Cette mesure n’est que l’ombre d’elle-même, un pis-aller de communication face à un manque de courage politique récurrent sur ce sujet épineux.
La situation n’a, semble-t-il, pas changé, puisque la facture pétrolière de la France a retrouvé en 2010 son niveau de 2008. Les années se suivent et se ressemblent, contrairement aux mesures fiscales du Gouvernement !
On a repris une disposition qui figurait dans les projets de loi de finances pour 2007 et pour 2009. Pourquoi ne pas proposer plutôt une mesure pérenne ? Vous préférez céder aux sirènes des lobbies et vous contenter d’un affichage provisoire, pour calmer quelques esprits et non pour agir réellement ?
Quand on sait que cette contribution rapportera moins que les gains engrangés par Total grâce au régime fiscal du bénéfice mondial consolidé, on peut se demander si c’est vraiment de la justice fiscale ! Est-ce cela trouver des recettes justes et pérennes ? Un commissaire européen avait préconisé de pérenniser cette contribution dans laquelle il voyait une source de revenu bienvenue pour les gouvernements. Mais ce n’est visiblement pas ce qui vous intéresse !
Cela dit, il n’est jamais trop tard pour bien faire ! La preuve, le Gouvernement revient sur le bouclier fiscal. Il est vrai que, de l’aveu même du rapporteur général, « il est devenu de plus en plus contesté et contestable ». Après l’avoir défendu comme vous l’avez défendu, cela revient tout de même à reconnaître une erreur, c’est le moins que l’on puisse dire, d’autant que la définition du revenu retenue ne rendait qu’imparfaitement compte de la capacité contributive des contribuables.
Nous n’avons eu de cesse de le répéter depuis quatre ans et le conseil des prélèvements obligatoires l’a également rappelé : plus on est riche en France, moins la pression fiscale est forte. En 2009, les 1 % de Français les plus riches ont été imposés, en moyenne, à 18, 3 %. Et pour ceux qui le sont encore plus, ceux dont les revenus dépassent 4, 2 millions d’euros, comme cette brave Mme Bettencourt, qui a déjà été citée, le taux descend à 15 % ! En revanche, pour les cadres moyens, il est de 30 %.
Il est vrai que vous ne pouviez plus, à 300 jours des élections, car c’est bien cela qui guide votre action, maintenir cet outil totalement injuste, symbole d’un électorat préservé et qu’il faut continuer à préserver. Il fallait communiquer !
Dans le rapport, il est écrit que « le bouclier fiscal a été créé dans un contexte économique profondément différent de celui d’aujourd’hui ». Je suis totalement d’accord avec le rapporteur général ; le contexte était tout à fait différent : le bouclier fiscal a été créé au lendemain d’une élection, l’annonce de sa suppression intervient, quant à elle, à la veille d’une autre… Il y a bien là une logique qui n’est ni économique ni sociale, mais bel et bien comptable, en nombre de voix ! C’est, en tout cas, ce que vous espérez.
Les recettes, quant à elles, sont aujourd'hui en difficulté. Les véritables effets de l’abrogation du bouclier fiscal ne se feront vraiment sentir qu’après 2012, malgré les engagements qui ont été pris. C’est ce qu’on appelle des « recettes pour l’État », mais on peut les appeler des « moins-values » ou des « avantages en moins » pour les Français les plus aisés. Cela a été dit, elles sont estimées à 300 millions d’euros en 2012, à 420 millions d’euros en 2013 et, enfin, à 720 millions d’euros à partir de 2014. Les chèques seront toujours d’actualité, mais ils seront de moins en moins importants...
Heureusement que la réforme de l’ISF redonne la part du lion aux lions car, si les ménages les plus aisés perdent à terme 700 millions d’euros d’un côté, ils regagnent près du double de l’autre ! N’ayez crainte, cette réforme est bien faite en faveur des plus aisés et contre la classe moyenne !
Il faut rappeler que, comme pour la réforme territoriale ou la réforme des retraites, en bout de chaîne, c’est toujours le contribuable des classes moyennes qui supporte le poids des réformes du Gouvernement. Pour nous, cela ne s’appelle pas de la responsabilité et de la justice fiscale. La prétendue lutte contre l’évasion fiscale symbolisée par l’article 18 ne change rien à l’esprit du texte.
Ce projet de loi de finances est un véritable fourre-tout financier de précampagne électorale. C’est un exercice périlleux par lequel le Gouvernement tente – il ne réussira pas – de sauver la face et de se racheter une virginité fiscale en 23 articles.
On ne peut cependant pas feindre d’ignorer – vous vous en félicitiez d’ailleurs – les objectifs purement électoralistes de ce texte…