Depuis 2017, j'ai eu à maintes reprises l'occasion de regretter à la fois l'affaiblissement du ministère des sports qui a atteint son paroxysme il y a deux ans avec sa disparition en tant que ministère de plein exercice et l'absence de stratégie cohérente permettant d'associer les différents acteurs du monde du sport de manière harmonieuse et efficace.
Le rétablissement d'un ministère des sports de plein exercice chargé de coordonner la préparation des Jeux olympiques et paralympiques en mai dernier n'a, certes, pas permis d'éviter les désordres du mois de juin au Stade de France lors de la finale de la Ligue des Champions mais il ouvre, je l'espère, l'ère des clarifications nécessaires et de la recherche de plus d'efficacité.
On doit, en effet, reconnaître à la nouvelle ministre des sports sa forte implication pour à la fois définir de manière plus claire le rôle des différents acteurs, préserver les moyens budgétaires dans un contexte économique dégradé (le budget augmente de 20 M€ par rapport à 2022) et mieux coordonner les efforts pour réussir les Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024.
Car il ne faut pas se méprendre sur l'objectif réel de cette réorganisation. C'est bien l'impératif de réussir l'organisation des Jeux qui a précipité cette prise de conscience que la désorganisation de la politique publique du sport n'était plus tenable.
Depuis plusieurs mois, les interrogations n'ont cessé de grandir sur la capacité du COJOP à boucler son budget et la perspective d'un déficit qui devra être pris en charge par le contribuable est devenue aujourd'hui une possibilité - pour ne pas dire une probabilité - qui vient contredire les déclarations très souvent rassurantes du Gouvernement.
Le coût de la sécurité tant publique que privée de l'événement explose, de même que les prix des biens et services nécessaires aux Jeux. Pour compenser l'inflation, les collectivités territoriales sont dès aujourd'hui sommées d'accroître de 50 M€ le montant de leur contribution pour financer les infrastructures olympiques, j'y reviendrai.
Vous nous avez, monsieur le président, proposé de nous rendre sur le chantier du village des athlètes mercredi 30 novembre. Ce sera l'occasion de faire le point avec le directeur général de la Solidéo.
Comme l'a indiqué la ministre des sports lors de son audition, nous aurons bien une clause de rendez-vous en 2024. Si le Gouvernement s'engage pour réussir le mieux possible l'échéance des Jeux olympiques et paralympiques, les plus grandes incertitudes demeurent sur l'après 2024 et le projet de budget porte la marque de ces hésitations.
Je rappelle que le projet de loi de programmation des finances publiques acte la baisse des moyens consacrés au sport pour 2024 et 2025.
Pour en revenir au budget qui nous est soumis aujourd'hui, je vous propose d'examiner brièvement ses forces et ses faiblesses.
Quelles sont tout d'abord les avancées que nous pouvons saluer dans ce budget ?
Outre une augmentation de 2,6 % des crédits, je citerai d'abord la reconduction de plusieurs dispositifs qui ont permis d'amortir le choc qu'a représenté la crise sanitaire pour le secteur du sport.
Le Pass' Sport bénéficiera à nouveau de 100 M€ de crédits. L'élargissement de la liste de ses bénéficiaires aux étudiants boursiers doit être salué comme l'expérimentation engagée pour inclure les salles de sport privées dans l'offre, même si nous aurions pu sans doute nous passer de cette étape pour inclure, dès 2023, toutes les structures sportives dans le dispositif. Le prétexte de l'expérimentation ne doit pas servir d'excuse au rationnement budgétaire.
La poursuite du plan d'équipements sportifs de proximité doté de 200 M€ constitue également une caractéristique importante de ce budget. La première enveloppe de 100 M€ a déjà permis de financer plus de 2 000 équipements en 2022 sur les 5 000 équipements prévus. 50 M€ supplémentaires viendront compléter cet effort en 2023 et autant en 2024.
