Sylvie Retailleau, nous savons que certaines universités sont tentées par l'enseignement à distance cet hiver. Nous préférons des amphis remplis et éclairés, même si cela doit mobiliser de l'argent public. Dans la même logique, une enveloppe de 200 millions d'euros est prévue pour les frais de carburant exceptionnels du ministère des armées, en vue de ses opérations extérieures (Opex). Ce sont donc 2,5 milliards qui sont destinés à l'aide aux Français et opérateurs de l'État.
Le texte procède aussi à des ajustements de fin de gestion dans le souci permanent de tenir les comptes publics. Les ouvertures de crédits pour assurer de nouvelles dépenses s'élèvent à près de 5 milliards d'euros, compensées par des annulations de crédits d'un montant identique. C'est donc un texte d'équilibre budgétaire hors dépenses exceptionnelles liées à la crise de l'énergie.
La principale ouverture de crédit, de 2 milliards d'euros, tend à soutenir France compétences, dont la situation résulte de l'envol du nombre des contrats d'apprentissage, ce qui est une bonne nouvelle pour les jeunes et les entreprises. La LFR 1 avait déjà ouvert 1,8 milliard d'euros de crédits pour cette institution, et près de 750 millions d'euros pour les primes d'apprentissage. Nous devons évidemment continuer à rechercher des économies structurelles chez France compétences. Nous aurons ce débat important lors du projet de loi de finances (PLF), puisque des amendements ont été retenus par le Gouvernement, après le déclenchement de l'article 49, alinéa 3, pour réaliser des économies supplémentaires.
Autre ouverture significative : 1,1 milliard d'euros en faveur de la mission « Défense » financeront notre soutien militaire à l'Ukraine. Nous ouvrons également 450 millions d'euros de crédits pour le prolongement de l'indemnisation des crises agricoles survenues cette année. En contrepartie, nous procédons à des annulations de crédits équivalentes.
Notre second objectif prioritaire est de tenir nos comptes conformément à nos engagements européens et nationaux. Hors dépenses exceptionnelles liées à la crise de l'énergie, les 5 milliards d'euros sont gagés.
Preuve de cette ambition, le solde budgétaire est en très légère amélioration et le déficit public devrait s'établir à 4,9 % du PIB en 2022, soit 0,1 point de mieux que la prévision réalisée pour la dernière LFR. Cela est dû à une réévaluation des recettes - notamment de l'impôt sur le revenu (IR) et de l'impôt sur les sociétés (IS) - plus élevée que les dépenses nouvelles. C'est aussi le signe que notre économie résiste ; celle-ci enregistre tout de même une croissance à 2,5 % - cet objectif était remis en doute par certains prévisionnistes il y a peu. Certaines de nos entreprises continuent à investir, comme en témoignent les chiffres de l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee).
Il ne convient pas de s'adresser des satisfecit, mais il faut reconnaître cette trajectoire de sérieux qui n'a rien à voir avec l'austérité. Nous la tiendrons en 2023 et pour les années suivantes afin d'assurer la stabilisation de la dette et le retour du déficit sous les 3 % du PIB avant la fin du quinquennat. Nous pouvons nous rassembler derrière ce double objectif : la protection de nos compatriotes et la tenue de nos comptes.
Je présente pour la dernière fois aujourd'hui mon rapport sur un budget dont je suis rapporteur spécial depuis longtemps. En considérant ce projet de loi de finances pour 2023, j'éprouve une petite satisfaction. En effet, depuis près d'une dizaine d'années, nous considérons qu'en matière d'enseignement scolaire nous devons nous intéresser au qualitatif plus qu'au quantitatif. Cela nous a notamment opposés à la politique menée pendant le quinquennat du président Hollande, qui jouait la quantité.
Jean-Michel Blanquer, quant à lui, a essayé de prendre en compte deux idées émises par le Sénat, la première consistant donc à ne pas sacrifier le qualitatif. La seconde, à laquelle nous pouvons tous souscrire, quelles que soient nos options politiques, et que le Sénat a soutenue de façon systématique, vise à mettre l'accent sur l'école primaire. En effet, la réussite scolaire se joue dès le premier degré, qui a toujours été un peu sacrifié rue de Grenelle tant il est vrai que, dans ce beau ministère, il vaut mieux être agrégé qu'instituteur.
Pour que ces deux visions s'imposent, les comparaisons avec les pays européens et ceux de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ont joué un rôle important. Ainsi, les débats franco-français sur le sujet ont fini par être tranchés depuis l'extérieur. Le travail des ministres successifs a été considérablement facilité dès lors qu'ils acceptaient de ne plus considérer la France comme le centre de tout, se mettant alors à comparer le pays aux autres en termes de coûts et de résultats. Notre école est la meilleure du monde et nous commémorons religieusement les hussards noirs de la République ! Mais les temps ont changé et le Programme international pour le suivi des acquis des élèves (Pisa) fixe la norme plus sûrement que Le Grand Meaulnes, pour lequel nous continuons de nourrir le plus profond respect. Finalement, ce classement Pisa nous a aidés à débattre de façon apaisée des meilleures manières de faire fonctionner notre enseignement scolaire.
J'éprouve une autre petite satisfaction, que vous devez partager en tant que membres de la commission des finances. En effet, nos rapports sur le recrutement des enseignants de mathématiques et sur les rémunérations des enseignants en Europe ont autorisé certains à considérer la revalorisation des salaires du corps enseignant non plus comme un acte d'allégeance à un syndicalisme conservateur, mais comme une mesure de bon sens, qui permettrait à nos jeunes de se retrouver face à des enseignants meilleurs et plus motivés .
Je ne suis pas un soutien fanatique du Gouvernement - je ne suis pas non plus d'ailleurs un opposant fanatique. Cependant, j'ai de la considération pour la contribution de Jean-Michel Blanquer au Grenelle de l'éducation.
Par ailleurs, le despotisme éclairé qui imprègne tant notre République a permis au président Macron, en vacances à Marseille, de découvrir que l'école française n'allait pas très bien et de prendre des dispositions. Il a ainsi lancé une opération d'innovation reposant notamment sur l'idée - notre commission l'a toujours défendue - de l'autonomie des établissements et de la responsabilité affirmée de leurs chefs. Cette idée est encore très expérimentale et on en mesure mal les contours, comme souvent lorsqu'elles font l'objet de déclarations ayant pour vocation de passionner l'opinion le temps d'un journal télévisé. Il est difficile d'identifier ensuite leur cheminement. En effet, je rappelle que l'éducation nationale compte plus d'1,2 million de personnes rémunérées et que 860 000 enseignants font face à leurs élèves, qu'ils soient du secteur public ou du secteur privé sous contrat. Ainsi, chaque idée géniale émise au sommet traverse un temps d'hystérésis avant de parvenir à la base et d'obtenir des résultats effectifs. Cependant, mieux vaut que ces orientations soient bonnes que mauvaises et ces idées d'autonomie, de responsabilité et de liberté pour les établissements créent un climat intéressant.
Revenant au budget, je ferai deux premières remarques.
D'abord, en ce qui concerne les effectifs, si l'on écarte le problème des accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) sur lequel je reviendrai, nous observons une sorte de stabilité puisque le schéma d'emploi connait une très légère baisse de 1 600 postes pour un effectif de 860 000.
Néanmoins, en ce qui concerne le qualitatif, je note une forte croissance des dépenses salariales puisqu'elles augmentent de 3,6 milliards d'euros, s'élevant à près de 59 milliards d'euros. Un tiers de cette hausse, soit 1,2 milliard d'euros, correspond à la revalorisation de 3,5 % du point d'indice, qui pèse sur les budgets et bénéficie à tous les fonctionnaires de l'État et des collectivités locales.
Ensuite, des mesures catégorielles de hausse des rémunérations traduisent la volonté de soutenir particulièrement la situation matérielle des enseignants. Elles correspondent à la mise en oeuvre des mesures du Grenelle, à une revalorisation « socle » des rémunérations et à une revalorisation conditionnelle. Ces mesures représentent 1,1 milliard d'euros, ce montant étant significatif. Enfin, une dernière enveloppe de 770 000 millions d'euros sera consacrée au glissement vieillesse technicité (GVT).
J'en viens à présent à des problèmes qui ont déjà été évoqués, n'ont pas été réglés et continueront, j'en suis sûr, de préoccuper mes successeurs. Il s'agit d'abord de la difficulté de recrutement. Ainsi, en 2018, 135 000 candidats se présentaient encore aux concours de la fonction publique de l'éducation nationale. Aujourd'hui, ils ne sont plus que 90 000, soit 50 % de moins. Plus grave encore, les postes ont été pourvus en 2018 à hauteur de 95 % par les candidats ayant été admis, mais ils ne sont plus couverts qu'à 83 % en 2022. En outre, la durée des études supérieures ne cesse d'être allongée et il faut désormais avoir obtenu un master 2 pour se présenter à ces concours, ce qui contribue à compliquer le recrutement des enseignants. Il existe des solutions qui ne sont pas faciles à mettre en oeuvre, certains problèmes relevant de questions de société.
À ce titre, je voudrais évoquer deux sujets pour poser le débat. D'abord, il existe des différences de recrutement entre les matières. En effet, certaines formations comme les mathématiques, la chimie ou les sciences physiques, ouvrent de nombreux débouchés dans le secteur privé, plus attractif en termes de salaires, poussant ainsi les étudiants à se détourner de la fonction publique. Certes, ce problème touche moins les étudiants de latin et grec...
Ensuite, le coût et l'agrément de la vie ne sont pas les mêmes partout en France et, si l'Île-de-France peut faire figure de meilleur territoire pour conduire une brillante carrière, il reste l'un des plus chers et l'un des plus difficiles pour tous les métiers du service public.
Le recrutement régional et le recrutement par matières posent donc la question de la différenciation des revenus. Certains pays européens l'acceptent par matières et d'autres, comme l'Allemagne, le pratiquent par territoires. De notre côté, nous appliquons l'unité et cela aboutit parfois à des situations assez cocasses. Ainsi, quand seuls les enseignants les mieux payés peuvent se permettre d'accepter des postes dans des régions comme l'Île-de-France, c'est là que l'on trouve le plus de jeunes, ces postes étant les plus difficiles et les moins choisis par les enseignants expérimentés.
Par ailleurs, si l'on compare les salaires de nos enseignants à ceux des autres pays européens, seuls les professeurs français du secondaire, quand ils sont en deuxième, voire en troisième partie de carrière - en classe exceptionnelle - reçoivent des salaires comparables aux moyennes européennes. Les autres sont en dessous, voire nettement en dessous quand il s'agit des enseignants du primaire. Ainsi, en 1990, un professeur des écoles débutant touchait 1,8 fois le SMIC, contre 1,5 fois aujourd'hui. En fin de carrière, un agrégé de classe exceptionnelle touchait alors 4,6 fois le SMIC, contre 3,3 fois aujourd'hui. Quand la mécanique vous rapproche du salaire minimum, il devient difficile de se sentir motivé et heureux ; c'est une affaire de statut.
Pour faire face à ces difficultés, nous avons recours aux primes et nous sommes le pays d'Europe qui en compte le plus, quatorze étant identifiées. Elles représentent entre 9 % et 15 % du salaire, ce qui est très inférieur à ce qu'elles peuvent représenter au ministère de l'intérieur par exemple. Les enseignants, cadres A du ministère de l'éducation nationale, ont donc des revenus comparables à des cadres B du ministère de l'intérieur. Là encore, ces différences n'incitent pas vraiment à se présenter aux différents concours.
