Intervention de Claude Raynal

Réunion du 2 novembre 2022 à 15h00
Programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Claude RaynalClaude Raynal :

Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, les lois de programmation des finances publiques n’ont pas, dans notre ordre juridique, de caractère contraignant. Elles sont néanmoins les « marqueurs » des débuts de quinquennat en ce qu’elles exposent les grandes orientations de notre pays en matière de finances publiques, qu’il s’agisse de sa politique fiscale ou de ses priorités budgétaires. Elles sont également importantes à l’égard de nos partenaires de la zone euro.

La précédente loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 avait de grandes ambitions : réduire l’endettement public de plus de 5 points de PIB et ramener nos finances publiques pratiquement à l’équilibre. Entre-temps, de nombreux événements sont survenus, qu’il s’agisse du mouvement des « gilets jaunes », du covid-19 et, désormais, de la crise énergétique ou des tensions internationales. Chacun sait que ces objectifs n’ont pas été atteints. Aucune révision de la programmation n’a néanmoins été réalisée, comme le réclamait pourtant le Sénat dès le mois de septembre 2019.

Nous pouvons donc nous féliciter que le Gouvernement présente enfin une nouvelle loi de programmation, même si celle-ci ne débute pas sous les meilleurs auspices. Son cadrage macroéconomique, qui fonde sa crédibilité, est entouré de nombreuses incertitudes rappelées par le rapporteur général, mais aussi par les deux ministres. Le Gouvernement paraît optimiste au regard du consensus des économistes, en prévoyant une croissance moyenne du PIB de 1, 6 % sur la période et l’atteinte du plein emploi, même si j’ai eu l’occasion de souligner que vous étiez dans votre rôle, messieurs les ministres, en retenant la perspective la moins défavorable possible pour notre pays, sans vous écarter trop cependant du consensus.

Ce qui me préoccupe davantage, ce sont les perspectives qui sont dressées pour nos finances publiques. Je constate que le Gouvernement entend sur la période quinquennale réduire les prélèvements obligatoires de plusieurs milliards d’euros, principalement sur les deux premières années de programmation 2023 et 2024, poursuivant ainsi sa stratégie de désarmement fiscal de notre pays. Après la suppression de la taxe d’habitation, dont les conséquences n’ont de toute évidence pas été suffisamment anticipées, le Gouvernement s’emploie à finir d’ôter aux collectivités locales les recettes fiscales dont elles disposent, avec une suppression sur deux ans de la CVAE sans proposer de mécanisme crédible de compensation pour ce qui relève des comptes de l’État.

Le gouverneur de la Banque de France comme le Premier président de la Cour des comptes l’ont pourtant dit à plusieurs reprises : nous n’avons pas les moyens de procéder à de nouvelles baisses d’impôts, surtout si elles ne sont pas gagées. Je note que les comparaisons internationales se font toujours par silo : on examine ce qu’il en est de l’impôt sur les sociétés ou des impôts de production, mais on ne compare jamais les niches fiscales en faveur des entreprises, ce qui est assez curieux. On compare, par exemple, rarement à l’échelon international les avantages du crédit d’impôt recherche (CIR). Or il faut tout examiner dans son ensemble, faute de quoi la comparaison ne tient pas.

Une telle stratégie conduit inévitablement à contraindre toujours plus la dépense publique. Même si la trajectoire est vue par certains comme « peu ambitieuse », nul doute que la faiblesse entretenue et volontaire de nos recettes publiques conduira à de nouvelles coupes budgétaires sur des politiques publiques pourtant prioritaires, ainsi qu’à des réformes dites « structurelles » visant immanquablement notre modèle social, qu’il s’agisse de réduire l’indemnisation des demandeurs d’emploi ou de rehausser l’âge de départ à la retraite.

Le risque est réel également de contraindre l’investissement public local alors même que celui-ci est indispensable pour notre transition énergétique et pour la modernisation de nos infrastructures.

Par ailleurs, je ne peux que déplorer, comme la majorité de mes collègues, la manière d’envisager les relations entre l’État et les collectivités locales – M. le ministre délégué ne nous a pas convaincus sur l’article 23 –, puisqu’elle prend la forme d’un retour de nouveaux contrats de Cahors, dotés de mécanismes de correction individuels et d’une possibilité d’exclusion de certaines dotations de l’État. Fort heureusement, notre assemblée s’apprête à supprimer ce funeste article 23.

En conclusion, si une loi de programmation est nécessaire en ce qu’elle fixe une trajectoire pluriannuelle pour nos finances publiques, cette trajectoire doit être revue. Nos débats devraient permettre à chacun d’exprimer ses priorités.

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