Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, la commission des affaires sociales a exprimé un réel scepticisme face à la trajectoire financière des régimes obligatoires de base de sécurité sociale (Robss), du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) et de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) qui figurent dans ce projet de loi. Elle a d’ailleurs réitéré ses doutes ce matin même dans le cadre de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023.
L’Ondam devrait frôler la barre des 250 milliards d’euros dès 2024, soit plus de cinq fois le budget de la défense ou plus de quatre fois celui de l’éducation nationale : la trajectoire affichée, bien que dynamique, semble pour le moins ambitieuse, voire difficilement tenable.
Elle est difficilement tenable, car les incertitudes sont grandes sur l’impact financier de la crise sanitaire en 2023 et dans les années ultérieures.
Elle est difficilement tenable, car nous mesurons bien l’ampleur des besoins de santé et les attentes en matière de rénovation de l’hôpital, mais aussi l’impact financier que représente aujourd’hui le choc d’innovation dans le secteur du médicament.
Elle est difficilement tenable, car le contexte inflationniste rend le taux réel de progression bien moindre que celui qui est affiché. Sur ce point, si le ministre chargé des comptes publics considère que l’inflation ne se reproduit pas de manière identique sur les dépenses de santé, force est de constater qu’elle est parfois plus forte encore sur certaines des charges principales des hôpitaux, comme l’énergie.
Elle est, surtout, difficilement tenable, car le Gouvernement comme le directeur de la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam) reconnaissent qu’il faudra prendre des mesures fortes d’économies pour garantir le respect de cette trajectoire. Quelles seraient ces mesures ? Nous n’avons obtenu aucune information sur ce point. Régulera-t-on enfin l’Ondam de ville ? Si oui, comment ? Ou bien cela signe-t-il le retour explicite d’économies sur l’hôpital ?
Quant au reste des Robss, je ne peux, là aussi, que regretter le caractère particulièrement lacunaire des informations transmises par le Gouvernement. Pour m’en tenir à l’exemple le plus significatif, l’évolution des dépenses de la branche vieillesse est censée intégrer dès 2023 les effets d’une réforme des retraites. Mais ni ses paramètres ni même son impact financier ne sont précisés dans un quelconque document. Malgré mes demandes réitérées, je n’ai pas eu de précisions.
Néanmoins, compte tenu du rôle d’une loi de programmation, c’est-à-dire en premier lieu de permettre au Parlement de vérifier chaque année si la trajectoire fixée est respectée ou non, la commission des affaires sociales a émis un avis favorable à l’adoption des articles dont elle était saisie, sous réserve de l’adoption de cinq amendements que la commission des finances, et je l’en remercie, a intégrés dans le texte qu’elle a établi.
Outre un amendement de précision à l’article 18, relatif aux charges de gestion des organismes de sécurité sociale, ces amendements ont pour objet de rendre tout effort sur l’Ondam plus équitable entre les différents acteurs du monde de la santé et d’améliorer l’information du Parlement sur les finances sociales.
Ainsi, à l’article 17, nous avons prolongé la trajectoire des dépenses des Robss et de l’Ondam jusqu’en 2026 et en 2027. J’attire votre attention, messieurs les ministres, sur le fait que le « compteur des écarts » entre les dépenses prévues par le projet de loi de financement de la sécurité sociale et celles figurant dans la loi de programmation des finances publiques doit concerner toutes les lois de financement de la sécurité sociale jusqu’à l’année 2027. Je vous invite donc, sauf si vous nous dites qu’il y aura une autre loi de programmation avant 2026, à compléter le dispositif du Sénat en ajoutant vous-mêmes l’objectif de dépenses des Robss et du FSV pour 2027.
Dans le même esprit, à l’article 24, nous avons souhaité qu’une décomposition des recettes, des dépenses et du solde des administrations de sécurité sociale relative à l’exercice clos soit adressée au Parlement au moment du dépôt du projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale.
Enfin, messieurs les ministres, sur l’initiative de la commission des affaires sociales, le texte de nos collègues de la commission des finances tend à préciser que la mise en réserve de l’Ondam devra concerner de manière égale tous les sous-objectifs. En d’autres termes, il nous faudra cesser de faire supporter principalement les gels de crédits à l’hôpital.
J’espère que nos débats en séance publique nous permettront de confirmer ces avancées.