Par ailleurs, les heures supplémentaires offrent aussi une solution. Elles ont un impact significatif, mais profitent plutôt à ceux qui sont déjà les mieux payés. Ainsi, un enseignant en classe préparatoire aux grandes écoles (CPGE) touche en moyenne trois heures et demie supplémentaires, alors que dans les collèges la moyenne est d'une heure et quart pour chaque enseignant. La formule des heures supplémentaires est bonne puisqu'elle permet d'apporter un peu de souplesse. En effet, elles permettent d'avaler des bosses et des difficultés liées à l'évolution démographique et à la résistance opiniâtre que mènent les élus locaux comme nous, puisque nous faisons tout pour maintenir nos collèges ouverts quels que soient les effectifs. Ce faisant, nous ne tenons pas compte d'une réalité : les jeunes ne sont plus forcément présents là où nous sommes élus. Ainsi, le Sud-Ouest, l'Occitanie ou la Bretagne ont des besoins grandissants, mais ce n'est pas le cas du Grand Est, que je représente, où la population évolue de façon négative. Comme nous n'augmentons pas le nombre global des enseignants, pour des raisons légitimes, il faut trouver des solutions partielles et les heures supplémentaires en apportent une. Il faudrait néanmoins élargir la marge de manoeuvre en la matière.
J'en viens aux effets bénéfiques du Grenelle. L'équipement en matériel informatique a été bien accueilli, la prime d'attractivité a eu le mérite de viser les jeunes enseignants débutants, en particulier dans les réseaux d'éducation prioritaire (REP), et la prime de soutien aux chefs d'établissements était bienvenue.
En ce qui concerne les orientations affichées par le Président de la République cet été, une formule assez spectaculaire a été retenue : pas moins de 2 000 euros net par mois pour tous les enseignants. Il s'agit d'une belle opération de communication, mais l'augmentation de 10 % va coûter 1,9 milliard d'euros en année pleine. En outre, j'aimerais connaitre la répartition du socle dans le détail, pour savoir si l'on s'attaque enfin au retard que connaissent les enseignants en début de carrière en termes de salaires, ce retard représentant la faiblesse principale de notre système de rémunération.
Par ailleurs, le « pacte » représenterait jusqu'à 10 % des revenus supplémentaires de l'enseignant, en contrepartie d'engagements pour les enseignants volontaires. Cette enveloppe s'élèverait à 900 millions d'euros en année pleine, en fonction du nombre d'enseignants qui y participeraient.
On ne connait ni la répartition du socle ni les contreparties du pacte et, si je suis plutôt favorable à ces deux mesures, j'aimerais que le ministre s'explique.
En ce qui concerne la question des salaires, je rappelle que l'Allemagne paye ses enseignants en moyenne 50 % de plus que la France. Cependant, elle leur demande 35 heures de présence effective dans les établissements. Avec des durées de cours comparables à celles de notre pays, il s'agit donc pour eux d'assurer des missions d'encadrement des élèves afin d'atteindre ces 35 heures hebdomadaires, sachant que le nombre de semaines travaillées par an est à peu près similaire au nôtre.
Je tiens aussi à évoquer la préprofessionnalisation. Je regrettais plus tôt dans mon propos que l'on mette cinq ans pour accéder aux concours de l'éducation nationale. Cette mesure permet à des étudiants stagiaires d'être déjà présents dans l'enseignement ; elle me semble bonne et commence à être significative.
J'en arrive au problème des AESH, qui tient en particulier à l'absence de lien entre la décision prise par les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) et l'éducation nationale - élèves, enseignants et établissements. Or nous faisons face à une inflation spectaculaire, puisque le nombre de bénéficiaires a pratiquement doublé en dix ans, pour atteindre 400 000 élèves aujourd'hui. Parmi les 333 000 employés de l'éducation nationale qui ne sont pas enseignants, on compte 123 000 AESH, qui ne travaillent pas à temps plein. Leur statut a été amélioré, mais un problème de cohérence demeure entre la politique des MDPH et les capacités de l'éducation nationale à accueillir et à gérer financièrement ce dispositif. L'école inclusive représente un budget de 4 milliards d'euros pour environ 400 000 élèves, qui méritent d'être soutenus, mais qui devraient l'être dans le cadre d'une meilleure coopération entre ceux qui prescrivent et ceux qui organisent.
Sur un tout autre sujet, je prends note d'un motif de fierté. En effet, l'éducation nationale a accueilli 20 000 élèves ukrainiens, essentiellement en Île-de-France, en Auvergne-Rhône-Alpes et dans le Midi. Cet accueil a entrainé un recrutement de contractuels ukrainiens - ils sont à mes yeux essentiels -, afin que ces élèves conservent un lien avec leur monde culturel d'origine, puisqu'ils ont vocation à revenir en Ukraine, selon le souhait exprimé par les familles.
Enfin, nous l'avons évoqué tout à l'heure avec Gabriel Attal, nous observons un début d'évolution quant à la réforme des lycées professionnels. Je signale qu'une concurrence assez sévère ne devrait pas manquer de s'établir entre le statut de l'apprenti, qui est un salarié, et celui du stagiaire, qui travaille en alternance et reçoit des gratifications qui ne sont pas nécessairement compétitives. J'ignore quelle est la stratégie à suivre, mais nous avons la chance d'accueillir le rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, qui pourra donner son avis.
Après avoir bien réfléchi, je vous propose d'adopter ces crédits. Cependant, il faudra poser en séance publique des questions auxquelles le ministre doit répondre. D'abord, il faudra poser une première question visant à obtenir des explications sur deux sujets : la répartition du socle et les contreparties du pacte, notamment pour savoir si, comme l'a évoqué le président Macron, on s'apprête à proposer aux chefs d'établissements des enseignants plus disponibles pour des tâches différentes.
La seconde question que je voudrais poser au ministre concerne l'élitisme républicain. J'en suis issu, j'ai passé les concours administratifs : sans ces lycées ou établissements sous contrat, mon parcours aurait sans doute été différent. Je souhaite que le ministre conserve ces établissements qui tirent notre système vers le haut. Il ne faut pas les supprimer au prétexte qu'ils concentreraient les meilleurs élèves. Ce n'est pas ainsi qu'on aidera les autres. Lorsque je dirigeais la région Lorraine, j'ai ouvert, en lien avec le directeur de Science Po-Paris, les premières filières en province d'accès direct à Science Po dans les lycées professionnels. Cela a fonctionné. Mais lorsque l'on a la chance de disposer de professeurs de classes préparatoires de grand talent, d'élèves motivés et de familles prêtes à les soutenir, il ne faut pas se priver d'un tel système. Ce n'est pas en sacrifiant la rive gauche que l'on aidera la Seine-Saint-Denis ! Je serai donc attentif aux propos de notre ministre. Mon expérience me montre que le diable se cache dans les détails, mais on ne le découvre souvent que lorsque l'on n'est plus ministre...
Votre prévision de croissance du PIB de 2,7 % reste inchangée. Le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) la juge crédible au regard des informations dont il dispose. Depuis, l'Insee note un ralentissement de l'activité. Il estime en outre que l'activité ne devrait pas progresser au quatrième trimestre. La croissance du PIB en 2022 serait donc de 2,5 % et non de 2,7 %. Quelles sont vos observations sur ce point ? Quelles conséquences concrètes en tirez-vous sur le budget ?
Le PLFR accroît le plafond des autorisations d'emplois de plus de 1 100 équivalents temps plein travaillés (ETPT) pour l'État et ses opérateurs au titre de 2022. Allez-vous déposer un amendement sur le PLF pour accroître les plafonds d'emploi de 2023 ? Cette augmentation est-elle seulement une anticipation des augmentations déjà prévues pour 2023 ?
Le fameux sujet de France compétences est un puits sans fond où l'on injecte régulièrement des sommes importantes, déraisonnables eu égard à une imprévision de la part du Gouvernement. Le texte prévoit une nouvelle ouverture de crédits de 2 milliards d'euros, outre les 2 milliards d'euros prévus cet été. Espérons qu'un nouveau PLFR n'intervienne pas d'ici à la fin de l'année... Comment expliquez-vous ces besoins ? Pourquoi les prévisions n'ont-elles pas été meilleures ? Jusqu'où irons-nous dans cette réforme qui souffre d'une impréparation chronique ?
Dans le PLFR 1, nous vous avions mis en garde et nous avions formulé des propositions pour resserrer la maille des économies possibles. Mais vous aviez balayé un certain nombre d'amendements par des objections étayées. Puis, vous annulez près de 2 milliards d'euros sur les crédits ouverts pour les appels en garantie, de l'ordre de un milliard d'euros sur la mission « Plan d'urgence », et 500 millions d'euros sur la dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles. Finalement, vous proposez aujourd'hui les amendements que vous aviez refusés au Sénat. J'y vois un acte de contrition. Mais il est dommage de ne pas avoir réalisé ce travail plus tôt, qui aurait permis de se rapprocher de la réalité. Pourriez-vous identifier, dans ce PLFR, des annulations de crédits qui correspondraient à un effort d'économie ?
Je remercie le rapporteur spécial pour son analyse précieuse. Je n'évoquerai pas la préparation de la rentrée scolaire. La chute du nombre de candidats dans les concours de recrutement est préoccupante. Les conséquences s'en feront sentir à long terme.
Ce projet de loi de finances traduit des efforts significatifs pour améliorer la rémunération des enseignants. Le retard accumulé était considérable. Il est essentiel que ce choc d'attractivité se poursuive, mais cela reste incertain. J'espère que le ministre nous rassurera. La revalorisation engagée depuis le Grenelle de l'éducation de 2021 a rencontré des difficultés. Le ministre a raison de refuser que des enseignants puissent gagner moins de 2 000 euros par mois. En 2020, un professeur des écoles gagnait 1 961 euros net en début de carrière, un professeur certifié, 2 056 euros, un professeur de lycée professionnel, 2 130 euros, et un professeur agrégé, 2 400 euros. C'est trop peu. Au-delà de l'aspect financier, il y va aussi de la considération sociale.
Il convient aussi d'améliorer les conditions d'exercice du métier. Mais il est à craindre que ces mesures ne suffisent pas, tant le problème est profond. Le rapporteur spécial a évoqué le schéma d'emplois. On aurait pu imaginer qu'au lieu de supprimer 2 000 postes d'enseignants on réduise le nombre d'élèves par classe.
M. le rapporteur général a dit tout ce que le Sénat avait pensé et soutenu à l'époque sur les annulations de crédits. La problématique n'est-elle pas identique pour les estimations de recettes ? Le rôle des maires revient souvent à constater la « poche de précaution » réalisée par le directeur général des services. Ces recettes supplémentaires sont découvertes au bon moment sans avoir été clairement affirmées auparavant. Merci de confirmer ou d'infirmer mon impression.
Ma réponse ne vous surprendra pas...
La prévision de croissance à 2,7 % a effectivement été jugée crédible par le HCFP. Dans la foulée, les données de l'Insee pouvaient laisser penser que l'objectif serait plus difficile à atteindre que prévu. Je rappelle qu'en juillet, le HCFP avait jugé un peu élevée la prévision de croissance qui était alors de 2,5 %, que l'Insee avait au contraire confirmée le lendemain. Pourquoi maintenons-nous nos prévisions ? Parce que l'activité continue de progresser, avec une augmentation de 2,8 % au dernier trimestre. Tout n'est pas florissant, j'en conviens, mais cela témoigne d'une économie résiliente. Les chiffres de la croissance sont même en hausse de 0,5 % - au deuxième trimestre - et de 0,2 % - au troisième trimestre -, et ce malgré la guerre en Ukraine. La production manufacturière progresse de 0,6 %. De plus, les premières enquêtes que nous avons réalisées auprès des entreprises sur le quatrième trimestre sont toutes favorables. En octobre, le climat des affaires de l'Insee est fixé à 102, ce qui suggère une croissance toujours dynamique. Par ailleurs, nos stocks de gaz sont remplis à plein pour l'hiver, éloignant le risque de rupture d'approvisionnement. Notre prévision de croissance pour 2022 est proche des dernières prévisions, à 2,6 % selon l'Insee, la Banque de France et l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), et à 2,5 % d'après le Fonds monétaire international (FMI).
