Intervention de Jean-François Rapin

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 8 novembre 2022 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2023 — Mission « recherche et enseignement supérieur » - examen du rapport spécial

Photo de Jean-François RapinJean-François Rapin, rapporteur spécial de la mission « Recherche et enseignement supérieur » :

Les crédits des programmes « Recherche » de la mission devraient atteindre, en 2023, 12,8 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) comme en crédits de paiement (CP), soit une hausse de plus de 7 % par rapport à l'année précédente. Cette évolution résulte essentiellement de l'enveloppe supplémentaire de 330 millions d'euros allouée aux organismes de recherche du programme 172, ainsi que de la forte hausse des crédits dédiés à la recherche spatiale.

Avant d'entrer dans les détails, je tire deux premiers constats de cette augmentation.

D'abord, j'exprimerai une satisfaction. La trajectoire proposée pour 2023 respecte la hausse prévue par la LPR. Ce sera la troisième année que cette loi sera mise en oeuvre : nos avions alors salué l'ambition inscrite sur le papier en faveur de la recherche. À l'échelle de la mission, ce sont ainsi 400 millions d'euros supplémentaires qui sont prévus pour 2023 afin de respecter les engagements pris dans le cadre de cette loi, et nous pouvons nous en féliciter.

Cependant, la trajectoire de la LPR a été établie en 2020 en volume, c'est-à-dire sans tenir compte de l'inflation. À l'époque, en tant que rapporteur pour avis sur ce texte, je vous avais averti sur les risques qui en découlaient. Il est vrai que l'inflation était alors très faible, ce que n'avait pas manqué de mettre en avant le Gouvernement, mais elle devrait s'élever cette année à 5,4 %. En euros constants, les 400 millions d'euros de hausse au titre de la LPR en 2023 équivalent ainsi à 385 millions d'euros en 2022.

En conséquence, la loi de programmation aura surtout protégé la mission « Recherche et enseignement supérieur » d'une érosion de ses moyens par l'inflation. La clause de revoyure figurant dans ce texte prévoyait une actualisation de la programmation au moins tous les trois ans - j'espère que cette occasion sera saisie en 2023.

Par ailleurs, de nombreuses infrastructures de recherche sont très consommatrices d'électricité et seront donc très impactées par la hausse des coûts énergétiques en 2023. À titre d'exemple, la hausse du coût de l'énergie est estimée à 60 millions d'euros pour le seul nucléaire civil par le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA). Le PLFR que nous discuterons la semaine prochaine prévoit que 55 millions d'euros devraient revenir en 2022 aux établissements de recherche, intégralement couverts par l'annulation de la réserve de précaution.

L'enjeu pour les organismes est donc de stabiliser au minimum les activités de recherche afin de maintenir la continuité de l'activité expérimentale. Espérons que la mobilisation des ressources propres des opérateurs et le dégel de la réserve y pourvoiront.

J'en viens maintenant aux détails de ce budget.

Les organismes de recherche bénéficient au total de plus de 7 milliards d'euros de crédits, en hausse de 370 millions d'euros par rapport à l'année précédente. Une part importante est destinée à financer la hausse du point d'indice en 2023, à hauteur de 130 millions d'euros. Les efforts portés par la LPR expliquent le reste de l'augmentation constatée en 2023. Celle-ci concerne notamment l'amélioration des carrières dans la recherche, la rémunération des doctorants et l'augmentation des moyens alloués aux laboratoires et aux grandes infrastructures de recherche nationales et internationales.

Il est indéniable que ces moyens nouveaux redonneront des marges de manoeuvre aux organismes de recherche. Alors que la subvention pour charges de service public versée aux opérateurs subissait une lente érosion année après année, le budget pour 2023 confirme l'inversion de tendance qui avait pu être espérée en 2022.

J'évoquerai maintenant le redressement financier de l'Agence nationale de la recherche (ANR), qui se poursuit cette année.

En 2023, les crédits de l'ANR au titre du programme 172 devraient s'élever à 1,226 milliard d'euros en AE et 961 millions d'euros en CP, soit une hausse de 15,4 % en AE et de 8,6 % en CP.

Les hausses de crédits des deux dernières années permettront d'atteindre un taux de succès sur les appels à projets de 23,7 % en 2023, contre 16 % en 2020. Le taux de préciput - dont je rappelle qu'il s'agit de la somme versée aux organismes de recherche lorsqu'une de leur équipe a remporté un appel d'offre, afin d'inciter les organismes de recherche à se porter candidats - a également progressé, pour atteindre 25 % dès 2021, contre 19 % en 2020. Il s'élèvera à 200 millions d'euros et 28,5 % en 2023.

De manière générale, le redressement financier de l'ANR constitue un signal très encourageant pour nos chercheurs. Il me semble que nous devons être attentifs aux enjeux d'articulation avec les appels à projets européens, afin que les appels à projets nationaux et européens ne se concurrencent pas.

Je salue enfin la rebudgétisation au sein de la mission du programme 191 - Recherche duale pour 150 millions d'euros. Les crédits avaient été déplacés au profit de la mission « Plan de relance » en 2021 et 2022. Le passage par la mission « Plan de relance » de ces crédits ne se justifiait pas par leur nature et a permis de masquer une baisse des montants accordés au programme depuis 2020. En d'autres termes, la création de cette ligne sur la mission « Plan de relance » n'aura pas permis d'accroître les moyens consacrés à la recherche duale en 2021 et 2022, mais aura, au contraire, accompagné leur diminution.

Enfin, le budget de la recherche spatiale représenterait, en 2023, 1,7 milliard d'euros, soit une hausse de 74 millions d'euros à périmètre constant. Ainsi, les moyens globaux alloués au Centre national d'études spatiales (Cnes) progresseront en 2023 de 10 %.

Néanmoins, plus de la moitié de ces montants sont in fine transférés à l'Agence spatiale européenne (ESA). Les fonds à destination de cette dernière devront d'ailleurs sans doute augmenter au cours des prochains mois, notamment pour financer le surcoût lié au retard du projet Ariane 6, estimé à environ 200 millions d'euros. La participation de la Russie au programme étant incertaine, il semble d'autant plus indispensable d'envisager que le budget soit réévalué.

En conclusion, dans la mesure où le budget 2023 se révèle conforme à la LPR, je souhaite que notre commission des finances propose au Sénat d'adopter les crédits de cette mission.

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