Intervention de Elisabeth Doineau

Réunion du 8 novembre 2022 à 14h45
Financement de la sécurité sociale pour 2023 — Après l'article 7 septies

Photo de Elisabeth DoineauElisabeth Doineau :

S’agissant d’un débat que, depuis quelques années, nous avons à chaque PLFSS, je vais essayer de donner à mes collègues une réponse assez substantielle, quitte à être un petit peu longue, monsieur le président.

Tout d’abord, d’un point de vue juridique, la Cour de justice de l’Union européenne a certes clairement dit – c’est l’arrêt de Ruyter de 2015, vous l’avez rappelé – qu’une personne relevant du système de protection sociale d’un pays de l’Union, de l’EEE ou de la Suisse ne devait pas financer le système de protection sociale d’un autre pays appartenant à cet ensemble. Mais elle a dit tout aussi clairement que cette règle ne concernait que les pays de l’ensemble que je viens de nommer, et que les Français non-résidents de tous les autres pays pouvaient acquitter des impôts finançant la sécurité sociale française – c’est l’arrêt Jahin de 2018.

Le Conseil constitutionnel n’a pas davantage trouvé à redire sur cette différence entre non-résidents communautaires et non-résidents non communautaires. La législation française est donc parfaitement en phase avec la jurisprudence constitutionnelle et communautaire. Selon ces hautes juridictions, elle ne bafoue aucun principe fondamental.

Je vous dis maintenant quelques mots, mes chers collègues, à propos de la justice fiscale de ces propositions.

La CSG et la CRDS sont des impôts, non des cotisations. La nuance est de taille : les impôts ne créent pas de droits, à l’inverse des cotisations. Le fait que ces contributions servent à financer des régimes sociaux ne change rien à l’affaire : tous les Français, riches ou modestes, acquittent la CSG et la CRDS sur leurs revenus d’épargne sans que cela leur crée le moindre droit social.

Sur le fond, contester cet assujettissement reviendrait à revendiquer aussi que ces revenus financiers français ne soient pas soumis non plus aux impôts d’État, comme l’impôt sur le revenu ou les prélèvements de solidarité, au prétexte que les non-résidents utilisent moins les routes ou les écoles françaises que les autres…

J’ajoute que la plupart de ces amendements visent non pas seulement nos compatriotes établis hors de France, mais également les revenus financiers de source française d’étrangers parfois fortunés. Notre priorité est-elle vraiment de tels revenus de CSG et de CRDS ?

Pour ce qui est des autres amendements, ceux dont les auteurs ont tâché d’échapper à cette dernière critique, je ne pense pas que le Conseil constitutionnel considérerait qu’il est possible de réserver une exonération de CSG ou de CRDS aux non-résidents ayant été assurés sociaux en France pendant au moins cinq ans. La différence de situation entre ces non-résidents et les autres non-résidents ne semble pas justifier une telle différence de traitement fiscal. Il en est d’ailleurs de même pour les assurés au régime de la Polynésie française.

Enfin, d’un point de vue financier, je rappelle que ce n’est pas de petites sommes que nous parlons : le coût de ces exonérations a été estimé à environ 300 millions d’euros par le Gouvernement. Adopter ces amendements dégraderait donc significativement le solde du PLFSS issu des travaux du Sénat.

Pour l’ensemble de ces raisons, mes chers collègues, je suis au regret de vous dire que l’avis de la commission est défavorable sur ces amendements.

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