Sur les autorisations d'emploi, le relèvement du plafond de plusieurs ministères à hauteur de 907 ETPT s'explique par la hausse du plafond pour le ministère de la justice - 691 ETPT -, dont nous voulons augmenter le réarmement, après une hausse de son budget de 40 % entre 2017 et 2023. Nous voulons aussi prévoir 8 500 postes supplémentaires de personnels de justice. L'augmentation du plafond des ETPT tire la conséquence du renforcement de la lutte contre les violences intrafamiliales, y compris au profit de la justice de proximité. Cette correction donnera effectivement lieu à un amendement de coordination dans le PLF pour 2023.
Le débat sur France compétences est légitime et important. Nous en avons déjà parlé lors du PLFR 1 ; la situation n'est pas satisfaisante et nous devons apporter des économies structurelles à cette institution.
D'abord, le succès de l'apprentissage conduit à une envolée des coûts-contrats des centres de formation des apprentis (CFA) de plus de 10 milliards d'euros. Selon la Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), la hausse était, en août 2022, de 13 % par rapport à 2021. Ensuite, le compte personnel de formation (CPF) est désormais également financé par France compétences pour 3 milliards d'euros. Enfin, des recettes affectées au titre de la contribution unique à la formation professionnelle et à l'alternance (CUFPA) s'élèvent à 10 milliards d'euros, ce qui est insuffisant pour couvrir les besoins de financement.
Face à ce déséquilibre défavorable entre les recettes et les dépenses, l'opérateur a recouru à des emprunts de court terme onéreux. Les subventions de 2,8 milliards d'euros en 2021, de 4 milliards en 2022, et de 1,7 milliard d'euros prévus dans le PLF pour 2023 visent à éviter une rupture de trésorerie. Pour autant, même si nous nous réjouissons que le nombre d'apprentis soit passé de 300 000 en 2017 à plus de 700 00 aujourd'hui, nous avons décidé de déployer depuis la rentrée plusieurs mesures d'économie.
Nous ajustons les coûts-contrats aux coûts réels supportés par les CFA, conformément à la proposition n° 19 du rapport sénatorial sur France compétences de Mmes Frédérique Puissat, Corinne Féret et de M. Martin Lévrier, publié le 29 juin 2022. Entre 2022 et 2023, nous visons une baisse de 10 % des coûts-contrats dans les CFA, soit une économie de 800 millions d'euros. Ensuite, nous voulons mieux réguler le compte personnel de formation, en limitant la fraude et en éliminant du répertoire des formations qui n'ont pas vocation à être financées par le CPF. Nous avons retenu à l'Assemblée nationale, dans le cadre de l'article 49-3, un amendement permettant l'instauration d'une participation financière des bénéficiaires du CPF, telle que l'avaient proposé la Cour des comptes et la proposition n° 11 du rapport sénatorial précité. Nous allons négocier le montant de cette participation avec les partenaires sociaux, ce qui garantira de vraies formations.
D'autres mesures viseront à compléter ce plan de redressement. Nous serons très attentifs à vos propositions en la matière.
S'agissant des annulations de crédits, nous faisons plutôt des économies de constatation. Je vous rejoins, monsieur le rapporteur général, une partie d'entre elles avaient été identifiées cet été. Pour la mission « Plan d'urgence », nous annulons 500 millions d'euros sur 1 milliard d'euros. De même, l'annulation des 2 milliards d'euros sur les crédits ouverts pour les appels en garantie est un bon signe.
Enfin, monsieur le président, nous ne sous-évaluons pas les recettes, nous essayons de viser au plus juste. La prévision est toujours très difficile du fait des aléas, de la guerre, de l'inflation ; cela incite à une forme de prudence.
En effet, la baisse du nombre d'élèves est considérable. Nous pourrions peut-être toutefois profiter de cette situation pour renforcer l'encadrement éducatif.
Je suis inquiet lorsque je constate que 30 % des démissions sont le fait de nouveaux professeurs. Cela reflète les difficultés ou le malaise des enseignants stagiaires. De plus, ces démissions ont souvent lieu en début d'année scolaire. Je ne parlerai pas de la formation express de quatre jours des enseignants contractuels...
J'espère donc que les revalorisations renforceront l'attractivité de ce beau et noble métier d'enseignant. Au-delà des chiffres, nous attendons aussi du ministre qu'il nous livre sa vision de l'éducation nationale. Nous l'avons peu entendu à ce propos.
Vous venez de décliner ce PLFR, qui contient un mécanisme de soutien pour les universités, les opérateurs de recherche et les Crous, à hauteur de 275 millions d'euros. À Grenoble sont implantés des centres de recherche très importants. Comment cette aide sera-t-elle répartie entre eux ? Pouvez-vous nous en préciser le fonctionnement et les conditions d'attribution ?
Je remercie notre rapporteur spécial pour son analyse étayée par l'expérience. Il a évoqué les difficultés de recrutement, mais de plus en plus d'enseignants abandonnent en cours de carrière. Peut-on chiffrer et comment expliquer cette évaporation des effectifs ? Celle-ci complique la tâche de l'éducation nationale pour piloter la ressource humaine.
En ce qui concerne les AESH, notre rapporteur spécial plaide pour une meilleure articulation entre l'éducation nationale et les MDPH, qui relèvent des conseils départementaux. Je plaide plus généralement pour une meilleure articulation avec les collectivités territoriales. L'État et les collectivités signent des conventions pour organiser la coordination des activités scolaires et périscolaires dans les écoles, mais le recrutement des AESH dépend uniquement de l'État. De plus, il s'agit souvent de contrats à temps partiel, non à temps complet, et les rémunérations ne sont pas très élevées. Il conviendrait donc que l'État et les collectivités se coordonnent davantage pour renforcer l'attractivité de ces métiers. J'espère que la création de 4 000 postes d'AESH prévue dans ce projet de loi de finances ne sera pas qu'un effet d'affichage !
Je reviens sur les recettes, car j'avais déjà avancé l'argument d'une sous-évaluation en vue de l'élection présidentielle de 2022. La documentation concernant les hypothèses retenues est toujours trop peu fournie. Pour 2023, nous sommes plutôt face à une surévaluation, et le 1 % de croissance sera difficile à atteindre. Je me réjouis de l'augmentation des investissements de 2,8 %. Mais le plus inquiétant, c'est que les investissements productifs aient tendance à baisser.
Je m'inquiète aussi des dépenses de France compétences et de celles de guichet, à l'instar de l'aide médicale d'État (AME) dont j'ai dénoncé la situation. En outre, l'apprentissage ne cible pas toujours les personnes les plus éloignées de l'emploi. Cela m'interpelle, car j'ai tendance à ne pas dépenser plus que ce que je gagne. Fixons juste un montant annuel à ne pas dépasser.
Pour ce qui est des collectivités territoriales, un bouclier a été voté à l'été. Il ne touchera pas autant de communes que prévu. Dépensera-t-on réellement les 1,5 milliard d'euros ? Sur quels critères sera arrêté le soutien supplémentaire d'un milliard d'euros ?
Je remercie le rapporteur spécial pour sa présentation, son expertise et son franc-parler. Je ne savais pas que l'on comptait 123 000 AESH. Dans la mesure où les MDPH dépendent des départements, ne serait-il pas logique de leur confier totalement la gestion des AESH en décentralisant ? Cela serait source d'économies.
Les enseignants choisissent de partir en retraite tôt, car ils n'en peuvent plus. Ne pourrait-on trouver une formule pour que les enseignants en fin de carrière accompagnent les jeunes professeurs ?
Je me fais le porte-parole de Vincent Delahaye, qui voulait poser deux questions. Il constate que le nombre d'élèves a diminué de 2,7 % en deux ans alors que le nombre de professeurs a baissé de 0,2 %. Il voudrait savoir si le nombre de professeurs par élève en France n'est pas supérieur à la moyenne européenne ? En outre, sur 1,2 million de personnels du ministère, 860 000 sont enseignants. Que font les 340 000 autres ? Ne pourrait-on réaliser des économies ?
Ma première question est liée au bouclier tarifaire pour les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). J'ai cru comprendre que le Gouvernement avait pris des engagements, mais qu'en est-il pour 2022 ? Je ne vois rien dans le présent texte. Comment comptez-vous aider ce secteur ?
Ma seconde question porte sur l'article 2, qui modifie des versements à l'intérieur du compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers » ou « CAS Radars ». Son étude d'impact ne mentionne pas les effets pour les collectivités. Plus les prélèvements au titre de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) sont importants, moins la somme reversée diminue. Or les communes de plus de 10 000 habitants de l'Île-de-France sont obligées de reverser un montant fixe. Pouvez-vous nous donner des explications à ce sujet ?
Enfin, à l'Assemblée nationale, un amendement de suppression du CAS n'a pas été retenu. Pourtant, cette solution bienvenue avait été préconisée par l'exécutif. L'arbitrage aurait-il été en votre défaveur ?
Je remercie notre rapporteur spécial ainsi que le rapporteur pour avis. Nous partageons globalement les inquiétudes et les points de vigilance qui ont été évoqués.
La « revalorisation socle » peut poser des difficultés de motivation du corps enseignant en général.
Les besoins en effectifs enseignants étaient réels. En dépit des appréciations portées sur le quinquennat du président Hollande, le quantitatif a permis que nous entrions, aujourd'hui, dans la phase qualitative. La crise du recrutement que nous connaissons aujourd'hui - 83 % des postes pourvus, appel massif au recrutement de contractuels - peut remettre le qualitatif en question. Nous devons être vigilants.
Vous avez mentionné les « préprofesseurs ». Je pense que les « prévocations », qui peuvent amener les meilleurs élèves à vouloir embrasser la carrière d'enseignant, peuvent être une piste. C'est tout simplement l'avenir de notre pays qui est en jeu.
Nous constatons que le budget permet d'envisager des améliorations tangibles, mais nous attendons du ministre des explications plus précises sur la répartition du socle et du pacte, qui nous semble quelque peu complexe à mettre en place parce que beaucoup de tâches sont aujourd'hui effectuées par les enseignants. S'agit-il de valoriser ce que font de fait aujourd'hui la plupart des enseignants dans les établissements scolaires ?
Nous nous abstiendrons du fait des points de vigilance et des inquiétudes qui ne sont pas levés, notamment s'agissant de la crise du recrutement. Que l'on ait perdu autant de candidats en quatre ans pose véritablement question. La rémunération est une explication, mais il y en a sans doute d'autres.
Merci de cette présentation. Je partage tout à fait vos propos sur l'impératif de confiance. C'est pourquoi je voudrais mieux comprendre la portée des Fonds de compensation et de crédits frais pour les universités et les organismes de recherche.
Il me semble que le Fonds de compensation des coûts de l'énergie doit s'appliquer en 2023. Alors pourquoi ces crédits sont-ils ouverts en PLFR pour 2022, et non pas en PLF pour 2023 ? Le Fonds doté de 275 millions d'euros serait-il abondé par 150 millions d'euros de crédits frais ouverts dans le présent PLFR ? Les 125 millions d'euros complémentaires seraient-ils prélevés, d'une part, sur la réserve de précaution des opérateurs de recherche, et, d'autre part, sur les crédits dégagés par l'abaissement du nombre de boursiers ? Pourriez-vous nous apporter des éclairages à ce sujet ?
Étant fils d'un professeur agrégé de mathématiques, lui-même fils d'un petit boulanger de montagne, j'ai été ému par ce qu'a dit notre rapporteur spécial sur l'élitisme républicain.
J'insiste sur la baisse des effectifs. Hier soir, vous avez évoqué, en séance, 500 000 élèves en moins. Cette diminution ne sera pas sans conséquence sur les futurs budgets de l'éducation nationale. Qu'en fera-t-on ? Choisira-t-on de travailler davantage sur le qualitatif ou de donner un coup de rabot budgétaire ?