La hausse des moyens de l'AFLD doit être saluée même si le surcroît de +0,8 M€ est moindre que les 1,8 M€ demandés. Je regrette que la ministre ne nous ait pas répondu sur le plan d'équipement du nouveau laboratoire antidopage de l'université de Saclay. Nous resterons vigilants à ce sujet. Peut-être qu'un déplacement à Saclay dans le cadre de la mission sur les Jeux olympiques et paralympiques pourrait nous permettre d'y voir plus clair ?
Concernant la préparation des Jeux olympiques et paralympiques toujours, comme je le disais en introduction, le financement des infrastructures olympiques nécessitera un effort supplémentaire de 100 M€ de la part de l'État et de 50 M€ de la part des collectivités territoriales. J'ai insisté auprès de la ministre pour que cet effort ne pénalise pas les collectivités les plus fragiles, notamment en Seine-Saint-Denis.
Concernant toujours les Jeux olympiques et paralympiques il y a toutes les raisons de saluer la mise en place d'une « billetterie populaire » dotée de 11 M€ en 2023 et 2024 afin de démocratiser l'accès aux stades et de valoriser les bénévoles.
L'Agence nationale du sport verra quant à elle ses moyens budgétaires augmenter de 19 M€ afin, en particulier, de poursuivre la préparation des athlètes olympiques et paralympiques.
Je salue, à cette occasion, la signature prochaine d'une convention entre l'ANS et l'INSEP qui devrait permettre de clarifier le rôle de ces deux institutions dans un esprit de coopération affirmé. Les rôles respectifs des maisons régionales de la performance (MRP) opérées par l'ANS et du « réseau grand Insep » ont également été clarifiés, ce qui était nécessaire.
L'INSEP bénéficiera pour sa part de 5 ETP supplémentaires, ce qui permettra de rétablir ses moyens humains après la baisse de l'année dernière tandis que sa dotation augmente légèrement à 23,43 M€.
Le maintien des 1 442 effectifs de CTS en 2023 constitue une autre satisfaction, de même que l'abandon de la réforme de leur statut. La redéfinition de leurs missions permet de pérenniser ces personnels indispensables aux fédérations. La mise en place de l'École des cadres dotée de 0,5 M€ permettra de mieux les former et de les accompagner tout au long de leur carrière.
Je terminerai cette liste des aspects positifs en évoquant l'augmentation des moyens, notamment humains, consacrés à la lutte contre les violences sexuelles et sexistes et contre la radicalisation qui constitue une priorité. 20 postes sont créés dans les Drajes.
Après avoir regardé le verre à moitié plein, il est maintenant temps de le regarder à moitié vide. Et les déceptions sont au moins aussi nombreuses que les satisfactions.
Sans revenir sur le fait que la trajectoire financière des moyens consacrés au sport devrait baisser dès 2024, il y a tout lieu de s'inquiéter de l'insuffisante prise en compte de l'inflation dans ce budget. La ministre se félicite d'une hausse de 2,6 % des crédits mais, avec une inflation qui devrait dépasser les 4,3 %, la baisse en termes réels est bien là.
Lorsque j'ai interrogé le cabinet sur une nouvelle dégradation du contexte économique, la seule réponse a été de dire que des crédits pourraient au besoin être prélevés en gestion sur des dispositifs comme le Pass' Sport ce qui réduit, bien évidemment, considérablement la portée de ce budget. Par ailleurs, je ne partage pas l'analyse selon laquelle les dotations faites aux différents acteurs (INSEP, AFLD...) compenseraient la hausse attendue de l'inflation... sauf à les obliger à arrêter leurs investissements ou à contraindre leur développement.
Concernant les équipements sportifs de proximité, l'ANDES a indiqué que le plan mis en oeuvre en 2022 n'avait pas été exempt d'effets d'aubaine s'agissant d'équipements répondant aux nouvelles pratiques qui étaient déjà souvent prévus dans nombre de collectivités. Or, l'accent mis sur ces nouveaux équipements a aussi eu pour effet de délaisser les équipements locaux structurants qui sont très souvent dans un état souvent vétuste.
