Intervention de Bernard Jomier

Réunion du 7 novembre 2022 à 16h00
Financement de la sécurité sociale pour 2023 — Discussion générale

Photo de Bernard JomierBernard Jomier :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord évoquer le fait que ce projet de loi de financement, issu de l’utilisation de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, a un avenir incertain.

Le Gouvernement aurait pu profiter de cette circonstance pour nous proposer un projet de loi structuré et cohérent. Or il hésite, encore une fois, entre une loi de finances et une loi d’organisation du système de santé, loi que nous appelons par ailleurs de nos vœux.

Depuis la crise sanitaire, les collectivités territoriales se saisissent de l’organisation du système de soins dans les territoires, contribuant ainsi à modifier la gouvernance en santé du pays.

Il nous faut partir des besoins des territoires pour ensuite procéder aux arbitrages budgétaires. L’outil de régulation qu’est l’Ondam montre ses limites. La maîtrise qu’il porte s’impose avant toute délibération sur les besoins en matière de santé dans nos territoires comme au Parlement, où aucun débat sur les besoins sociaux de la Nation n’a lieu en amont de la délibération budgétaire. Pourtant, passer d’une logique d’offre à une logique de besoins en santé est primordial. Mais dans ce texte, vous en restez à une politique de l’offre.

L’an dernier, nous regrettions un budget de fin de quinquennat sans grande nouveauté. Cette année, nous espérions un PLFSS à la hauteur d’un Président de la République réélu, mais le souffle est court.

Le Gouvernement revendique d’inscrire ce budget dans la continuité de ceux de 2010 à 2019 en termes de trajectoire de réduction des déficits. Cette mise à l’équilibre s’était faite au détriment de l’hôpital public. À l’époque, ce choix était déjà discutable ; aujourd’hui, il n’est pas supportable.

L’Ondam, hors dépenses de crise, évolue de 3, 7 %, soit une évolution nettement inférieure à l’inflation, évaluée à 6 % cette année et qui se situera probablement entre 4 % et 5 % en 2023. En définitive, malgré une communication volontariste du Gouvernement, ce budget post-covid réduit les moyens financiers attribués au système de soins.

Par ailleurs, nous affirmons avec force que les comptes de la sécurité sociale pourraient retrouver un équilibre. En témoigne l’augmentation depuis 2017 des exonérations de cotisations sociales.

En 2018, elles représentaient moins de 40 milliards d’euros contre 71 milliards en 2023. Bien que les baisses de cotisations puissent être utiles sur les bas salaires, la majorité d’entre elles relèvent d’une politique fiscale favorisant les plus aisés. Le Conseil d’analyse économique a publié en 2019 une note intitulée Baisses de charges : stop ou encore ? dans laquelle il recommandait l’abandon des exonérations de cotisations sur les salaires supérieurs à 2, 5 Smic au motif qu’elles sont sans effet sur l’emploi.

J’ajouterai que le Gouvernement a décidé de faire porter le coût du covid-19 à la sécurité sociale, ce qui représente cette année une perte de recettes de 17, 7 milliards d’euros. Il serait plus pertinent que l’État prenne en charge cette dette.

Si l’on prenait en compte ces sommes, les administrations de sécurité sociale dégageraient un fort excédent. De même, cela permettrait d’accroître les investissements nécessaires au système de santé.

De façon plus globale, nous désapprouvons cette logique politique de fléchage de la dépense publique vers des exonérations et des allégements de charge. Notre pays a besoin d’investissements structurels, stratégiques et de long terme.

En quarante ans, la dépense publique est passée de 46 % à 55 % du PIB. Certes, mais il faut aller au bout de l’analyse : seulement un tiers de cette dépense est consacré au fonctionnement de l’État et de ses services – salaires, achats, prestations, loyers… Les deux tiers restants consistent aujourd’hui en transferts aux ménages et aux entreprises.

À la lecture de ces chiffres, on comprend le paradoxe ressenti par beaucoup de Français : alors que la dépense publique augmente, nos services publics subissent une décrépitude. En 2020, nous ne consacrons pas plus d’argent à nos services publics qu’à la fin du septennat de Valéry Giscard d’Estaing !

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