Il faut mieux cerner cette baisse des effectifs. Va-t-elle impacter l'enseignement primaire davantage que l'enseignement secondaire ? Impactera-t-elle de manière homogène tous les territoires ? Une fermeture de classe est moins anodine dans un secteur rural de montagne que dans un groupe scolaire d'une grande ville...
On se croirait au conseil municipal quand les trésors cachés apparaissent. À tout prendre, comme je suis plus pessimiste pour 2023, je préfère une surestimation des dépenses et une sous-estimation des recettes que l'inverse !
Sur la mission « Plan de relance », nous avons trouvé un équilibre avec 298 millions d'euros de moins sur l'écologie et 298 millions d'euros de plus sur la compétitivité. Hier, monsieur le ministre, vous avez évoqué les accompagnateurs de MaPrimeRénov' mais combien d'artisans abandonnent la certification RGE du fait de la complexité du montage du dossier à réaliser. Le mien a duré dix-sept mois ! Cela pourrait expliquer les crédits non consommés.
L'imprévisible ne peut être prévu, mais là, vous annulez 500 millions d'euros sur la dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles. Dispose-t-on d'un filet de sécurité ?
Enfin, le concours financier aux collectivités locales est amputé de 80 millions d'euros. De nombreux maires s'en plaignent. J'appelle à un peu plus de réactivité et de compréhension du terrain.
Ma question n'est pas de nature budgétaire : elle porte sur le qualitatif. L'autorité des professeurs va-t-elle revenir au goût du jour ? Le redoublement sera-t-il dorénavant perçu comme un outil qui permet aux enfants d'atteindre un niveau compte tenu de leur maturité ? Je m'interroge sur les erreurs du passé.
Vous avez dit que le chèque carburant irait dorénavant aux travailleurs. Comment réglerez-vous la question, sachant que le taux de chômage est très élevé et que les Français roulent surtout le week-end ?
Pouvez-vous nous rappeler quel est l'objectif du CPF ? Le sujet fait l'objet de nombreuses controverses. Existe-t-il un indice de résultat à ce sujet ?
À vous entendre, le prêt garanti par l'État (PGE) serait satisfaisant en raison du faible taux de contentieux. Envisagez-vous d'autres critères comme le nombre de radiations de sociétés - en hausse vertigineuse - et les fortes difficultés de trésorerie ?
Je veux interroger notre rapporteur spécial sur le dispositif des territoires éducatifs ruraux. L'académie d'Amiens expérimente ce dispositif, qui connaît, dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2023, une augmentation de 9 millions d'euros. Cette hausse est bienvenue, parce que le bilan demeurait en demi-teinte depuis son lancement en janvier 2021, avec une gouvernance éclatée entre les services de l'État, la direction académique et les élus locaux, le ministère de l'éducation demeurant en filigrane le pilote de chacun des projets. Il y a, en outre, une forme d'inégalité avec le programme des cités éducatives, qui bénéficie, pour sa part, de plus de 100 millions d'euros versés par le ministère de la ville sur la période pluriannuelle 2020-2022.
Ma question est simple : l'accompagnement de l'État sur le projet des territoires éducatifs ruraux est-il véritablement à la hauteur de l'enjeu, qui est d'assurer une continuité pédagogique entre les territoires ?
Merci de votre présentation. Lors de chaque PLF et PLFR, il faut à la fois prendre en compte la situation économique et les crises pour s'adapter et ne pas casser la croissance. Sans compter les réponses à donner à nos compatriotes. Même si le solde s'améliore légèrement, nous restons dans une logique quelque peu dépensière. Face à cela, avec l'inflation, nous constatons une remontée des taux. Peut-on conserver encore longtemps une politique monétaire restrictive et une politique budgétaire accommodante ?
Notre collègue rapporteur pour avis a dit l'essentiel : l'argent est important, mais il ne fait pas tout. L'éducation ne peut fonctionner sans valeurs partagées entre jeunes, enseignants et parents. C'est le bon fonctionnement de cette trinité qui peut améliorer la situation.
Cela dit, il faut bien reconnaître que, dans la société d'aujourd'hui, le métier d'enseignant continue d'avoir une productivité faible : former un jeune prend toujours autant de temps et coûte toujours autant d'argent. Cependant, l'intelligence artificielle, l'informatique, le numérique sont utiles, mais ne remplacent pas l'implication personnelle de l'enseignant envers ses élèves et l'écoute de l'enseignant par les élèves. C'est une singularité dont il faut tenir compte.
Nous souhaitons tous connaître l'avis de M. le ministre. Ce n'est pas un homme politique : c'est un « rechercheur », un homme cultivé, et une démonstration vivante de la dimension internationale de notre culture. Il y a chez cet homme des promesses, dont on aimerait qu'elles se transforment en engagements et en convictions personnelles affichés publiquement. C'est la raison pour laquelle j'attends le débat en séance avec beaucoup d'impatience. Le parcours de Jean-Michel Blanquer, qui avait été enseignant, chef d'établissement, recteur, directeur au ministère, était beaucoup plus balisé.
Monsieur le rapporteur général, s'il y a plus de sorties en cours de carrière, il n'y en a pas beaucoup. En revanche, phénomène assez sympathique, il y a des entrées en cours de carrière, notamment parmi les contractuels - des hommes et femmes cadres qui, à un certain âge, décident de se reconvertir dans l'enseignement. Pourquoi la sortie en cours de carrière est-elle rare ? C'est la contrepartie positive d'un système de rémunération qui favorise largement l'ancienneté. Avec le temps, non seulement les enseignants sont mieux payés, mais ils ont plus de chances de travailler près du soleil, de la mer ou d'une ville universitaire - leurs destinations préférées. Le risque n'est donc pas excessif.
S'agissant du rôle des collectivités locales à l'égard des AESH, il est évident que nous avons le devoir absolu d'assurer une coordination entre les conseils départementaux, responsables des MDPH, et l'éducation nationale au sens large : le recteur, qui a une vision globale, les directeurs départementaux et les chefs d'établissement. Nous avons les mêmes difficultés de recrutement dans le secteur social dans nos départements.
D'ailleurs, le Gouvernement a intégré, dans son recours à l'article 49 alinéa 3 de la Constitution sur la seconde partie du projet de loi de finances, un amendement portant revalorisation de 10 % des revenus des AESH, pour un coût total de 80 millions d'euros. Il convient de saluer l'effort, mais, si c'est pour priver l'aide sociale à l'enfance (ASE) de jeunes dont elle a besoin, le match sera vraiment « nul », au sens propre du terme ! Il faut vraiment une coordination entre l'Assemblée des départements de France (ADF) et le ministère sur la question des AESH. Sans cet accord, on risque de voir des compétitions stupides... Cela rejoint la préoccupation de Michel Canévet, qui souhaiterait une décentralisation plus large. Je suis complètement d'accord avec cette idée.
Le tutorat commence à exister pour la formation des enseignants, notamment grâce à la préprofessionnalisation, mais on pourrait imaginer qu'il soit beaucoup plus systématique et qu'il y ait en quelque sorte une formation des enseignants par apprentissage, ce qui est un peu la tendance. Cela mériterait une réflexion plus approfondie.
Pour répondre à M. Delahaye, les taux d'encadrement sont plutôt faibles par rapport aux moyennes européennes. C'est vrai dans le primaire comme dans le secondaire. Dans le premier degré, nous avons un professeur pour 19 élèves, contre une dizaine en Italie ou en Belgique. Dans le second degré, nous avons 24 élèves par classe, ce qui nous place parmi les mauvais élèves de l'Europe, aux côtés du Royaume-Uni notamment.
Les baisses d'effectifs que nous allons connaître pourront entraîner une baisse du nombre d'enseignants, mais certainement pas de façon parfaitement homothétique et strictement proportionnelle - il existe, d'ailleurs, des problèmes géographiques. Je confirme à Didier Rambaud que les effectifs diminueront de 50 000 par an lors des huit à dix prochaines années.
M. Jeansannetas me rappelle que le quantitatif d'hier permet le qualitatif d'aujourd'hui. Je lui donne acte de son optimisme et de sa confiance. Il faut d'ailleurs reconnaître que ce n'est pas complètement faux...
Les contractuels sont non pas un risque, mais une chance : l'introduction, à l'école, d'hommes et de femmes qui ont une autre expérience permet à la communauté éducative une ouverture sur d'autres formations, d'autres parcours. Le taux de contractuels est de 8 %. C'est significatif, mais ce n'est pas une tragédie. Compte tenu des évolutions à venir, c'est même, pour la commission des finances, la certitude de pouvoir réadapter progressivement les effectifs aux besoins réels.
Vous avez mille fois raison sur l'affectation du socle et la contrepartie du pacte. Nous sommes tous d'accord sur ce sujet.
M. Segouin a posé une question majeure : celle de l'autorité du professeur. Il faut installer l'établissement comme un lieu disposant d'une véritable identité dans le territoire où il sert. Le fait d'être un établissement public n'interdit nullement cette identité. Il faut sans doute évoluer sur les responsabilités du chef d'établissement. Je rappelle toujours l'exemple des lycées agricoles : ces établissements publics ont un directeur qui a de l'autorité, un conseil d'administration qui a une certaine liberté et un président de conseil d'administration qui a la faculté d'aider l'établissement. Cela change complètement les relations entre les dirigeants, les enseignants et leurs élèves. Le climat est fondamentalement différent quand les parents et les élèves savent que leurs enseignants sont écoutés par un directeur qui dispose d'une autorité et de moyens d'intervention. Pour rétablir le respect, il faut que toute la hiérarchie des adultes soit solidaire et puisse répondre de manière homogène. Quand l'éducation nationale exige, au nom de l'obligation scolaire, que le chef d'établissement recase dans un autre établissement l'élève dont il ne veut pas, il se prive de la possibilité d'écarter un élève. Or il suffit d'un enquiquineur pour perturber toute une classe...
Il faut une solidarité entre adultes : parents, enseignants, membres du conseil d'administration, mais aussi élus, doivent intégrer l'établissement comme étant le leur, et non comme une enclave de la rue de Grenelle sur leur territoire. Il faut rechercher tout ce qui peut renforcer les liens entre l'établissement et le tissu des élus et des professionnels d'un secteur. Je cite toujours l'exemple des lycées agricoles. Je pense que donner au proviseur la faculté de soutenir ses enseignants face aux élèves changerait pas mal de choses. Ce serait encore mieux si les parents cessaient d'avoir peur de leurs enfants...
Pour que les professeurs soient heureux, il faut qu'ils aient la certitude d'être soutenus. Or ils ont la certitude de ne pas l'être. Les remontées du terrain montrent que le « pas de vague » ruine la qualité de l'enseignement.
M. Lefèvre nous dit que les villes sont mieux traitées que les territoires éducatifs ruraux. Il a sans doute raison, mais j'apporterai une nuance : les territoires ruraux bénéficient le plus souvent de taux d'encadrement très supérieurs au milieu urbain. En territoire rural, on a moins d'argent, mais la relation humaine est plus solide. On respecte encore les enseignants. Les parents connaissent les enseignants, ceux-ci se connaissent entre eux et connaissent les parents. À cet égard, maintenir des collèges qui n'accueillent guère plus de 100 élèves est un non-sens pédagogique, mais c'est un confort sur le plan humain. Le milieu urbain est tout de même beaucoup plus difficile du fait de l'hétérogénéité des populations et de comportements qui ne sont pas spontanément favorables au respect de l'enseignant.
Concernant les territoires éducatifs ruraux, pour l'instant, le PLF pour 2023 prévoit une hausse de 2 millions d'euros pour l'expérimentation lancée en 2021 dans 23 territoires. Le coût total en 2023 sera d'environ 4 millions. C'est bien, mais ce n'est pas cela qui fera la différence. Je pense que notre monde rural est privilégié en termes de qualité d'enseignement, dès lors que l'on a des enseignants stables.