On peut également regretter, je l'ai déjà dit, le fait que l'extension du Pass' Sport aux salles de sport privées soit aussi laborieux.
Je note également qu'aucun progrès n'est fait concernant le sport sur ordonnance en dépit de la poursuite du développement des maisons sport santé.
Deux autres regrets plus substantiels m'obligent à porter un regard partagé sur ce budget :
- Tout d'abord, les crédits du plan de relance qui bénéficiaient au sport ne sont pas reconduits, à l'exception d'une enveloppe pour l'ANS concernant l'emploi.
On ne peut que s'étonner, par exemple, que les crédits consacrés à la rénovation thermique des équipements sportifs ne soient pas pérennisés vu le contexte de crise que nous connaissons. La ministre nous a indiqué que le « fonds vert » pourrait être mobilisé mais nous ne savons pas à quel niveau et selon quelles modalités et quels délais. Les crédits du plan de relance relatifs à la modernisation numérique des fédérations ne sont pas non plus prolongés sans qu'un véritable bilan ait été présenté au Parlement.
- Le second regret majeur concerne, une fois de plus, le mauvais usage qui est fait du produit des trois taxes portant sur le sport (les droits audiovisuels, les paris sportifs et les jeux de la FDJ). En 2023, le produit de ces 3 taxes devrait atteindre 487 M€ mais seuls 166 M€ devraient bénéficier au sport et plus particulièrement à l'ANS.
Plus étrange encore, le plafond de la « taxe Buffet » a été abaissé de 14,4 M€ pour tenir compte de la baisse du rendement induite par la faillite de Mediapro mais, au lieu de compenser cette baisse du plafond de la « taxe Buffet » par la hausse du plafond de la taxe sur les paris en ligne par exemple, le Gouvernement a préféré recourir à une dotation budgétaire de 14,4 M€ pour compenser à l'euro près.
Ce choix m'apparaît contraire au principe selon lequel « le sport doit financer le sport ». Si nous voulons vraiment clarifier le financement du sport, il me semble indispensable que la ministre des sports ouvre la réflexion sur l'attribution de la totalité du produit de ces taxes au sport.
Je terminerai cette liste des regrets en évoquant le manque d'originalité de ce budget qui ne comprend guère de mesures innovantes pour permettre au sport de jouer un rôle plus important dans l'accompagnement des jeunes en difficulté par exemple. Le sport demeure un outil précieux pour favoriser l'insertion sociale et professionnelle des jeunes comme le montrent les bons résultats obtenus par les coachs d'insertion professionnelle dans les QPV. Un coup de pouce à ces professionnels aurait été le bienvenu, notamment pour prévenir les conséquences de la récession qui pourrait faire des dégâts parmi les publics les plus fragiles de la politique de la ville.
En conclusion, vous aurez compris, mes chers collègues, qu'il y a tout lieu d'être partagé sur ce projet de budget.
Je ne doute pas de l'implication de la ministre qui reconstruit une politique publique du sport qui avait été mise à mal au cours du précédent quinquennat. Les principaux programmes sont financés à court terme. Mais il existe trop d'incertitudes concernant les conséquences de la dégradation de la situation économique avec une crise énergétique qui touche durement les installations sportives.
Par ailleurs, l'horizon est d'ores et déjà frappé par la perspective d'une baisse des crédits qui ne correspond pas à l'ambition de faire de la France une nation sportive.
Compte tenu de l'ensemble de ces observations, je propose à la commission d'émettre un avis de sagesse sur l'adoption des crédits des programmes 219 et 350 de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » du projet de loi de finances pour 2023 en espérant que le débat en séance publique sera l'occasion pour le Gouvernement de revenir sur la baisse du plafond des taxes affectées.