Intervention de Daniel Gremillet

Commission des affaires économiques — Réunion du 26 octobre 2022 à 9h00
Audition de M. Luc Rémont candidat proposé par le président de la république aux fonctions de président-directeur général pdg d'électricité de france edf

Photo de Daniel GremilletDaniel Gremillet :

Madame la présidente, monsieur Rémont, mes chers collègues, cette audition est tout sauf formelle, elle est éminemment stratégique car l'enjeu est de redonner un cap au groupe EDF, dans la situation de crise énergétique et de dette financière rappelée par notre présidente. Ce cap sera déterminant pour relancer le nucléaire et accélérer le renouvelable. Il sera déterminant pour la capacité des ménages à supporter les coûts de l'énergie, celle de nos entreprises à maintenir leur compétitivité, celle de notre production industrielle à se relocaliser dans nos territoires. Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire devant notre commission, j'ai la conviction que, dans un pays, il y a deux formes de souveraineté : alimentaire et énergétique.

Ma première interrogation concerne votre parcours. Diplômé de l'école polytechnique, vous avez été conseiller ministériel au début des années 2000. Vous avez travaillé à la direction générale de l'armement et à celle du trésor, avez exercé dans le secteur bancaire puis avez intégré Schneider Electric en 2014, dont vous êtes actuellement le directeur général des opérations internationales. Ce solide parcours est toutefois un peu éloigné des missions de production ou de fourniture d'énergie, telles que celles du groupe EDF. En quoi votre parcours peut-il vous aider dans vos fonctions ? De plus, on lit dans la presse que vous auriez conseillé la vente de la branche énergie d'Alstom à General Electric, lorsque vous étiez dans le secteur bancaire : est-ce le cas et quel enseignement en tirez-vous ?

Ma deuxième interrogation concerne le groupe EDF. Ces dernières années, ont été successivement annoncés par le Gouvernement le projet « Hercule », devenu « Grand EDF », puis la nationalisation du groupe. Quel est votre point de vue sur l'organisation du groupe ? Une réforme est-elle toujours à l'agenda, avec une scission des activités nucléaire et renouvelable ? Pensez-vous que la Commission européenne puisse accepter, en l'absence de réforme, une nouvelle régulation du nucléaire existant et le règlement du contentieux hydroélectrique ? Votre prédécesseur avait souhaité la révision de l'Arenh, qu'il qualifiait de « poison », et la mise à l'abri des concessions, via un mécanisme de quasi-régie : êtes-vous sur la même ligne ? La nationalisation vous semble-t-elle suffisante pour répondre aux défis financiers, économiques et sociaux du groupe ?

Ma troisième interrogation a trait à la relance du nucléaire. En juillet dernier, nous avons adopté à la quasi-unanimité un rapport très complet intitulé « Nucléaire et hydrogène : l'urgence d'agir » : tout est dit dans le titre ! Dans ce rapport, nous appelons à redresser rapidement la production du parc existant. Pouvez-vous nous rassurer sur le phénomène de corrosion sous contrainte ? Quelle est votre analyse ? Quelles sont vos prévisions de production et de calendrier ? Avez-vous mis en oeuvre le procédé de contrôle par ultrasons, plus rapide, des réacteurs ? Quel est l'impact financier sur le programme du Grand Carénage ? Où en est la mise en service de la centrale de Flamanville, que nous avons eu le plaisir de visiter, le 10 juillet dernier ?

Dans notre rapport, nous plaidons pour un mix énergétique majoritairement nucléaire d'ici 2050, afin de réaliser concrètement le scenario « N03 » du Réseau de transport d'électricité (RTE). Pour ce faire, nous souhaitons la commande ferme, non pas de 6, mais de 14 European Pressurized Reactors (EPR) et de 4 GW de Small Modular Reactors (SMR). Nous y interrogeons aussi quelques impensés de la relance annoncée du nucléaire : pour RTE, il manque 3 EPR en l'absence de prolongation au-delà de 60 ans, et 9 EPR dans l'hypothèse d'une réindustrialisation profonde - que nous souhaitons tous. Quel scenario et quel nombre de réacteurs ont votre préférence ?

Il faut également convenir d'un modèle de financement. À l'échelon européen, ce financement passe par un consortium d'électro-intensifs, un prêt de l'opérateur ou de l'État, ou encore des fonds propres en contrepartie d'un prix de long-terme, fixe ou révisable. S'agissant de la France, la Cour des comptes a indiqué que le groupe ne pourrait pas assumer tout seul ce financement. Quel est votre appréciation des choses ? Enfin, une relance du nucléaire nécessite des compétences : la construction de 6 EPR, c'est déjà 30 000 emplois ! Certes, le groupe et la filière ont réalisé un effort considérable sur ce plan, mais est-ce à la hauteur du défi ? L'État ne devrait-t-il pas s'engager davantage à leurs côtés ?

Ma quatrième interrogation a trait aux énergies renouvelables et au vecteur hydrogène. Le groupe EDF est très engagé pour le déploiement de l'énergie solaire, de l'éolien en mer, de l'hydrogène, du stockage ou de l'électromobilité. Les objectifs de 30 GW du plan solaire de 2017, de 10 GW du plan stockage de 2018 et de 3 GW du plan hydrogène de 2022, sont-ils encore d'actualité ? Ne faudrait-il pas les rehausser, au-regard de l'ambition du Paquet « Ajustement 55 » ? Et pourquoi ne pas fixer d'objectif en matière d'éolien en mer ? Dans notre rapport, avec mes collègues Jean-Pierre Moga et Jean-Jacques Michau, nous évoquons notre souhait de développer l'hydrogène aux côtés du nucléaire, car la stratégie française en la matière doit avant tout se fonder sur un hydrogène issu du réseau d'électricité : partagez-vous cette position ? Pensez-vous que le projet de loi d'accélération des énergies renouvelables soit suffisant au regard des besoins de la transition énergétique, car il est muet sur l'hydroélectricité et l'hydrogène ?

Ma dernière question concerne le marché européen de l'électricité, étant donné que la crise énergétique actuelle est aussi une crise européenne. D'une part, les objectifs fixés par le paquet « Ajustement à l'objectif 55 » vous semblent-ils réalistes ? Dans le cadre de nos travaux, avec ma collègue Dominique Estrosi Sassone, nous avons relevé un manque de neutralité technologique entre énergie renouvelable et bas-carbone et entre hydrogène renouvelable et bas-carbone. Cela nous semble mettre en cause le droit souverain des États de définir leur mix énergétique. Partagez-vous cette opinion ? D'autre part, les mesures proposées par le plan RePowerEU vous paraissent-elles suffisantes ? La révision du marché européen de l'électricité, avec un découplage du prix de l'électricité de celui du gaz, est souvent évoquée : est-elle souhaitable ?

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