Je me félicite à mon tour des crédits annoncés pour les universités, qui avec les hôpitaux disposent souvent de locaux vétustes. J'attends moi aussi des mesures concrètes après les annonces généreuses de bouclier tarifaire pour les collectivités territoriales.
Rapporteur spécial avec Emmanuel Capus des crédits de la mission « Travail et emploi », je vois plusieurs améliorations à apporter. Ainsi, que l'apprentissage soit sur des crédits ouverts ne me choque pas, car cette politique est un succès. En revanche, il faut en revoir les modalités : on ne traite pas de la même façon des bacheliers et des détenteurs d'un bac+3.
Vous annoncez la prolongation des boucliers carburant et tarifaire. Écologiquement et en termes d'équité, ils sont impossibles à soutenir dans la durée. Comment passer de réponses ponctuelles à des réponses de résilience quand la crise dure ? Ainsi, mieux vaut rénover un logement que financer son chauffage. Si l'on ne peut pas immédiatement investir 10 milliards d'euros dans la rénovation, il faut changer d'ordre de grandeur si l'on veut se sortir de la dépendance aux énergies fossiles. Vous m'avez d'ailleurs attristé avec la caricature que vous faites du vote Nupes.
Par ailleurs, peut-être ces mesures de résilience peuvent-elles offrir une protection plus importante pour les premiers mètres cubes et kilowattheures, avec un retour à des prix plus élevés pour les consommations supplémentaires.
La première loi de finances rectificative a compris certes des crédits pour les collectivités. Cependant, au regard du nombre de bénéficiaires, en deçà des attentes, et des conditions d'éligibilité et de mise en oeuvre sur le terrain, on pourrait presque s'attendre à des annulations de crédits non consommés... on se heurte à de grandes difficultés dans la réalité. L'objectif de soutien aux collectivités va-t-il se traduire concrètement sur le terrain ?
Ensuite, vous avez fait part du maintien des 30 centimes jusqu'à la mi-novembre, puis des 10 centimes jusqu'à la fin 2022 pour les carburants. J'insiste sur la dimension territoriale de ces besoins : la charge énergétique pour les ménages marque un écart entre ruraux et urbains, encore amplifié pour le carburant. Comment ceux qui ne peuvent s'en passer seront-ils accompagnés au-delà du 1er janvier 2023 ?
Nous examinons un second PLFR et commençons à peine le PLF, mais aucun projet de loi de règlement ne nous a été soumis depuis le rejet de cet été. En aurons-nous un à examiner pour 2021 avant de commencer l'exercice 2023 ?
Vous avez mentionné dans le cadre du PLFR 2 milliards d'euros d'ouvertures de crédits pour les rémunérations publiques, avec 907 ETP créés pour l'État dont 691 au ministère de la justice - ce point ne fait gère l'objet de débats. En revanche, 174 ETP sont créés pour les opérateurs de l'État, parmi lesquels 80 pour les agences régionales de santé (ARS). Certes, celles-ci se voient confier de nouvelles missions pour le contrôle des Ehpad, mais n'aurait-on pas pu réaffecter le personnel existant, dont l'effectif a augmenté avec la pandémie ?
53 ETP sont en outre créés pour les services du Premier ministre : en matière de sobriété, on aurait pu faire mieux... De façon plus générale, ne pourrait-on pas gérer les effectifs de manière plus serrée et plus sérieuse pour le non-régalien ?
Réjouissons-nous que le solde public s'améliore dans le PLFR, mais le groupe UC reste inquiet. Ainsi, l'aide au carburant, plutôt que d'être une demande de guichet, devrait davantage cibler les personnes qui en ont besoin pour se rendre à leur travail. La sortie du dispositif sera difficile : lundi, je constatais que le litre de carburant était à 1,90 euro, soit 2,20 euros une fois les aides expirées. La situation sera épineuse pour les campagnes. Je vous rappelle que, lors de la crise des gilets jaunes, le carburant n'était qu'à 1,50 euro... Il en va de même pour le secteur de la pêche, car il n'y a pas d'autre recours que le carburant pour les navires, dont certains risquent de rester à quai à cause d'un fioul dépassant un euro le litre.
Hier, nous évoquions la loi de programmation des finances publiques en faisant part de nos inquiétudes sur les créations de postes en dépit de la stabilité mentionnée par ce projet de loi. On dépasse les 10 000 créations dans le PLF pour 2023 et 907 au titre de ce PLFR. Dans ces conditions, la stabilité des effectifs sera difficile à tenir. On ajoute encore des postes aux ARS après une première augmentation liée à la crise covid : ces dépenses récurrentes vont peser sur nos comptes.
L'exemple doit venir d'en haut : la création de 50 postes supplémentaires en cabinets ministériels n'est pas un bon signal.
Je reviens à la taxe sur les superprofits. Nous apprécions la présence de l'État auprès de ceux qui sont en difficulté, mais gardons le souci des comptes publics ! Certes, le produit de l'impôt sur les sociétés augmente, mais à situation exceptionnelle, recettes exceptionnelles. Notre budget souffre d'un déficit de 160 milliards d'euros : à un moment, nous n'arriverons plus à nous financer. Gare au défaut de paiement.
Monsieur Didier Rambaud et madame Vanina Paoli-Gagin, sur le fonds d'aide aux universités, 150 millions d'euros de crédits sont bien prévus, auxquels s'ajoute l'effort de marge existante sur les programmes, qui aurait pu être annulé. Distinguer comme vous le faites des crédits « frais » n'a donc pas forcément de sens. Dans le détail, 275 millions d'euros sont abondés pour 2022, pour passer l'hiver. Le programme 150, pour les universités, fait l'objet d'une ouverture de 144 millions d'euros au lieu d'annulations de 55 millions d'euros. Le programme 172, pour les opérateurs de recherche, comporte lui une annulation de 60 millions d'euros au lieu des 115 millions d'euros initialement prévus, soit un gain de 55 millions d'euros. Enfin, le programme 231, sur la vie étudiante, fait l'objet d'une annulation de 68 millions d'euros au lieu de 88 millions d'euros - un gain de 20 millions d'euros. 5 millions d'euros s'y ajoutent pour répondre aux autres besoins des Crous.
Pour la sollicitation des crédits par les universités, je vous renvoie aux travaux en cours et aux précisions que vous communiquera Sylvie Retailleau, qui y travaille avec les opérateurs des universités et de la recherche. Nous avons déjà arbitré un versement en deux temps, homogène tout d'abord à la fin 2022 puis tenant compte de la situation des établissements. La partie non versée en 2022 sera reportée sur 2023.
Monsieur Vincent Delahaye, certes, le projet de loi de finances détaille les recettes, mais pas toujours ce qui sous-tend les prévisions. Si nous n'atteignions pas 1 % de croissance, cela se ressentirait bien sûr sur les recettes. Pour la sécurité sociale, nous prenons l'hypothèse d'une hausse de 5 % de la masse salariale en 2023 après 8,6 % en 2022, soit une hausse de 22,7 milliards d'euros des cotisations en 2023 après celle de 26,8 milliards d'euros en 2022.
Vous avez mentionné France compétences et les primes à l'embauche pour l'apprentissage. Elles sont financées sur le budget de l'État, pas par France compétences, ce qui n'empêche pas de faire des économies, que je promeus. Les crédits alloués au ministère du travail à ces fins ne couvrent pas tous les besoins : le ministère devra donc travailler à un nouveau barème des primes, que présentera Olivier Dussopt. Un soutien différencié, plus important par exemple en dessous du bac, peut être envisagé. Le décollage de l'apprentissage a commencé, de peu, avant les primes, dès l'aide unique à l'apprentissage. Cette simplification a permis une hausse, c'est pourquoi une révision du barème ne devrait pas faire s'effondrer l'apprentissage. Oui, il y a des économies à faire sur France compétences et sur le CPF. Celui-ci doit-il vraiment financer certaines formations - par exemple, 8 millions d'euros pour les massages bien-être et 11 millions d'euros pour la sophrologie ? Par ailleurs, 500 millions d'euros financent les tests de langue. Si ces derniers sont utiles, ils relèvent de la certification et non de la formation.
Messieurs Vincent Delahaye et Stéphane Sautarel, le filet de sécurité que vous aviez voté pour 2022 s'élevait à 430 millions d'euros, il sera de 1,5 milliard d'euros pour 2023. Après le vote de cette mouture 2022, issue d'une initiative socialiste et adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale puis modifiée par le Sénat, les services de l'État ont proactivement contacté 8 500 collectivités pour les en informer. Ainsi, 1 500 demandes d'acompte ont été reçues et 750 sont déjà acceptées. Chaque semaine, mon cabinet contactera par courriel les sénateurs et les députés pour leur communiquer les acomptes reçus par les communes de leur département.
Le filet de sécurité 2023 est modifié par un amendement parlementaire maintenu dans le cadre du 49.3. Je m'en remets à la sagesse sénatoriale sur ce sujet. Le montant est plus que triplé : notre objectif est qu'il soit bien employé.
Christine Lavarde, pour chaque exercice, un PLFSS rectificatif est intégré au PLFSS de l'année suivante - la deuxième partie. Nous y prévoyons une enveloppe de 800 millions d'euros pour faire face aux surcoûts de l'inflation dans le secteur hospitalier et médico-social, montant travaillé avec les fédérations. Le besoin exprimé était de 1,1 milliard d'euros. Il est satisfait en prenant en compte les 300 millions d'euros initialement provisionnés Je remercie la rapporteure générale de la commission des affaires sociales du Sénat d'avoir rétabli cet élément supprimé par une coalition des oppositions à l'Assemblée nationale.
Nous étudions la rebudgétisation du compte d'affectation spéciale (CAS) « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers », dit « Radars », notamment au regard de la révision de la LOLF intervenue en 2021 qui appelle à une rationalisation des dispositifs extra-budgétaires. Toutefois cela nécessite une concertation avec le ministre de l'intérieur, les collectivités locales et l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf). J'y suis pour ma part favorable.
Monsieur Bilhac, oui, l'objectif est de simplifier les choses pour les collectivités et pour les particuliers. Mes collègues Olivier Klein et Christophe Béchu vous répondront de façon plus précise sur ce sujet.
La dotation pour les dépenses accidentelles et imprévisibles diminue de 1 milliard d'euros à 500 millions d'euros.
Monsieur Vincent Segouin, sur le chèque carburant travailleur, nous serons sans doute proches de l'indemnité carburant travailleur que nous avions proposée au Parlement cet été afin de sortir de la ristourne au profit d'un dispositif plus ciblé. Toutefois nos discussions avec le groupe Les Républicains de l'Assemblée nationale, nécessaires pour avoir une majorité sur ce texte, nous ont conduits à cette ristourne augmentée.
Je propose que la DGFiP vous présente le nouveau dispositif : celui-ci est simple et son premier critère est d'avoir des revenus d'activité. Cela exclut certes des personnes, dont les retraités, mais, il faut bien cibler. Vos numéros de télédéclarant et de carte grise suffisent pour obtenir un versement sous 3 à 5 jours. Le dispositif tel qu'il a été présenté cet été devait bénéficier à 12 millions de personnes. Je précise, monsieur Stéphane Sautarel, qu'il comprend une bonification en fonction de la longueur du trajet déclarée. Cette partie déclarative pourra d'ailleurs s'assortir de contrôles aléatoires.
Monsieur Vincent Segouin, la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel avait pour objectif de démocratiser l'accès à la formation professionnelle avec le CPF à raison de 500 euros par an, plafonnés à 8 000 euros. Ce système en euros est nettement plus simple que le précédent, qui s'entendait en volume horaire. Cela étant, la dépense augmente, avec un prix moyen de 1 420 euros pour une formation en 2022, soit 14 % de plus qu'en 2019. En outre, certaines prestations sont déconnectées de l'objectif de montée en compétences.
Je suis d'accord avec vous, la sinistralité des PGE doit être examinée avec plus de précision. Il y a bien une remontée des défaillances d'entreprises, avec 37 000 défaillances d'octobre 2021 à septembre 2022, mais cela reste 28 % de moins qu'en 2019, avant la crise sanitaire. Nous sortons du « quoi qu'il en coûte », donc la sinistralité augmente, mais reste basse. Sur la chute de trésorerie, nous constatons que les marges restent importantes en moyenne, mais cela cache des disparités : de fait, les marges baissent nettement dès qu'on retire le secteur de l'énergie.
Monsieur Vincent Capo-Canellas, Bruno Le Maire a porté le même message que vous hier à l'occasion de l'examen de la loi de programmation pour les finances publiques. Nous sommes sortis de la parenthèse de l'argent gratuit, c'est pourquoi il faut passer du « quoi qu'il en coûte » au « combien ça coûte ». La charge de la dette rend sensibles les évolutions de taux, ce qui exige du sérieux budgétaire, d'où le retour sous les 3 % du PIB en termes de déficit public en 2027. Un ajustement plus rapide risquerait cependant d'abîmer notre dynamique de croissance, au détriment de notre solde budgétaire. Je salue d'ailleurs l'adoption par le Sénat de la loi de programmation des finances publiques.
Monsieur Daniel Breuiller, nous préférerions tous mettre de l'argent dans la rénovation plutôt que dans le chauffage. Cependant, de façon pragmatique, les factures augmenteront de 120 % en un an si on ne fait rien, et la filière BTP ne pourrait pas absorber immédiatement tous les efforts de rénovation nécessaires. Il faut soutenir les Français, particulièrement ceux qui en ont le plus besoin, et investir à long terme dans la rénovation énergétique et la reconversion du parc automobile.
Madame Isabelle Briquet, l'examen du PLF 2023 est conditionné non pas à l'adoption, mais à la mise au vote du projet de loi de règlement. Sa constitutionnalité n'est donc pas remise en cause. Nous continuons cependant à échanger sur les conséquences du rejet inédit depuis bien longtemps d'un projet de loi règlement. Si ce rejet est sans impact sur les comptes, il n'est pas certain qu'il faille déposer un nouveau texte qui sera de toute façon rejeté par l'Assemblée nationale.
Monsieur Christian Klinger, vous l'avez dit, les ETP supplémentaires pour les ARS ont pour objet de contrôler les Ehpad à la suite de l'affaire Orpea. Nous pourrons sans doute dégager des marges pour la suite.
Monsieur Michel Canévet, le mouvement des gilets jaunes a suivi une décision du Gouvernement d'augmenter les prix du carburant. Tel n'est pas le cas dans la situation actuelle, car nous faisons face à un renchérissement global des prix. Cela peut être désagréable à entendre, mais nous ne pouvons pas payer une ristourne à vie. Sa prolongation de 15 jours, annoncée par la Première ministre, représente un coût de 440 millions d'euros. En outre, la ristourne finance le plein des frontaliers et les départs en week-end. Il faut cibler l'accompagnement.
Nous sommes vigilants sur la pêche, avec un financement complémentaire - un top up - prolongé de 2 mois avec une remise de 35 centimes. Hervé Berville veille à protéger nos pêcheurs. Enfin, la Première ministre m'a donné mandat pour une stabilité des effectifs d'ici à la fin du quinquennat. Des créations de postes - 8 500 pour la police, justice, 3 000 pour les armées - sont déjà prévues. Il faudra redéployer des effectifs. Ceux de Bercy seront mis à contribution, mais la ressource n'est pas illimitée.
Alors que nous avions été accusés cet été de manoeuvres dilatoires en remontant la question au niveau européen, il y a désormais une taxation européenne des superprofits qui se traduit dans le PLF, pour 7 milliards d'euros de recettes supplémentaires. Était initialement proposée une taxation de tous les secteurs : nous ne sommes pas d'accord, car tous ne profitent pas de l'inflation. Si la France est redevenue, selon le cabinet EY, le pays le plus attractif d'Europe pour les investissements et retrouve des créations nettes d'emplois dans l'industrie et d'usines après des années d'hémorragie, c'est grâce à la stabilité fiscale. C'est pourquoi nous limitons la taxation exceptionnelle aux profits indus. Nous en débattrons dans l'hémicycle.
Je vous remercie.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
Je présente pour la dernière fois aujourd'hui mon rapport sur un budget dont je suis rapporteur spécial depuis longtemps. En considérant ce projet de loi de finances pour 2023, j'éprouve une petite satisfaction. En effet, depuis près d'une dizaine d'années, nous considérons qu'en matière d'enseignement scolaire nous devons nous intéresser au qualitatif plus qu'au quantitatif. Cela nous a notamment opposés à la politique menée pendant le quinquennat du président Hollande, qui jouait la quantité.
Jean-Michel Blanquer, quant à lui, a essayé de prendre en compte deux idées émises par le Sénat, la première consistant donc à ne pas sacrifier le qualitatif. La seconde, à laquelle nous pouvons tous souscrire, quelles que soient nos options politiques, et que le Sénat a soutenue de façon systématique, vise à mettre l'accent sur l'école primaire. En effet, la réussite scolaire se joue dès le premier degré, qui a toujours été un peu sacrifié rue de Grenelle tant il est vrai que, dans ce beau ministère, il vaut mieux être agrégé qu'instituteur.
Pour que ces deux visions s'imposent, les comparaisons avec les pays européens et ceux de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ont joué un rôle important. Ainsi, les débats franco-français sur le sujet ont fini par être tranchés depuis l'extérieur. Le travail des ministres successifs a été considérablement facilité dès lors qu'ils acceptaient de ne plus considérer la France comme le centre de tout, se mettant alors à comparer le pays aux autres en termes de coûts et de résultats. Notre école est la meilleure du monde et nous commémorons religieusement les hussards noirs de la République ! Mais les temps ont changé et le Programme international pour le suivi des acquis des élèves (Pisa) fixe la norme plus sûrement que Le Grand Meaulnes, pour lequel nous continuons de nourrir le plus profond respect. Finalement, ce classement Pisa nous a aidés à débattre de façon apaisée des meilleures manières de faire fonctionner notre enseignement scolaire.
J'éprouve une autre petite satisfaction, que vous devez partager en tant que membres de la commission des finances. En effet, nos rapports sur le recrutement des enseignants de mathématiques et sur les rémunérations des enseignants en Europe ont autorisé certains à considérer la revalorisation des salaires du corps enseignant non plus comme un acte d'allégeance à un syndicalisme conservateur, mais comme une mesure de bon sens, qui permettrait à nos jeunes de se retrouver face à des enseignants meilleurs et plus motivés .
Je ne suis pas un soutien fanatique du Gouvernement - je ne suis pas non plus d'ailleurs un opposant fanatique. Cependant, j'ai de la considération pour la contribution de Jean-Michel Blanquer au Grenelle de l'éducation.
Par ailleurs, le despotisme éclairé qui imprègne tant notre République a permis au président Macron, en vacances à Marseille, de découvrir que l'école française n'allait pas très bien et de prendre des dispositions. Il a ainsi lancé une opération d'innovation reposant notamment sur l'idée - notre commission l'a toujours défendue - de l'autonomie des établissements et de la responsabilité affirmée de leurs chefs. Cette idée est encore très expérimentale et on en mesure mal les contours, comme souvent lorsqu'elles font l'objet de déclarations ayant pour vocation de passionner l'opinion le temps d'un journal télévisé. Il est difficile d'identifier ensuite leur cheminement. En effet, je rappelle que l'éducation nationale compte plus d'1,2 million de personnes rémunérées et que 860 000 enseignants font face à leurs élèves, qu'ils soient du secteur public ou du secteur privé sous contrat. Ainsi, chaque idée géniale émise au sommet traverse un temps d'hystérésis avant de parvenir à la base et d'obtenir des résultats effectifs. Cependant, mieux vaut que ces orientations soient bonnes que mauvaises et ces idées d'autonomie, de responsabilité et de liberté pour les établissements créent un climat intéressant.
Revenant au budget, je ferai deux premières remarques.
D'abord, en ce qui concerne les effectifs, si l'on écarte le problème des accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) sur lequel je reviendrai, nous observons une sorte de stabilité puisque le schéma d'emploi connait une très légère baisse de 1 600 postes pour un effectif de 860 000.
Néanmoins, en ce qui concerne le qualitatif, je note une forte croissance des dépenses salariales puisqu'elles augmentent de 3,6 milliards d'euros, s'élevant à près de 59 milliards d'euros. Un tiers de cette hausse, soit 1,2 milliard d'euros, correspond à la revalorisation de 3,5 % du point d'indice, qui pèse sur les budgets et bénéficie à tous les fonctionnaires de l'État et des collectivités locales.
Ensuite, des mesures catégorielles de hausse des rémunérations traduisent la volonté de soutenir particulièrement la situation matérielle des enseignants. Elles correspondent à la mise en oeuvre des mesures du Grenelle, à une revalorisation « socle » des rémunérations et à une revalorisation conditionnelle. Ces mesures représentent 1,1 milliard d'euros, ce montant étant significatif. Enfin, une dernière enveloppe de 770 000 millions d'euros sera consacrée au glissement vieillesse technicité (GVT).
J'en viens à présent à des problèmes qui ont déjà été évoqués, n'ont pas été réglés et continueront, j'en suis sûr, de préoccuper mes successeurs. Il s'agit d'abord de la difficulté de recrutement. Ainsi, en 2018, 135 000 candidats se présentaient encore aux concours de la fonction publique de l'éducation nationale. Aujourd'hui, ils ne sont plus que 90 000, soit 50 % de moins. Plus grave encore, les postes ont été pourvus en 2018 à hauteur de 95 % par les candidats ayant été admis, mais ils ne sont plus couverts qu'à 83 % en 2022. En outre, la durée des études supérieures ne cesse d'être allongée et il faut désormais avoir obtenu un master 2 pour se présenter à ces concours, ce qui contribue à compliquer le recrutement des enseignants. Il existe des solutions qui ne sont pas faciles à mettre en oeuvre, certains problèmes relevant de questions de société.
À ce titre, je voudrais évoquer deux sujets pour poser le débat. D'abord, il existe des différences de recrutement entre les matières. En effet, certaines formations comme les mathématiques, la chimie ou les sciences physiques, ouvrent de nombreux débouchés dans le secteur privé, plus attractif en termes de salaires, poussant ainsi les étudiants à se détourner de la fonction publique. Certes, ce problème touche moins les étudiants de latin et grec...
Ensuite, le coût et l'agrément de la vie ne sont pas les mêmes partout en France et, si l'Île-de-France peut faire figure de meilleur territoire pour conduire une brillante carrière, il reste l'un des plus chers et l'un des plus difficiles pour tous les métiers du service public.
Le recrutement régional et le recrutement par matières posent donc la question de la différenciation des revenus. Certains pays européens l'acceptent par matières et d'autres, comme l'Allemagne, le pratiquent par territoires. De notre côté, nous appliquons l'unité et cela aboutit parfois à des situations assez cocasses. Ainsi, quand seuls les enseignants les mieux payés peuvent se permettre d'accepter des postes dans des régions comme l'Île-de-France, c'est là que l'on trouve le plus de jeunes, ces postes étant les plus difficiles et les moins choisis par les enseignants expérimentés.
Par ailleurs, si l'on compare les salaires de nos enseignants à ceux des autres pays européens, seuls les professeurs français du secondaire, quand ils sont en deuxième, voire en troisième partie de carrière - en classe exceptionnelle - reçoivent des salaires comparables aux moyennes européennes. Les autres sont en dessous, voire nettement en dessous quand il s'agit des enseignants du primaire. Ainsi, en 1990, un professeur des écoles débutant touchait 1,8 fois le SMIC, contre 1,5 fois aujourd'hui. En fin de carrière, un agrégé de classe exceptionnelle touchait alors 4,6 fois le SMIC, contre 3,3 fois aujourd'hui. Quand la mécanique vous rapproche du salaire minimum, il devient difficile de se sentir motivé et heureux ; c'est une affaire de statut.
Pour faire face à ces difficultés, nous avons recours aux primes et nous sommes le pays d'Europe qui en compte le plus, quatorze étant identifiées. Elles représentent entre 9 % et 15 % du salaire, ce qui est très inférieur à ce qu'elles peuvent représenter au ministère de l'intérieur par exemple. Les enseignants, cadres A du ministère de l'éducation nationale, ont donc des revenus comparables à des cadres B du ministère de l'intérieur. Là encore, ces différences n'incitent pas vraiment à se présenter aux différents concours.
Par ailleurs, les heures supplémentaires offrent aussi une solution. Elles ont un impact significatif, mais profitent plutôt à ceux qui sont déjà les mieux payés. Ainsi, un enseignant en classe préparatoire aux grandes écoles (CPGE) touche en moyenne trois heures et demie supplémentaires, alors que dans les collèges la moyenne est d'une heure et quart pour chaque enseignant. La formule des heures supplémentaires est bonne puisqu'elle permet d'apporter un peu de souplesse. En effet, elles permettent d'avaler des bosses et des difficultés liées à l'évolution démographique et à la résistance opiniâtre que mènent les élus locaux comme nous, puisque nous faisons tout pour maintenir nos collèges ouverts quels que soient les effectifs. Ce faisant, nous ne tenons pas compte d'une réalité : les jeunes ne sont plus forcément présents là où nous sommes élus. Ainsi, le Sud-Ouest, l'Occitanie ou la Bretagne ont des besoins grandissants, mais ce n'est pas le cas du Grand Est, que je représente, où la population évolue de façon négative. Comme nous n'augmentons pas le nombre global des enseignants, pour des raisons légitimes, il faut trouver des solutions partielles et les heures supplémentaires en apportent une. Il faudrait néanmoins élargir la marge de manoeuvre en la matière.
J'en viens aux effets bénéfiques du Grenelle. L'équipement en matériel informatique a été bien accueilli, la prime d'attractivité a eu le mérite de viser les jeunes enseignants débutants, en particulier dans les réseaux d'éducation prioritaire (REP), et la prime de soutien aux chefs d'établissements était bienvenue.
En ce qui concerne les orientations affichées par le Président de la République cet été, une formule assez spectaculaire a été retenue : pas moins de 2 000 euros net par mois pour tous les enseignants. Il s'agit d'une belle opération de communication, mais l'augmentation de 10 % va coûter 1,9 milliard d'euros en année pleine. En outre, j'aimerais connaitre la répartition du socle dans le détail, pour savoir si l'on s'attaque enfin au retard que connaissent les enseignants en début de carrière en termes de salaires, ce retard représentant la faiblesse principale de notre système de rémunération.
Par ailleurs, le « pacte » représenterait jusqu'à 10 % des revenus supplémentaires de l'enseignant, en contrepartie d'engagements pour les enseignants volontaires. Cette enveloppe s'élèverait à 900 millions d'euros en année pleine, en fonction du nombre d'enseignants qui y participeraient.
On ne connait ni la répartition du socle ni les contreparties du pacte et, si je suis plutôt favorable à ces deux mesures, j'aimerais que le ministre s'explique.
En ce qui concerne la question des salaires, je rappelle que l'Allemagne paye ses enseignants en moyenne 50 % de plus que la France. Cependant, elle leur demande 35 heures de présence effective dans les établissements. Avec des durées de cours comparables à celles de notre pays, il s'agit donc pour eux d'assurer des missions d'encadrement des élèves afin d'atteindre ces 35 heures hebdomadaires, sachant que le nombre de semaines travaillées par an est à peu près similaire au nôtre.
Je tiens aussi à évoquer la préprofessionnalisation. Je regrettais plus tôt dans mon propos que l'on mette cinq ans pour accéder aux concours de l'éducation nationale. Cette mesure permet à des étudiants stagiaires d'être déjà présents dans l'enseignement ; elle me semble bonne et commence à être significative.
J'en arrive au problème des AESH, qui tient en particulier à l'absence de lien entre la décision prise par les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) et l'éducation nationale - élèves, enseignants et établissements. Or nous faisons face à une inflation spectaculaire, puisque le nombre de bénéficiaires a pratiquement doublé en dix ans, pour atteindre 400 000 élèves aujourd'hui. Parmi les 333 000 employés de l'éducation nationale qui ne sont pas enseignants, on compte 123 000 AESH, qui ne travaillent pas à temps plein. Leur statut a été amélioré, mais un problème de cohérence demeure entre la politique des MDPH et les capacités de l'éducation nationale à accueillir et à gérer financièrement ce dispositif. L'école inclusive représente un budget de 4 milliards d'euros pour environ 400 000 élèves, qui méritent d'être soutenus, mais qui devraient l'être dans le cadre d'une meilleure coopération entre ceux qui prescrivent et ceux qui organisent.
Sur un tout autre sujet, je prends note d'un motif de fierté. En effet, l'éducation nationale a accueilli 20 000 élèves ukrainiens, essentiellement en Île-de-France, en Auvergne-Rhône-Alpes et dans le Midi. Cet accueil a entrainé un recrutement de contractuels ukrainiens - ils sont à mes yeux essentiels -, afin que ces élèves conservent un lien avec leur monde culturel d'origine, puisqu'ils ont vocation à revenir en Ukraine, selon le souhait exprimé par les familles.
Enfin, nous l'avons évoqué tout à l'heure avec Gabriel Attal, nous observons un début d'évolution quant à la réforme des lycées professionnels. Je signale qu'une concurrence assez sévère ne devrait pas manquer de s'établir entre le statut de l'apprenti, qui est un salarié, et celui du stagiaire, qui travaille en alternance et reçoit des gratifications qui ne sont pas nécessairement compétitives. J'ignore quelle est la stratégie à suivre, mais nous avons la chance d'accueillir le rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, qui pourra donner son avis.
Après avoir bien réfléchi, je vous propose d'adopter ces crédits. Cependant, il faudra poser en séance publique des questions auxquelles le ministre doit répondre. D'abord, il faudra poser une première question visant à obtenir des explications sur deux sujets : la répartition du socle et les contreparties du pacte, notamment pour savoir si, comme l'a évoqué le président Macron, on s'apprête à proposer aux chefs d'établissements des enseignants plus disponibles pour des tâches différentes.
La seconde question que je voudrais poser au ministre concerne l'élitisme républicain. J'en suis issu, j'ai passé les concours administratifs : sans ces lycées ou établissements sous contrat, mon parcours aurait sans doute été différent. Je souhaite que le ministre conserve ces établissements qui tirent notre système vers le haut. Il ne faut pas les supprimer au prétexte qu'ils concentreraient les meilleurs élèves. Ce n'est pas ainsi qu'on aidera les autres. Lorsque je dirigeais la région Lorraine, j'ai ouvert, en lien avec le directeur de Science Po-Paris, les premières filières en province d'accès direct à Science Po dans les lycées professionnels. Cela a fonctionné. Mais lorsque l'on a la chance de disposer de professeurs de classes préparatoires de grand talent, d'élèves motivés et de familles prêtes à les soutenir, il ne faut pas se priver d'un tel système. Ce n'est pas en sacrifiant la rive gauche que l'on aidera la Seine-Saint-Denis ! Je serai donc attentif aux propos de notre ministre. Mon expérience me montre que le diable se cache dans les détails, mais on ne le découvre souvent que lorsque l'on n'est plus ministre...
Je remercie le rapporteur spécial pour son analyse précieuse. Je n'évoquerai pas la préparation de la rentrée scolaire. La chute du nombre de candidats dans les concours de recrutement est préoccupante. Les conséquences s'en feront sentir à long terme.
Ce projet de loi de finances traduit des efforts significatifs pour améliorer la rémunération des enseignants. Le retard accumulé était considérable. Il est essentiel que ce choc d'attractivité se poursuive, mais cela reste incertain. J'espère que le ministre nous rassurera. La revalorisation engagée depuis le Grenelle de l'éducation de 2021 a rencontré des difficultés. Le ministre a raison de refuser que des enseignants puissent gagner moins de 2 000 euros par mois. En 2020, un professeur des écoles gagnait 1 961 euros net en début de carrière, un professeur certifié, 2 056 euros, un professeur de lycée professionnel, 2 130 euros, et un professeur agrégé, 2 400 euros. C'est trop peu. Au-delà de l'aspect financier, il y va aussi de la considération sociale.
Il convient aussi d'améliorer les conditions d'exercice du métier. Mais il est à craindre que ces mesures ne suffisent pas, tant le problème est profond. Le rapporteur spécial a évoqué le schéma d'emplois. On aurait pu imaginer qu'au lieu de supprimer 2 000 postes d'enseignants on réduise le nombre d'élèves par classe.
En une dizaine d'années, le nombre de naissances par an en France est passé de 840 000 à 760 000. C'est une tragédie pour notre pays, et cela signifie que les effectifs d'une classe d'âge baisseront de 10 %.
En effet, la baisse du nombre d'élèves est considérable. Nous pourrions peut-être toutefois profiter de cette situation pour renforcer l'encadrement éducatif.
Je suis inquiet lorsque je constate que 30 % des démissions sont le fait de nouveaux professeurs. Cela reflète les difficultés ou le malaise des enseignants stagiaires. De plus, ces démissions ont souvent lieu en début d'année scolaire. Je ne parlerai pas de la formation express de quatre jours des enseignants contractuels...
J'espère donc que les revalorisations renforceront l'attractivité de ce beau et noble métier d'enseignant. Au-delà des chiffres, nous attendons aussi du ministre qu'il nous livre sa vision de l'éducation nationale. Nous l'avons peu entendu à ce propos.
Je remercie notre rapporteur spécial pour son analyse étayée par l'expérience. Il a évoqué les difficultés de recrutement, mais de plus en plus d'enseignants abandonnent en cours de carrière. Peut-on chiffrer et comment expliquer cette évaporation des effectifs ? Celle-ci complique la tâche de l'éducation nationale pour piloter la ressource humaine.
En ce qui concerne les AESH, notre rapporteur spécial plaide pour une meilleure articulation entre l'éducation nationale et les MDPH, qui relèvent des conseils départementaux. Je plaide plus généralement pour une meilleure articulation avec les collectivités territoriales. L'État et les collectivités signent des conventions pour organiser la coordination des activités scolaires et périscolaires dans les écoles, mais le recrutement des AESH dépend uniquement de l'État. De plus, il s'agit souvent de contrats à temps partiel, non à temps complet, et les rémunérations ne sont pas très élevées. Il conviendrait donc que l'État et les collectivités se coordonnent davantage pour renforcer l'attractivité de ces métiers. J'espère que la création de 4 000 postes d'AESH prévue dans ce projet de loi de finances ne sera pas qu'un effet d'affichage !
Je remercie le rapporteur spécial pour sa présentation, son expertise et son franc-parler. Je ne savais pas que l'on comptait 123 000 AESH. Dans la mesure où les MDPH dépendent des départements, ne serait-il pas logique de leur confier totalement la gestion des AESH en décentralisant ? Cela serait source d'économies.
Les enseignants choisissent de partir en retraite tôt, car ils n'en peuvent plus. Ne pourrait-on trouver une formule pour que les enseignants en fin de carrière accompagnent les jeunes professeurs ?
Je me fais le porte-parole de Vincent Delahaye, qui voulait poser deux questions. Il constate que le nombre d'élèves a diminué de 2,7 % en deux ans alors que le nombre de professeurs a baissé de 0,2 %. Il voudrait savoir si le nombre de professeurs par élève en France n'est pas supérieur à la moyenne européenne ? En outre, sur 1,2 million de personnels du ministère, 860 000 sont enseignants. Que font les 340 000 autres ? Ne pourrait-on réaliser des économies ?
Je remercie notre rapporteur spécial ainsi que le rapporteur pour avis. Nous partageons globalement les inquiétudes et les points de vigilance qui ont été évoqués.
La « revalorisation socle » peut poser des difficultés de motivation du corps enseignant en général.
Les besoins en effectifs enseignants étaient réels. En dépit des appréciations portées sur le quinquennat du président Hollande, le quantitatif a permis que nous entrions, aujourd'hui, dans la phase qualitative. La crise du recrutement que nous connaissons aujourd'hui - 83 % des postes pourvus, appel massif au recrutement de contractuels - peut remettre le qualitatif en question. Nous devons être vigilants.
Vous avez mentionné les « préprofesseurs ». Je pense que les « prévocations », qui peuvent amener les meilleurs élèves à vouloir embrasser la carrière d'enseignant, peuvent être une piste. C'est tout simplement l'avenir de notre pays qui est en jeu.
Nous constatons que le budget permet d'envisager des améliorations tangibles, mais nous attendons du ministre des explications plus précises sur la répartition du socle et du pacte, qui nous semble quelque peu complexe à mettre en place parce que beaucoup de tâches sont aujourd'hui effectuées par les enseignants. S'agit-il de valoriser ce que font de fait aujourd'hui la plupart des enseignants dans les établissements scolaires ?
Nous nous abstiendrons du fait des points de vigilance et des inquiétudes qui ne sont pas levés, notamment s'agissant de la crise du recrutement. Que l'on ait perdu autant de candidats en quatre ans pose véritablement question. La rémunération est une explication, mais il y en a sans doute d'autres.
Étant fils d'un professeur agrégé de mathématiques, lui-même fils d'un petit boulanger de montagne, j'ai été ému par ce qu'a dit notre rapporteur spécial sur l'élitisme républicain.
J'insiste sur la baisse des effectifs. Hier soir, vous avez évoqué, en séance, 500 000 élèves en moins. Cette diminution ne sera pas sans conséquence sur les futurs budgets de l'éducation nationale. Qu'en fera-t-on ? Choisira-t-on de travailler davantage sur le qualitatif ou de donner un coup de rabot budgétaire ?
Il faut mieux cerner cette baisse des effectifs. Va-t-elle impacter l'enseignement primaire davantage que l'enseignement secondaire ? Impactera-t-elle de manière homogène tous les territoires ? Une fermeture de classe est moins anodine dans un secteur rural de montagne que dans un groupe scolaire d'une grande ville...
Ma question n'est pas de nature budgétaire : elle porte sur le qualitatif. L'autorité des professeurs va-t-elle revenir au goût du jour ? Le redoublement sera-t-il dorénavant perçu comme un outil qui permet aux enfants d'atteindre un niveau compte tenu de leur maturité ? Je m'interroge sur les erreurs du passé.
Je veux interroger notre rapporteur spécial sur le dispositif des territoires éducatifs ruraux. L'académie d'Amiens expérimente ce dispositif, qui connaît, dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2023, une augmentation de 9 millions d'euros. Cette hausse est bienvenue, parce que le bilan demeurait en demi-teinte depuis son lancement en janvier 2021, avec une gouvernance éclatée entre les services de l'État, la direction académique et les élus locaux, le ministère de l'éducation demeurant en filigrane le pilote de chacun des projets. Il y a, en outre, une forme d'inégalité avec le programme des cités éducatives, qui bénéficie, pour sa part, de plus de 100 millions d'euros versés par le ministère de la ville sur la période pluriannuelle 2020-2022.
Ma question est simple : l'accompagnement de l'État sur le projet des territoires éducatifs ruraux est-il véritablement à la hauteur de l'enjeu, qui est d'assurer une continuité pédagogique entre les territoires ?
Notre collègue rapporteur pour avis a dit l'essentiel : l'argent est important, mais il ne fait pas tout. L'éducation ne peut fonctionner sans valeurs partagées entre jeunes, enseignants et parents. C'est le bon fonctionnement de cette trinité qui peut améliorer la situation.
Cela dit, il faut bien reconnaître que, dans la société d'aujourd'hui, le métier d'enseignant continue d'avoir une productivité faible : former un jeune prend toujours autant de temps et coûte toujours autant d'argent. Cependant, l'intelligence artificielle, l'informatique, le numérique sont utiles, mais ne remplacent pas l'implication personnelle de l'enseignant envers ses élèves et l'écoute de l'enseignant par les élèves. C'est une singularité dont il faut tenir compte.
Nous souhaitons tous connaître l'avis de M. le ministre. Ce n'est pas un homme politique : c'est un « rechercheur », un homme cultivé, et une démonstration vivante de la dimension internationale de notre culture. Il y a chez cet homme des promesses, dont on aimerait qu'elles se transforment en engagements et en convictions personnelles affichés publiquement. C'est la raison pour laquelle j'attends le débat en séance avec beaucoup d'impatience. Le parcours de Jean-Michel Blanquer, qui avait été enseignant, chef d'établissement, recteur, directeur au ministère, était beaucoup plus balisé.
Monsieur le rapporteur général, s'il y a plus de sorties en cours de carrière, il n'y en a pas beaucoup. En revanche, phénomène assez sympathique, il y a des entrées en cours de carrière, notamment parmi les contractuels - des hommes et femmes cadres qui, à un certain âge, décident de se reconvertir dans l'enseignement. Pourquoi la sortie en cours de carrière est-elle rare ? C'est la contrepartie positive d'un système de rémunération qui favorise largement l'ancienneté. Avec le temps, non seulement les enseignants sont mieux payés, mais ils ont plus de chances de travailler près du soleil, de la mer ou d'une ville universitaire - leurs destinations préférées. Le risque n'est donc pas excessif.
S'agissant du rôle des collectivités locales à l'égard des AESH, il est évident que nous avons le devoir absolu d'assurer une coordination entre les conseils départementaux, responsables des MDPH, et l'éducation nationale au sens large : le recteur, qui a une vision globale, les directeurs départementaux et les chefs d'établissement. Nous avons les mêmes difficultés de recrutement dans le secteur social dans nos départements.
D'ailleurs, le Gouvernement a intégré, dans son recours à l'article 49 alinéa 3 de la Constitution sur la seconde partie du projet de loi de finances, un amendement portant revalorisation de 10 % des revenus des AESH, pour un coût total de 80 millions d'euros. Il convient de saluer l'effort, mais, si c'est pour priver l'aide sociale à l'enfance (ASE) de jeunes dont elle a besoin, le match sera vraiment « nul », au sens propre du terme ! Il faut vraiment une coordination entre l'Assemblée des départements de France (ADF) et le ministère sur la question des AESH. Sans cet accord, on risque de voir des compétitions stupides... Cela rejoint la préoccupation de Michel Canévet, qui souhaiterait une décentralisation plus large. Je suis complètement d'accord avec cette idée.
Le tutorat commence à exister pour la formation des enseignants, notamment grâce à la préprofessionnalisation, mais on pourrait imaginer qu'il soit beaucoup plus systématique et qu'il y ait en quelque sorte une formation des enseignants par apprentissage, ce qui est un peu la tendance. Cela mériterait une réflexion plus approfondie.
Pour répondre à M. Delahaye, les taux d'encadrement sont plutôt faibles par rapport aux moyennes européennes. C'est vrai dans le primaire comme dans le secondaire. Dans le premier degré, nous avons un professeur pour 19 élèves, contre une dizaine en Italie ou en Belgique. Dans le second degré, nous avons 24 élèves par classe, ce qui nous place parmi les mauvais élèves de l'Europe, aux côtés du Royaume-Uni notamment.
Les baisses d'effectifs que nous allons connaître pourront entraîner une baisse du nombre d'enseignants, mais certainement pas de façon parfaitement homothétique et strictement proportionnelle - il existe, d'ailleurs, des problèmes géographiques. Je confirme à Didier Rambaud que les effectifs diminueront de 50 000 par an lors des huit à dix prochaines années.
M. Jeansannetas me rappelle que le quantitatif d'hier permet le qualitatif d'aujourd'hui. Je lui donne acte de son optimisme et de sa confiance. Il faut d'ailleurs reconnaître que ce n'est pas complètement faux...
Les contractuels sont non pas un risque, mais une chance : l'introduction, à l'école, d'hommes et de femmes qui ont une autre expérience permet à la communauté éducative une ouverture sur d'autres formations, d'autres parcours. Le taux de contractuels est de 8 %. C'est significatif, mais ce n'est pas une tragédie. Compte tenu des évolutions à venir, c'est même, pour la commission des finances, la certitude de pouvoir réadapter progressivement les effectifs aux besoins réels.
Vous avez mille fois raison sur l'affectation du socle et la contrepartie du pacte. Nous sommes tous d'accord sur ce sujet.
M. Segouin a posé une question majeure : celle de l'autorité du professeur. Il faut installer l'établissement comme un lieu disposant d'une véritable identité dans le territoire où il sert. Le fait d'être un établissement public n'interdit nullement cette identité. Il faut sans doute évoluer sur les responsabilités du chef d'établissement. Je rappelle toujours l'exemple des lycées agricoles : ces établissements publics ont un directeur qui a de l'autorité, un conseil d'administration qui a une certaine liberté et un président de conseil d'administration qui a la faculté d'aider l'établissement. Cela change complètement les relations entre les dirigeants, les enseignants et leurs élèves. Le climat est fondamentalement différent quand les parents et les élèves savent que leurs enseignants sont écoutés par un directeur qui dispose d'une autorité et de moyens d'intervention. Pour rétablir le respect, il faut que toute la hiérarchie des adultes soit solidaire et puisse répondre de manière homogène. Quand l'éducation nationale exige, au nom de l'obligation scolaire, que le chef d'établissement recase dans un autre établissement l'élève dont il ne veut pas, il se prive de la possibilité d'écarter un élève. Or il suffit d'un enquiquineur pour perturber toute une classe...
Il faut une solidarité entre adultes : parents, enseignants, membres du conseil d'administration, mais aussi élus, doivent intégrer l'établissement comme étant le leur, et non comme une enclave de la rue de Grenelle sur leur territoire. Il faut rechercher tout ce qui peut renforcer les liens entre l'établissement et le tissu des élus et des professionnels d'un secteur. Je cite toujours l'exemple des lycées agricoles. Je pense que donner au proviseur la faculté de soutenir ses enseignants face aux élèves changerait pas mal de choses. Ce serait encore mieux si les parents cessaient d'avoir peur de leurs enfants...
Pour que les professeurs soient heureux, il faut qu'ils aient la certitude d'être soutenus. Or ils ont la certitude de ne pas l'être. Les remontées du terrain montrent que le « pas de vague » ruine la qualité de l'enseignement.
M. Lefèvre nous dit que les villes sont mieux traitées que les territoires éducatifs ruraux. Il a sans doute raison, mais j'apporterai une nuance : les territoires ruraux bénéficient le plus souvent de taux d'encadrement très supérieurs au milieu urbain. En territoire rural, on a moins d'argent, mais la relation humaine est plus solide. On respecte encore les enseignants. Les parents connaissent les enseignants, ceux-ci se connaissent entre eux et connaissent les parents. À cet égard, maintenir des collèges qui n'accueillent guère plus de 100 élèves est un non-sens pédagogique, mais c'est un confort sur le plan humain. Le milieu urbain est tout de même beaucoup plus difficile du fait de l'hétérogénéité des populations et de comportements qui ne sont pas spontanément favorables au respect de l'enseignant.
Concernant les territoires éducatifs ruraux, pour l'instant, le PLF pour 2023 prévoit une hausse de 2 millions d'euros pour l'expérimentation lancée en 2021 dans 23 territoires. Le coût total en 2023 sera d'environ 4 millions. C'est bien, mais ce n'est pas cela qui fera la différence. Je pense que notre monde rural est privilégié en termes de qualité d'enseignement, dès lors que l'on a des enseignants stables.
La commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Enseignement scolaire ».
La réunion est close à 12 h 45.